(Le Télégramme 13/04/2011)
Laurent Gbagbo est parti. Mais la situation est loin d'être réglée en Côte d'Ivoire. Le pays est divisé en deux, son économie traverse une crise sans précédent et la situation humanitaire est catastrophique. La tâche du nouveau président, Alassane Ouattara, s'annonce immense.
L'immense défi d'Alassane Ouattara.
«Réconciliation», «retour à l'ordre et au calme», «espérance», ce sont les premiers mots prononcés par Alassane Ouattara, lundi soir, quelques heures après l'arrestation de Laurent Gbagbo. Le président souhaite tourner la page. Mais la tâche s'annonce très difficile dans un pays coupé en deux. Le président a d'ores et déjà appelé les Ivoiriens «qui seraient gagnés par un sentiment de vengeance à s'abstenir de tout acte de représailles et de violences». Il a dit vouloir mettre en place une commission vérité et réconciliation «qui fera la lumière sur tous les massacres, crimes et autres violations des droits de l'Homme». Des déclarations saluées par le secrétaire général des Nations unies. Ban Ki-moon a estimé que la Côte d'Ivoire disposait désormais d'une «occasion historique» pour promouvoir la réconciliation nationale, établir un gouvernement d'unité nationale. Sur ce dernier point, Alassane Ouattara est pour l'instant resté très vague.
Situation toujours très tendue à Abidjan.
Si Laurent Gbagbo est tombé, le calme n'est pas pour autant revenu dans la capitale économique. Hier matin, des tirs d'armes lourdes ont retenti dans les quartiers du Plateau et de Cocody, deux bastions de l'ex-président. Certains quartiers étaient livrés à l'anarchie et les pillages se sont intensifiés. Les forces républicaines du nouveau chef d'État ont reconnu être complètement débordées.
800 morts depuis le mois de décembre.
Les quatre mois de crise ont fait au moins 800 morts dont la moitié à Abidjan, selon un premier bilan de l'Onu. Mais le chiffre réel est probablement beaucoup plus élevé. La situation humanitaire est également très difficile dans l'intérieur du pays, notamment dans l'Ouest où les combattants des deux camps ont été accusés par l'Onu et des ONG d'exactions. Les corps de 400 personnes ont d'ores et déjà été dénombrés à Guiglo, Duékoué et Blolequin. Là encore, le bilan devrait s'alourdir. Dans le reste du pays, «nous avons eu un certain nombre de viols, de pillages dans des zones des deux parties impliquées dans le conflit», à savoir celle du président élu Alassane Ouattara et de l'ancien président Laurent Gbagbo. À Genève, le Conseil des droits de l'Homme de l'Onu a nommé hier trois experts chargés d'enquêter sur les crimes commis depuis le scrutin présidentiel.
Que va devenir Laurent Gbagbo?
Alassane Ouattara a annoncé le lancement d'une procédure judiciaire contre Laurent Gbagbo, son épouse et ses collaborateurs, arrêtés lundi. Sera-t-il jugé? Si oui, son procès se déroulera-t-il en Côte d'Ivoire, à LaHaye? Ces questions restaient en suspens, hier. En attendant, les images du président et de son épouse vaincus et humiliés étaient à la Une de tous les journaux ivoiriens, hier, suscitant de la compassion, jusque dans les rangs des partisans d'Ouattara. L'ancien président, dont la protection est assurée par l'Onuci, était gardé dans un lieu tenu secret. La France a souligné qu'elle ne «l'accueillerait certainement pas».
Aide de l'Europe...
Réunis à Bruxelles, les ministres européens des Affaires étrangères ont débloqué 180millions d'euros pour la Côte d'Ivoire. Toutefois, l'aide européenne ne s'annonce pas comme un chèque en blanc. L'image d'Ouattara a été gravement ternie par les accusations visant les Forces républicaines, après le massacre de centaines de personnes à Duékoué. «Tous les auteurs de violations des droits de l'Homme doivent répondre de leurs agissements», a prévenu la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton.
...Et de la France.
Christine Lagarde a annoncé «un soutien financier exceptionnel de 400millions d'euros» sous forme de prêts pour aider notamment à satisfaire les besoins urgents des populations et de la ville d'Abidjan.
«J'en appelle à tous mes compatriotes qui seraient gagnés par un sentiment de vengeance à s'abstenir de tout acte de représailles et de violences.» •Alassane Ouattara président de la Côte d'Ivoire
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