(Le Pays 13/09/2011)
Le 19 juillet dernier, l’opposant historique de la Guinée Conakry, aujourd’hui à la tête de son pays, fut victime d’une attaque contre sa résidence privée de Conakry. L’on s’attendait à des enquêtes dont les résultats devraient, en temps normal, être communiqués par la personne habilitée à les livrer, qui n’est pas forcément le chef de l’Etat himself. Mais le président Condé lui-même a décidé de briser le silence. Et il accuse ses voisins immédiats : le Sénégal et la Gambie.
Dans une interview accordée à des médias sénégalais, l’homme fort de Conakry a soutenu que l’attaque qui a failli lui coûter la vie, a été fomentée à Dakar par un landerneau formé de trois grandes figures guinéennes. Il s’agit, à en croire Condé, d’un homme d’affaires proche du général Sékouba Konaté, d’un responsable du parti de l’opposant Cellou Dalein Diallo et d’un ex-secrétaire général à la présidence de Guinée. Mais alors, que reprochent les autorités sénégalaises à Condé au point de vouloir lui arracher son fauteuil d’une manière violente ? Que gagne finalement le Sénégal à déstabiliser la Guinée ? A la vérité, si l’on peut soupçonner Yaya Jammeh de la Gambie d’être en mesure de soutenir des putschistes, d’autant que lui-même est arrivé par un pronunciamiento, l’on ne peut dire la même chose de Abdoulaye Wade.
Quoiqu’on reproche à l’homme bien des choses. Ce dernier est d’ailleurs l’un des présidents africains qui s’est employé activement à la résolution des différentes crises consécutives à la mort de Lansana Conté. Son pays, de par le passé, s’est montré hospitalier à de nombreux Guinéens. Pour preuve, l’auteur du célèbre roman africain, l’Enfant noir, Camara Laye, y a passé un bon moment de sa vie, fuyant le régime dictatorial de Sékou Touré. Alpha Condé, en faisant de telles déclarations péremptoires, met à mal le bon voisinage construit et consolidé depuis belle lurette par les deux peuples. Il brouille ainsi l’axe Conakry-Dakar en affirmant que les autorités sénégalaises étaient au parfum de ce qui se tramait.
Loin de nous, l’idée de vouloir contester la véracité des déclarations du président guinéen. Seulement, la manière de les faire frise le règlement de comptes. Condé en veut-il, quelque part, à Wade de sourire à la fois à lui et à ses opposants en pérennisant une tradition héritée de ses prédécesseurs ? En attendant que des enquêtes apportent la lumière sur ce complot, il faut espérer que le tout premier président démocratiquement élu de la Guinée n’emboîte pas le pas à ses prédécesseurs, notamment à Sékou Touré et à Lansana Conté, qui voyaient en leurs voisins des diables qui n’avaient d’autres soucis que de déstabiliser leur pouvoir.
Au finish, le professeur Condé risque de consacrer une bonne partie de son mandat aux accessoires, laissant de côté l’essentiel qui est de réconcilier le pays, de redresser son économie sous perfusion par la faute de sa classe politique et de construire un véritable Etat de droit. A l’instar de ces défis immenses, le président guinéen vient de se mettre encore à dos un voisin de taille comme le Sénégal.
Boulkindi COULDIATI
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