(Afriscoop 12/09/2011)
« Mangez, parce que la journée sera longue », conseillait, sur un ton très maternel dans l’avion présidentiel, une des hôtesses aux petits soins pour les membres de la délégation qui se rendaient, le 10 septembre 2011, au Sommet extraordinaire de la CEDEAO à Abuja, la capitale fédérale du Nigeria. Naturellement, ceux qui ont l’habitude de ce genre de rencontres souhaitent secrètement qu’elle se soit trompée pour une fois. Et, exception qui confirme peut-être la règle, le mini Sommet, comme pour ne pas être l’antithèse de son nom, n’a pas traîné. Ouvert aux environs de 10 heures, il s’est achevé à 16 heures. Le thème de la rencontre, lui, portait sur la sécurisation de la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Liberia.
L’unique point du jour de la rencontre d’Abuja était la situation sécuritaire à la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Liberia. Cette préoccupation fait suite à d’importantes saisies d’armes, en mi-juin, effectuées par la police dans le Sud et le Sud-est du Liberia, près de la frontière ivoirienne. Un arsenal composé, entre autres, de roquettes, de fusils-mitrailleurs et d’assaut, ainsi que de leurs munitions. Pire, cette zone est infestée d’anciens combattants et de mercenaires. Selon les autorités libériennes, ces armes ont été envoyées dans cette zone après la crise postélectorale de novembre 2010 à avril 2011 en Côte d’Ivoire, marquée par des violences auxquelles sont accusés d’avoir participé des Libériens. Une tableau des plus inquiétants sachant qu’au pays d’Ellen Johnson-Sirleaf se profile à l’horizon une présidentielle prévue pour le 11 novembre 2011. « Il faudra anticiper. Il ne faut pas que cette élection soit l’occasion d’une perturbation sur le plan sécuritaire », a prévenu le ministre de l’Intérieur de la Côte d’Ivoire, Hamed Bakayoko. « Nous avons beaucoup d’inquiétudes quant aux mouvements des mercenaires et d’autres forces non contrôlées », a confié Jean De Dieu Somda, vice-président de la CEDEAO.
Tous les participants à cette rencontre, à commencer par les cinq présidents (Ellen Johnson-Sirleaf du Liberia, Alassane Dramane Ouattara de Côte d’Ivoire, Jonathan Goodlck Ebelé du Nigeria, Blaise Compaoré du Burkina, Abdoulaye Wade du Sénégal et John Atta Mills du Ghana), étaient donc d’avis qu’il fallait faire quelque chose, et au plus vite. Pas besoin donc d’être dans le secret des dieux pour savoir que l’ambiance à la salle de retrouvailles, située à un jet de pierre de l’aéroport international, était au consensus. D’ailleurs, à sa sortie, le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, a qualifié la rencontre d’« excellent Sommet ».
Les chefs d’Etat ont abondamment discuté après avoir entendu l’analyse faite par leurs pairs du Liberia et de la Côte d’Ivoire. Les décisions suivantes ont été prises : requête auprès de l’ONU pour que ses missions en Côte d’Ivoire (ONUCI) et au Liberia (MINUL) exercent une action de surveillance sur la partie frontalière, désignation par la CEDEAO d’un envoyé spécial qui suivra de près l’organisation de la prochaine élection dans ce pays, avec un dispositif sécuritaire en appui. D’ores et déjà, demain 13 septembre 2011, les ministres en charge de la Défense et de la Sécurité se retrouveront à Monrovia pour dégager un plan de lutte précis.
Abuja, qui a abrité la rencontre, est la capitale fédérale du Nigeria depuis 1991 et est située dans un territoire fédéral au centre du pays qui compte 779 000 habitants sur une superficie de 713 km2. Pour ne pas favoriser une des trois ethnies principales, la décision est prise en 1976 de transférer la capitale depuis Lagos, dominée par les Yorubas, dans une région neutre. En traçant des lignes « X » sur la carte de Nigeria, l’ancien chef d’Etat, Murtala Mohammed, tombe sur une zone peu peuplée et propice au développement. Cependant, les travaux de construction ne débutent qu’en 1981. Le Parlement est transféré en 1987 mais la ville n’est devenue officiellement capitale qu’en 1991. Abuja était une paisible ville jusqu’au 26 août 2011, avec l’attentat suicide contre le siège des Nations unies revendiqué par la secte Boko Haram et qui a fait 23 morts et 81 blessés. Plus rien ne sera-t-il comme avant ?
Issa K. Barry — L’Observateur Paalga
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