mardi 26 avril 2011

Tchad - Présidentielle verrouillée au Tchad

(Les Echos 26/04/2011)

Près de 4,8 millions d'électeurs tchadiens étaient invités à voter hier pour une élection présidentielle que le président Idriss Deby Itno est assuré de remporter. Les trois principaux candidats de l'opposition ont boycotté le scrutin pour protester contre les fraudes du parti au pouvoir, au vu de l'écrasante victoire de ce dernier aux législatives de mi-février. Le taux de participation est dès lors le seul enjeu du scrutin.
Le dépouillement des bulletins a commencé dans la capitale N'Djamena.
Selon le programme de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), les résultats provisoires doivent être proclamés le 9 mai, pour être ensuite validés par le Conseil constitutionnel.
Arrivé au pouvoir par la force en 1990, le président Deby s'est dit "certain" d'être réélu dans cette élection dont s'étaient retirés les trois principaux opposants: Saleh Kebzabo, Wadal Abdelkader Kamougué et Ngarlejy Yorongar qui ont dénoncé un "cirque électoral".
Face au président Deby, seuls le ministre Albert Pahimi Padacké et l'opposant Nadji Madou restaient en lice.
Faute d'incertitude sur l'issue, le taux de participation est le principal enjeu de l'élection.
Le parti du président Deby a jugé dans la journée que la participation était "correcte", alors que M. Kamougué a estimé que le boycott était "suivi".
Dans un communiqué, M. Kebzabo a estimé le taux de participation à "20%", parlé d'un "boycott historique" et évoqué un "camouflet sans précédent" pour M. Deby qui "a perdu toute légitimité".
Les observateurs africains du scrutin n'ont pas signalé d'incident majeur après des retards à l'ouverture des bureaux de vote.
"La journée a été plutôt calme, elle a commencé aux aurores, quelques petits retards ça et là, mais au moment où je vous parle, pas d'incident à signaler, il semble que tout se soit déroulé dans le calme le plus absolu", a déclaré Ibrahim Boubacar Keïta, ex-Premier ministre malien qui dirigeait la mission d'observation de l'Union africaine (UA) comptant 32 personnes réparties sur l'ensemble du pays.
Dans la mâtinée, M. Deby avait demandé à "tous les Tchadiens et les Tchadiennes de sortir massivement remplir leur devoir civique aujourd'hui dans le calme et la sérénité".
"Ca me fait plaisir de voter, c'est mon devoir, j'attends un bon résultat pour que le président de la République (Idriss Deby) soit réélu", a déclaré Abdelaziz Djikouana, 19 ans, élève dans un bureau de vote du 3e arrondissement de la capitale.
"Tout ce que moi je veux, c'est un changement, la paix et la sécurité", a dit Salomon Laoutaye, 32 ans, au chômage, dans le 6e arrondissement, ajoutant: "Je ne suis pas d'accord avec le boycott, on ne peut pas continuer à aller au boycott, sinon il n'y aura pas de changement".
L'élection présidentielle devait marquer le point d'orgue d'un processus de démocratisation du régime entamé avec l'accord du 13 août 2007 signé entre la majorité des partis d'opposition et le pouvoir.
Mais l'accord signé un an après le boycott de la présidentielle de 2006 a débouché finalement sur un nouveau boycottage des principaux opposants, trois mois après les législatives du 13 février largement dominées par le Mouvement patriotique du salut (MPS) de Deby.
Candidats en 2001 et 1996, les trois principaux opposants réclamaient notamment de nouvelles cartes d'électeurs avant de suspendre leur participation à la présidentielle.
"C'est un renforcement du processus démocratique au Tchad qui se concrétise", a jugé lundi le président tchadien. Des locales doivent encore se tenir en juin.
Il avait balayé précédemment les accusations de fraudes aux législatives des opposants et rétorqué qu'ils redoutaient d'être battus. Il a jugé que la présidentielle serait "crédible" malgré le boycottage.
Depuis le réchauffement des relations avec le Soudan, le régime de Deby semble à l'abri des "rezzous" (raids) rebelles, d'autant qu'avec ses nouveaux pétro-dollars, il a pu renforcer son armée.
Il bénéficie du soutien de la France, présente dans son ancienne colonie presque sans discontinuité depuis 1960.

Yves BOURDILLON
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