(Le Figaro 21/02/2011)
Un des fils du colonel Kadhafi a prédit dans un discours télévisé dimanche soir «des rivières de sang» en cas de poursuite de la contestation du régime, tandis que des tirs nourris ont été entendus dans la nuit à Tripoli.
• En Libye, l'ONG Human Rights Watch fait état de plus de 233 morts depuis le début de la contestation mardi
Des tirs de plus en plus nourris ont été entendus dans plusieurs quartiers de la capitale Tripoli dimanche soir. Depuis mardi, le bilan des émeutes atteint au moins 233 morts selon Human Rights Watch (HRW), qui se base sur des sources médicales.
Dimanche soir, pour la première fois, le régime a officiellement réagi par la voix de Seïf Al-Islam, un des fils du colonel Mouammar Kadhafi. Dans une allocution télévisée, celui-ci a crié au complot étranger contre la Libye, affirmant que les bilans donnés par «les médias étrangers» sont «très exagérés». Selon lui, le peuple doit choisir soit de construire une «nouvelle Libye», soit de plonger dans la «guerre civile».
«Nous allons détruire les éléments de la sédition», a-t-il lancé, tout en promettant une constitution et de nouvelles lois libérales. «L'armée aura maintenant un rôle essentiel pour imposer la sécurité parce que c'est l'unité et la stabilité de la Libye» qui sont en jeu, a-t-il déclaré. «La Libye est à un carrefour. Soit nous nous entendons aujourd'hui sur des réformes, soit nous ne pleurerons pas 84 morts mais des milliers et il y aura des rivières de sang dans toute la Libye».
L'UE appelle à la fin de la répression
Malgré la répression la veille, le mouvement contre Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 1969, s'est poursuivi dimanche. Dans l'est du pays, il semble se transformer en véritable insurrection. À Benghazi, des milliers d'opposants au régime se sont de nouveau rassemblés devant un tribunal, où ils ont encore essuyé des tirs. Un avocat sur place a raconté que d'autres contestataires attaquaient la garnison, et qu'il était impossible de faire face au flux des blessés. La tension était également perceptible dans la capitale, où de nombreux habitants faisaient des courses pour constituer des réserves alimentaires tandis que des commerçants vidaient leurs boutiques, de crainte de manifestations à venir.
Pour protester contre la «violence contre les manifestants», le représentant permanent de la Libye auprès de la Ligue arabe a annoncé dimanche soir qu'il démissionnait de son poste pour rejoindre «la révolution». De son côté, l'Union européenne a appelé le colonel Kadhafi à répondre aux aspirations «légitimes» de son peuple et à cesser de réprimer dans le sang les manifestations.
• Au Maroc, des incidents dans trois villes du pays, en marge des manifestations pacifiques
Plusieurs milliers de Marocains ont manifesté dimanche pour réclamer des réformes politiques et une limitation des pouvoirs du roi, premier mouvement de ce type dans le pays depuis le début des révoltes qui secouent le monde arabe.
A Casablanca et Rabat, des banderoles proclamaient : «Le roi doit régner et non gouverner» ou «Le peuple veut une nouvelle Constitution», tandis que des groupes de gauche demandaient «moins de pouvoirs à la monarchie». Si la situation étaient plutôt calme dans ces deux villes, à Marrakech et Larache en revanche, des incidents se sont produits à l'issue des manifestations. A Marrakech, haut-lieu du tourisme marocain, un groupe de 150 à 200 personnes étrangères à la manifestation ont notamment attaqué et pillé des magasins et lancé des pierres contre un édifice public, selon l'Agence France Presse. A Larache, des jeunes gens s'en sont aussi pris à des édifices publics, notamment un poste de gendarmerie et un poste de douane, selon plusieurs témoins. Dans les deux cas, les forces de l'ordre ne sont pas intervenues.
Des échauffourées ont également éclaté à Al Hoceima, dans le nord du Maroc, la police ayant dû faire usage de gaz lacrymogènes pour disperser des protestataires qui attaquaient notamment un poste de police, selon des témoins.
Dans la foulée des événements de Tunisie et d'Egypte, de jeunes Marocains avaient lancé sur Facebook le mouvement «du 20 février», appelant à manifester pacifiquement pour réclamer une nouvelle Constitution limitant les pouvoirs du roi et plus de justice sociale. L'appel a rapidement rassemblé des milliers de sympathisants. Il a été appuyé par des ONG comme l'Association marocaine des droits humains (AMDH) et des journalistes indépendants. L'organisation de la jeunesse du mouvement islamiste Justice et bienfaisance avait appelé elle aussi à manifester «pacifiquement» dimanche.
Les principaux partis politiques marocains dont l'Istiqlal (du premier ministre Abbas El Fassi) se sont en revanche prononcés contre l'appel.
• Des milliers de Tunisiens réclament la démission du gouvernement
Quelque 4000 Tunisiens ont manifesté dimanche à Tunis pour réclamer la démission du gouvernement de transition dirigé par Mohamed Ghannouchi, premier ministre de Ben Ali de 1999 à sa chute.
