vendredi 29 janvier 2010

Cameroun : Paul Le Guen, "Il n’est pas question pour moi de démissionner"

L’entraîneur des Lions Indomptables dresse le bilan de la participation du Cameroun à la Coupe d’Afrique des Nations d’où les Lions ont été éliminés lundi.

Propos liminaires de l’entraîneur au cours de la conférence de presse tenue hier au Hilton hôtel de Yaoundé.
Je trouve que c’est le bon moment pour faire un petit point sur l’évolution de l’équipe nationale, puisqu’on est à la fin de la Can, pour ce qui nous concerne. On a été éliminés en quart de finale et il me semble nécessaire de faire un petit point et un petit bilan sur le parcours depuis le début de la Can, mais surtout depuis quelques mois. Je suis arrivé un milieu de l’été (le 27 juin 2009, ndlr) et en ce moment, l’équipe était en difficulté. Il fallait d’abord chercher à se qualifier pour cette Can, mais ce n’était pas évident pour la Coupe Du Monde.
L’objectif a été atteint, on a réussi à se qualifier. Mon premier objectif quand je suis arrivé était de donner confiance à cette équipe, de constituer rapidement une équipe type avec beaucoup de stabilité pour remporter les quatre matchs décisifs que nous avions pour nous qualifier. C’est dans cet état d’esprit que j’ai abordé le match amical contre l’Autriche.
Et l’équipe qui a joué les matchs suivants contre le Togo, contre le Maroc et contre le Gabon était dans la lignée de celle que j’avais constitué pour jouer contre l’Autriche. On a gagné ces matchs là parce qu’on avait réussi à créer un climat en mettant beaucoup de discipline autour de l’équipe et à convaincre les joueurs qu’ils étaient capables d’atteindre leur objectif. On a gagné au Gabon, on a gagné nos matchs à domicile et au Maroc. Cet objectif a été atteint même s’il paraissait impossible au départ.
Ensuite, il y avait l’objectif de la Can. On est allé en Angola avec un double objectif: celui de gagner la Can, de faire le meilleur parcours possible et aussi de préparer la Coupe du Monde. Je savais pertinemment que l’équipe que j’avais constituée avant la Can allait devoir bouger pour atteindre ce double objectif, parce que je savais qu’il y avait des insuffisances; une nécessité de régénérer l’équipe et d’y apporter quelques modifications en admettant des jeunes éléments.
C’est ce que j’ai essayé de faire pour la Can. Ça pouvait porter quelques risques, mais je savais que je pouvais les courir pour faire bouger les choses et pour donner une nouvelle ambition à cette équipe à court terme et moyen terme. Je considérais et je considère toujours qu’il y avait largement autant de risques en gardant les choses telles qu’elles étaient, et le début de la compétition me l’a confirmé. Il y avait autant de risques à garder les choses qu’à les faire bouger. Il était nécessaire de prendre des initiatives.
Ces initiatives sont venues au Gabon, après le deuxième match. Je pense que le match contre l’Egypte, même si nous l’avons perdu, m’a donné raison, c'est-à-dire qu’on a fait un bon match; il nous a manqué un peu de réussite, de concentration, mais sachez que je n’ai aucun regret et que j’assume en tant qu’entraîneur et en tant que sélectionneur ces choix et cette ligne de conduite. Je compte améliorer les choses de façon durable sans forcement faire des coups, mais pour que le football camerounais puisse avoir une sélection performante durant les années qui viennent. Il faut faire bouger les choses, mettre les joueurs en concurrence, faire vivre cette équipe de la façon la plus disciplinée possible. Cela demande un peu de courage et d’audace, mais j’en ai.
La prestation des Lions à la Can…
Je ne considère pas que ce fut un échec. Il y a six mois, on était en situation difficile et je pense qu’on a remonté la pente. Aujourd’hui, mon objectif est de continuer le travail, c'est-à-dire obtenir un mélange d’expérience et de jeunesse dans cette équipe, qui puisse lui permettre d’être ambitieuse. Les deux premiers matchs ont été décevants à mes yeux et je me devais d’apporter du sang frais. C’est ce que j’ai fait. Je n’ai aucun regret, sauf celui de n’avoir pas pu vaincre l’Egypte. Certains estiment que j’ai tâtonné. Tâtonner pour moi c’est faire bouger les choses pour améliorer l’équipe.
