(La Libre 01/04/2011)
L’épouse de l’ex-Président est considérée comme le faucon du couple Gbagbo.
Ses partisans l’appellent "Xénia la guerrière", du nom d’une héroïne de bande dessinée - traduction en language jeune de ce que sait tout un chacun à Abidjan : le faucon, dans le couple Gbagbo, c’est l’épouse.
Fille de gendarme née en 1949 au milieu de quinze soeurs, Simone Ehivet est une militante dans l’âme. D’abord au sein de la très catholique Jeunesse étudiante chrétienne, ce qui ne l’empêche pas, une fois étudiante à l’université, alors qu’elle est mère de trois enfants, de tomber sous le charme d’un jeune professeur d’histoire, fils de policier, Laurent Gbagbo, lui-même marié et père de deux enfants. Ils auront deux autres filles ensemble et Simone résoudra ses problèmes de conscience en passant corps et biens à une secte protestante.
Le couple se complète : là où il est séducteur, enjôleur, habile à jouer la montre comme à rouler ses interlocuteurs dans la farine (ce qui lui vaut, à Abidjan, le surnom de "Boulanger"), Simone est cassante, âpre, sèche, le visage crispé de véhémence. Linguiste spécialiste de la tradition orale, elle est l’auteur d’une étude sur "le lexique de guerre" du groupe ethnique akan, dont elle est issue. Mais leur but est le même : le pouvoir.
Elle est militante syndicale. Puis, dans les années 80, Simone et Laurent sont parmi les fondateurs du Front populaire ivoirien (FPI), un parti d’opposition au président Houphouët-Boigny d’abord clandestin. Elle est pour la lutte armée, lui n’en veut pas. Ils vivent en exil à Paris, rentrent au pays à la faveur de l’ouverture, font de la prison pour incitation à la violence. En 1996, grâce au multipartisme, Simone est élue député du FPI, légalisé.
Le grand tournant, ce sont les élections de 2000 : Laurent Gbagbo roule dans la farine le général Guéi, lui enlevant la victoire aux présidentielles que le militaire putschiste s’était concoctée sur mesure en interdisant de scrutin toutes les grandes pointures politiques de l’époque, dont Ouattara. Voilà Gbagbo président grâce à un nombre minimal de voix. Des troubles suivent, la répression est sévère.
Entourée de pasteurs qui dirigent d’incessantes séances de prière avec transes et guérisons à la Présidence, Simone Gbagbo se voit en Judith d’un combat tellurique entre chrétiens et musulmans, tandis que le discours et la politique anti-nordistes de Laurent Gbagbo (qui font des Ivoiriens du nord, musulmans et assimilés à des étrangers, des citoyens de seconde zone), provoquent en 2002 une tentative de coup d’Etat de l’armée, où les nordistes sont en force. Le coup rate; il se transforme en rébellion, avec partition du pays entre Nord et Sud, et guerre civile. C’est là que Xénia la guerrière donne toute sa mesure. C’est elle qui fait la tournée des popotes, pas le chef de l’Etat et des armées. C’est elle qui harangue les troupes et invite à "assainir la nation et démasquer les brebis galeuses".
Quand Laurent Gbagbo, sous pression internationale, participe à des négociations de paix (passé maître dans l’art de gagner du temps, il le fera pendant des années), Simone en refuse le principe même. Quand l’équipe de négociation de Gbagbo rentre à Abidjan en ayant signé un compromis, elle gifle un des principaux négociateurs, le président du FPI, et fulmine. "Nous les Ivoiriens, nous n’avons pas peur de la guerre". Quand le Président rentre à son tour, elle l’attend à l’aéroport, ce qui est inhabituel. Que se sont-ils dit ? L’a-t-elle convaincu ou se sont-ils, une fois encore, entendus sur l’essentiel, l’une jouant la méchante et l’autre le gentil, comme dans les équipes de flics ? Dans les semaines qui suivent, une campagne de violences anti-françaises commence à Abidjan. L’Onu soupçonnera Simone de contrôler les escadrons de la mort.
Après la défaite aux présidentielles de novembre 2010, que le couple Gbagbo récuse, la guerrière ne désigne plus le vainqueur de son mari, Ouattara, que comme "le chef bandit" et promet : "Nous allons retrouver notre indépendance, notre souveraineté totale. Le mouvement de libération de l’Afrique entière est en train de naître en Côte d’Ivoire."
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