(Le Monde 09/02/2012)
En plein débat sur l'avenir du "made in France", Renault va inaugurer, jeudi, à proximité de Tanger, une grande usine. L'usine de Meloussa s'étend sur un terrain de 300 hectares, plus vaste que le site Renault de Flins. Elle est desservie par le port géant de Tanger Med. Les coûts salariaux seront plus de quatre fois inférieurs au salaire minimum français, de quoi alimenter la polémique suscitée par les "délocalisations".
Le PDG du groupe au losange, Carlos Ghosn, et le roi du Maroc, Mohammed VI, vont inaugurer cette usine flambant neuf, d'où sortira le Lodgy, dernier-né de Dacia, la marque low-cost du groupe. Le véhicule, déclinable en cinq ou sept places, est destiné au bassin méditerranéen mais sera également commercialisé en Europe à partir de 10 000-12 000 euros, selon des estimations, soit deux fois moins que le Renault Scenic ou le Volkswagen Touran. Lodgy sera dévoilé en mars au prochain Salon de l'automobile de Genève. Dans le courant de l'année, il se partagera l'usine de Tanger avec un petit utilitaire Dacia. Avec ces modèles, Renault tentera de prolonger le succès d'une famille de véhicules destinée initialement aux pays émergents – les berlines et break Logan, la citadine Sandero et le 4×4 Duster – mais qui s'est taillée rapidement un vif succès en Europe occidentale auprès d'automobilistes à la recherche de voitures bon marché et sans fioriture. Depuis le lancement de la première Logan en 2005, Renault assure que la gamme Dacia ne cannibalise pas la marque au losange. Selon le groupe, elle grignote surtout le marché de l'occasion, séduisant des acheteurs qui n'envisageaient pas jusqu'ici d'acquérir un véhicule neuf. Mais dans la période de crise actuelle, les deux nouveaux modèles programmés à Tanger pourraient intéresser un public plus large.
Le chantier représente un investissement de 600 millions d'euros, qui pourra être porté jusqu'à un milliard en fonction de la variété des modèles qui sortiront des lignes. Le projet est financé par Renault, mais en tant qu'usine de l'alliance, elle pourra aussi produire à l'avenir certains modèles du partenaire japonais Nissan. Le site marocain est conçu comme une extension de l'usine de Pitesti, en Roumanie, qui tourne désormais à pleine capacité. "On considère que c'est l'usine de tous les dangers", commente Fabien Gache, délégué syndical central CGT chez Renault. "Les deux véhicules, qui sont des Scenic et des Kangoo loganisés, vont venir télescoper les parts de marché de Renault en Europe en cas de réimportation massive."
Le site s'inscrit dans la stratégie d'internationalisation des ventes du groupe : comme tous les constructeurs, Renault cherche à réduire sa dépendance vis-à-vis d'un marché européen atone depuis la fin des dernières primes à la casse, et estime que ses ventes hors d'Europe devraient représenter 47 % de ses ventes totales à la fin de l'année. Sur ses nouveaux marchés, le programme "entry", badgé Dacia en Europe mais Renault ailleurs dans le monde, joue un rôle d'ambassadeur pour l'ensemble du groupe. Sur les 2,72 millions de véhicules vendus en 2011, le low-cost a représenté près d'un tiers du total, contre plus du quart en 2010. Le poids des véhicules Renault, tels qu'on l'entend en Europe, baisse donc mécaniquement, tout comme la production du groupe en France, phénomène que l'ouverture de Tanger va encore accentuer. Renault a produit 646 319 véhicules – voitures et utilitaires légers – dans l'Hexagone en 2011, soit une progression de 1,5 % par rapport à l'année précédente. En revanche, si l'on prend les seules voitures, la production Renault sur le sol français a baissé l'an dernier de 6,4 % à 444 862 unités, tandis que celle de Citroën a augmenté de 10,4 %, et que celle de Peugeot est restée stable (- 0,8 %), selon les chiffres du Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA). Désormais, Renault réalise seulement un quart de sa production et de ses ventes en France.
LEMONDE.FR avec Reuters | 09.02.12 | 08h37 • Mis à jour le 09.02.12 | 08h40
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