Sur la prestation d’Idriss Carlos Kameni sur l’ensemble de la compétition…
Carlos Kameni a fait de très bons matchs en éliminatoires, j’ai observé ses matchs avec l’Espanyol de Barcelone. Je regarde les matchs des joueurs que je sélectionne et durant cette période, il m’a paru être en forme et le N°1 logique de la sélection camerounaise. Lorsque je commence une compétition, j’établis une hiérarchie des gardiens: N°1, N°2, N°3. Je considère que le poste de gardien est spécifique, c'est-à-dire qu’il nécessite de la confiance sur la durée et je ne suis pas du genre à sanctionner pour une, voire deux erreurs, un gardien de but sur une compétition.
Par contre, un gardien, sur un moyen terme, est comme les autres joueurs, c'est-à-dire qu’il doit être mis en compétition, sinon les autres se décourageraient, sinon ce serait abandonner l’essence même du fonctionnement d’un groupe: la concurrence. Pendant cette compétition, j’ai appliqué cette méthode. On va commencer une autre, je réfléchirai et je procéderai de la même façon avec celui qui sera choisi.
Vous ne pouvez pas non plus être une girouette. J’ajouterais que, dans ma réflexion, il y avait un élément supplémentaire: j’ai parlé de régénération nécessaire du groupe. Je ne voulais pas non plus aller trop loin dans les changements, c'est-à-dire que dans ces changements, si j’ajoutais le poste de gardien de buts, j’en rajoutais à ce changement qui était déjà considérable. Or, je voulais aller dans la stabilité et c’est ce qui m’a conduit à maintenir Carlos. On est arrivé à la fin de la Can et, de façon logique, j’en tire des conclusions, ou alors, je vais en tirer des conclusions.
Binya, plutôt qu’Elokobi pour remplacer Assou Ekotto…
Ce sont des choix de sélectionneur. Lorsque Assou Ekotto se blesse, j’ai la nouvelle et je suivais depuis quelques semaines le parcours d’Elokobi, Elokobi a beaucoup joué en début de championnat avec plus ou moins de bonheur, mais il a moins joué durant la deuxième partie du championnat, il a moins souvent été titulaire. J’ai pu l’observer, il n’a pas d’expérience au niveau international. J’ai préféré prendre un joueur qui connaissait mieux le groupe, qui connaissait les autres joueurs. J’ai préféré pendre Binya pour plus de sécurité. Je vais continuer à suivre Elokobi.
Au sujet de la préparation de l’équipe nationale avant la Can…
On s’est préparé en sept jours, bien moins que beaucoup d’autres. En fait, on n’était pas dans la même situation que tous les autres, c'est-à-dire que beaucoup de nos joueurs jouent en Europe dans des clubs importants. Lorsque vous décidez de les enlever d’un club de façon précoce, les joueurs peuvent être démotivés et ne pas accepter cette décision. Je prends un exemple: j’avais deux joueurs engagés dans des matchs le 6 janvier; Alexandre Song à Arsenal et Samuel Eto’o à l’Inter de Milan contre le Chievo Veron.
Les deux clubs se sont manifestés pour garder ces joueurs. Les joueurs m’ont appelé et, dans les deux cas, j’ai refusé. On a donc décidé de commencer le stage le 4 et je ne trouve pas que ça ait pénalisé de quelque manière que ce soit l’équipe du Cameroun pour la Can. Les joueurs ont joué pour beaucoup et je ne pense pas, pour ce qui est de l’Egypte, que ce soit une raison pour cette défaite. On était au dessus de l’adversaire. Je m’étais préparé à ce genre de critique, mais il n’y avait pas une autre décision. On a fait un très bon stage, on avait des journées à deux séances d’entraînement au Kenya et on a fait un très bon match amical, avec la manière. On a fait des erreurs, mais je ne pense pas que ce soit la préparation qui nous a pénalisés.
Paul Le Guen peut-il démissionner?
J’ai pris le Cameroun dernier de son groupe lors des éliminatoires et le Cameroun a pu se qualifier à la Can et à la Coupe du Monde. Il n’est pas question pour moi de rendre mon tablier. Pourquoi je le rendrais? Vous vous rendez compte? Moi j’ai pris l’équipe dernière de son groupe et vous me demandez de rendre mon tablier? Je suis autrement plus combatif et je suis autrement plus déterminé. Je suis très déterminé.