«Démission du premier ministre, Assemblée constituante, Indépendance de la justice», «Dissolution du Parlement», «Système parlementaire», «La Tunisie est à nous et pas aux autres, non à l'ingérence française», pouvait-on lire sur des banderoles au milieu d'une multitude de drapeaux tunisiens.
La manifestation, commencée en fin de matinée sur l'avenue Habib Bourguiba, s'est déroulée sans violences devant la résidence du premier ministre. Des hélicoptères ont tournoyé dans le ciel, deux blindés de l'armée ont été déployés sur la place que policiers et militaires surveillaient de loin.
Après la chute de Ben Ali le 14 janvier, un gouvernement d'union nationale avait été formé dans lequel l'équipe sortante avait conservé la majorité des postes. Des milliers de personnes avaient manifesté quotidiennement pour obtenir leur démission. Sous la pression de la rue, Mohamed Ghannouchi avait remanié le gouvernement de transition en écartant des principaux caciques de l'ancien régime.
Depuis, des élections libres ont été annoncées d'ici à six mois. Une commission a été nommée pour préparer les élections tandis que plusieurs partis d'opposition ont réclamé l'élection d'une Constituante et la création d'un comité de sauvegarde de la révolution.
• Bahreïn : les manifestants campent dans le calme à Manama
Des milliers de Bahreïnis ont occupé dimanche la place de la Perle à Manama, épicentre de la contestation du régime, alors que l'opposition se concertait avant d'entamer un dialogue avec le pouvoir. En fin d'après-midi, des jeunes s'employaient à dresser d'autres tentes sur la place, se joignant aux protestataires qui y ont passé samedi une première nuit sans entraves. L'armée, qui était déployée dans la ville depuis jeudi en réaction à une manifestation contre le régime, s'était en effet retirée vendredi de ce centre névralgique de la contestation.
C'est le prince héritier Salman ben Hamad Al-Khalifa qui a ordonné à la police et aux militaires de rester à l'écart des manifestants. Il a ainsi satisfait partiellement les voeux de l'opposition. Mais cette dernière exige également la démission du gouvernement actuel avant d'entamer le dialogue politique proposé par le prince héritier sunnite.
» Les manifestants ont réintégré la place de la perle samedi après-midi :
L'union générale des syndicats de Bahreïn a levé son appel à la grève générale dimanche, estimant que ses demandes d'un retrait de l'armée de Manama et du droit de manifester avaient été satisfaites.
Vendredi soir, l'armée a tiré sur des manifestants à Manama, faisant des dizaines de blessés parmi les opposants au régime. La répression de leur mouvement a fait six morts en moins d'une semaine, et au moins 95 blessés, selon un responsable de l'opposition chiite, Abdel Jalil Khalim Ibrahim.
• Un manifestant tué dans le sud du Yémen
Plusieurs centaines d'étudiants yéménites ont manifesté dimanche devant le campus de l'université de Sanaa sans être inquiétés par les partisans du pouvoir tenus à l'écart par la police. Un mouvement de protestation rejoint dimanche par l'opposition parlementaire, qui a affirmé qu'elle ne reprendrait pas le dialogue avec le pouvoir sous la menace des armes.
A Aden en revanche, les manifestations ont été marquées par un décès dimanche. Un manifestant a été tué par la police, selon des sources médicales et des témoins. Ce décès porte à onze le bilan des personnes tuées dans cette ville depuis le 13 février, et treize au total dans tout le pays, selon un bilan élaboré par l'AFP. Un autre manifestant a été blessé lorsque la police a tiré des gaz lacrymogènes et des balles pour disperser des centaines de manifestants descendus dans la rue dans le quartier Cheikh Osmane, selon les mêmes sources.
» Au Yémen, le président Saleh joue sa survie
• A Alger, les manifestants, repoussés et dispersés par la police, promettent de revenir tous les samedis
D'importantes forces de sécurité et des dizaines de véhicules blindés ont repoussé samedi les manifestants venus exprimer à Alger leur volonté de faire tomber le pouvoir en place. Aux cris de «Pouvoir assassin» ou de «Vive l'Algérie libre et démocratique», les opposants au régime ont à nouveau promis de revenir tous les samedis manifester leur colère. Il s'agissait samedi de la deuxième mobilisation de ce type en huit jours.
Alors que les différentes sources faisaient état d'un rassemblement moins violent que samedi dernier, un député du parti Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Tahar Besbes, a été blessé pendant un affrontement avec la police. Il a été «agressé par au moins deux policiers», a affirmé le chef du groupe parlementaire du RCD. «L'un d'eux lui a donné un coup de pied au ventre et un autre au visage. Il s'est écroulé à terre et sa tête a heurté le sol». Il y aurait également eu une dizaine d'autres manifestants blessés, selon la CNCD.Souffrant d'une entorse et d'une blessure à la main, Tahar Besbes a pu passer la nuit de samedi à dimanche chez lui.
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