Les postes de Rigobert Song et Gérémi Njitap menacés?
Je l’ai dit et je le redis avec force : il ne faut pas avoir la mémoire courte, il ne faut pas jeter des joueurs sous prétexte d’impressions, sous prétexte d’un match raté. Rigobert Song et Gérémi Njitap méritent le plus grand respect. Ce sont les joueurs qui ont qualifié le Cameroun à la Can et à la Coupe du Monde. Ils étaient tous deux titulaires lors des éliminatoires.
Que n’aurait-on pas dit si je n’avais pas enchaîné avec ces joueurs-là pour la Can? Ces joueurs méritent le respect. Ils méritent le respect du public et je pense, celui de la presse. Il est demandé au sélectionneur de faire la meilleure équipe possible, je ne suis guidé que par ça. J’ai la chance d’être totalement indépendant. Le ministre des Sports, le président de la Fédération me disent tout le temps: vous êtes indépendant, vous faites vos choix de façon tranquille, sans pression. Je fais mon travail sans me préoccuper de ce qui va se dire, de ce qui va s’écrire.
Je le fais avec force, avec conviction mais en respectant les joueurs, en respectant leur carrière et leur passé. J’ai été joueur, je comprends la psychologie des joueurs, je suis à leur écoute, même si je suis le décideur. Je pense que les gens ont tort de tenir un discours méprisant à l’égard de Rigobert Sont et Gérémi Njitap. J’ai pour eux un profond respect. J’ai convoqué Gérémi sur quatre critères essentiels: son expérience, son importance au sein du groupe, ses prestations avec l’équipe nationale et ses prestations en club. Quand on est entraîneur, il faut être exigeant, il faut tout observer, mais il ne faut jamais être humiliant, ne pas abandonner ce que les joueurs ont apporté. C’est un joueur important pour la sélection, mais il va devoir le rester pour se maintenir en équipe nationale.
Un pacte avec Samuel Eto’o?
N’ayez pas la mémoire courte. Samuel Eto’o s’est beaucoup investi dans cette équipe. Depuis que j’ai pris l’équipe, il est le capitaine et il a marqué des buts décisifs lors des éliminatoires. Je pense à son but au Gabon, son but ici. Durant la Can aussi, il a marqué des buts. A un moment donné, il faut arrêter. Le Cameroun a un joueur qui est parmi les meilleurs joueurs au monde et je ne sais pas ce qu’on lui demande en plus. Il s’investit beaucoup, il aime son pays, il porte fièrement le maillot du Cameroun et il faut que les Camerounais aient conscience de la chance qu’ils ont d’avoir Samuel Eto’o. Moi, j’ai la chance de l’avoir dans mon effectif, alors comment m’en priver? On me demande de le sortir de l’équipe? C’est l’un des dix meilleurs joueurs du monde !
Au sujet de la régénération de l’Equipe…
L’équipe ne peut certainement pas être revue à 100%; je ne peux tout de même pas changer les 22 joueurs qui ont pris part à la Can. Mon axe de travail d’ici la Coupe du Monde, c’est de poursuivre ce qui a été fait jusqu’ici, avec la manière. Là, j’ai intégré des jeunes qui ont montré qu’ils pouvaient répondre à l’appel de leur sélection.
Je vais poursuivre dans cette voix, continuer à aller dans les stades pour trouver d’autres joueurs capables d’apporter du leur pour faire avancer les choses. C’est de cette façon que j’ai eu le sentiment que Mandjeck et Enoh pouvaient devenir des titulaires potentiels. Je vais organiser, avec le staff technique, un stage a rassemblant les meilleurs joueurs du Cameroun et on va les évaluer, les mettre en situation de match, car, je veux savoir si certains d’entre eux sont en mesure de concurrencer ceux qui sont déjà en Europe.
Je vais surtout être attentif au parcours des joueurs que j’ai déjà appelés parce que, pour beaucoup, ils m’ont donné satisfaction. Je vais également regarder ceux qui n’ont pas pu jouer, ou ceux qui n’ont pas pu venir. Je pense à Assou Ekotto, qui est blessé, mais qui est susceptible de revenir; je vais être attentif au parcours de Bassong. Je vais prendre du temps, je vais tout faire pour avoir de bons rapports avec les entraîneurs locaux, afin d’en tirer le meilleur à travers de bonnes informations. Nous avons été attentifs jusqu’ici aux joueurs locaux. Ce n’est pas parce qu’on ne retient pas un joueur qu’on n’est pas attentif. Jusqu’à présent, on n’a pas considéré qu’un joueur puisse intégrer l’équipe.
Ses piges à Canal +
Je n’ai jamais travaillé pour Canal Horizons. J’ai travaillé pour Canal + et ça me permet de voir beaucoup de matchs européens et je n’ai pas quitté la conférence de presse (après le match Egypte – Cameroun, ndlr) pour aller voir Canal Horizons. Je suis allé voir Orange, partenaire de la Caf pour laquelle travaille Claude Le Roy. On a écrit que j’ai quitté la conférence de presse pour aller à Canal +. Sachez que Claude Le Roy travaille pour Orange, partenaire de la Can et il est du devoir de chaque sélectionneur de passer sur le studio d’Orange. Je suis prêt à lire et à écouter toutes les critiques. Prenez le renseignement à Canal +, je décline plusieurs propositions parce que je leur dis que je me consacre aux Lions. Ecrivez-le, mais quand vous l’écrivez, ayez des arguments et des faits précis.
Sur la non-sélection de Sébastien Bassong…
J’ai regardé un maximum de matchs qu’il a joués avant la Can. Je l’ai sélectionné pour le match contre l’Autriche, il a débuté au Gabon, mais souvenez-vous, après quelques minutes, il s’est blessé et ensuite, j’ai réintégré Rigobert Song et Rigobert m’a donné une totale satisfaction. Je suis donc reparti avec la charnière Nkoulou-Song de façon logique, puisqu’elle avait donné satisfaction durant les éliminatoires.
J’ai appelé Sébastien Bassong en début décembre et on a eu une conversation d’une dizaine de minutes. Je lui ai expliqué que j’allais repartir avec cette charnière, je lui ai expliqué que je préférais le laisser dans son club, plutôt que de le prendre en sélection pendant la Can, mais que je restais attentif à son parcours. On a eu un échange tout à fait courtois et je le relancerais. Son absence est aussi due au fait que son parcours pendant les éliminatoires n’a pas été chanceux pour lui: il a eu deux ou trois blessures consécutives, ce qui ne lui a pas permis de s’imposer avec les Lions.
Sur les cas Matip, Ngog, etc.
Je vais continuer à suivre Matip et j’ai demandé au ministre des Sports et au président de la Fécafoot de tout faire pour que la situation soit éclaircie par rapport à ce joueur. Les autres joueurs camerounais qui évoluent en Europe, je les suis aussi. Concernant David Ngog, il a été approché, mais il n’a pas clairement affiché son intention de jouer pour le Cameroun. J’attends son point de vue. Quant aux autres joueurs camerounais, je les suis.
Sur la préparation de la Coupe du Monde…
Nous allons disputer un match amical contre l’Italie à Monaco le 3 mars; c’est la seule date internationale libre avant la mi-mai, à la fin des championnats. Du 16 au 23 mai, il y a une semaine pendant laquelle les joueurs doivent être libres, c’est une décision de la Fifa. On aura donc un match amical international en début mars, ensuite, à partir du 24 mai, nous allons rassembler les joueurs jusqu’en mi-juin et nous allons préparer la Coupe du Monde du mieux possible. A un moment donné, il faut être lucide.
La Coupe du Monde rassemble les 32 meilleures équipes du monde. Obtenir un meilleur résultat que les quarts de finale à cette compétition est pensable, mais est-ce choquant de dire qu’aller en quarts de finale de Coupe du Monde est déjà formidable? J’ai l’espoir de faire mieux, mais il faut être objectif et lucide. Il y a six mois, l’équipe du Cameroun était dernière de sa poule de qualification pour la Can et la Coupe du Monde et aujourd’hui, on me parle d’un objectif supérieur à celui des quarts de finale… Parfois, j’ai l’impression qu’on perd un peu la raison. On va essayer de faire mieux qu’un quart de finale, mais il ne faut pas avoir la mémoire courte.

Publié le 29-01-2010 Source : cameroon-info.net Auteur : cameroon-info.net

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire