(Agence Syfia 16/04/2011)
(Syfia Grands Lacs/Burundi) De chaque côté de la frontière entre le Rwanda et le Burundi, les habitants profitent de la disparité entre les deux monnaies. Les Rwandais se ravitaillent beaucoup moins cher chez leurs voisins qui, eux, tirent un meilleur profit de leurs produits de l'autre côté de la frontière. Les jeunes Burundais en ont fait un important commerce clandestin.
"Nous avons un avantage quand nous venons acheter au Burundi", constate Manirambona, une Rwandaise venue s’approvisionner au marché de Mihigo, en province de Ngozi au nord du Burundi. Ces dernières années, la différence de valeur entre les monnaies des deux pays voisins est favorable aux Rwandais. En effet, le franc rwandais vaut deux fois plus que le franc burundais : sur le marché, un billet de 100 Frw s'échange à 220 Fbu alors que les prix en francs sont pratiquement les mêmes. Avec les francs rwandais, on peut ainsi se procurer deux fois plus de marchandises au Burundi qu'au Rwanda. Une bouteille de bière est vendue environ 1 000 francs dans chacun des pays ce qui équivaut à 2 $ au Rwanda mais à un seul au Burundi ; 1 kg de haricot à Ngozi coûte 550 Fbu (0,5 $) au Burundi et 320 Frw (0,64 $) lorsqu'on passe la frontière. Pour les Rwandais, la vie est ainsi plus facile chez leurs voisins. C'est ce que déclare l'un d'eux venu s’installer à Bujumbura il y a six mois.
Mais les Burundais des circonscriptions proches de la frontière exploitent eux aussi cette disparité entre les deux monnaies. Ainsi, tous les jeudis et samedis matin (jours de marché au Rwanda), des gens colis sur la tête traversent l’Akanyaru, la rivière séparant les deux pays. Ce sont de petits vendeurs, mais aussi des agriculteurs qui vont y vendre leurs produits, surtout des denrées alimentaires (banane, riz, sorgho…) et aussi du tabac, très demandés par leurs voisins. Les paysans y gagnent beaucoup plus que chez eux. "Après la récolte, quand je dois en vendre une partie pour m’approvisionner en d’autres produits, je saute vendre au Rwanda", indique Sylvie, une veuve de la région de Ngozi. Pour envoyer son fils à l'école, il lui a ainsi suffi de vendre 18 kg de haricots au Rwanda au lieu de 24 chez elle pour réunir les 12 000 Frbu (12$) nécessaires. Une aubaine pour elle.
Les jeunes quittent l'école
Des jeunes Burundais, petits commerçants, en profitent aussi. Ils sont de plus en plus nombreux. La plupart d'entre eux passent clandestinement la frontière la nuit. Ils transportent surtout du riz, du café et parfois des produits manufacturés comme des engrais chimiques, des insecticides utilisés en agriculture… En fonction de la saison, ils choisissent ce qui peut leur rapporter le plus de bénéfice. Grâce à ce commerce, selon le chef de quartier au centre de négoce de Gatare en province de Kirundo, de plus en plus de gens, surtout les jeunes, ont des motos. Dans ce petit village, on en dénombre une vingtaine alors qu’il n'y en avait que cinq il y a environ quatre ans.
Mais ces ventes clandestines à l'étranger des produits burundais font grimper les prix de certaines denrées qui se font plus rares et pénalisent les producteurs qui ont besoin de ces intrants agricoles. Le prix d’un kilo de banane, habituellement voisin de 100 Fbu (0,1 $), coûte aujourd'hui le double. Celui des haricots et du riz ne baisse plus pendant les périodes de récolte comme auparavant.
La course à la monnaie rwandaise affecte également l'éducation au Burundi. Selon deux directeurs d’école dans les communes de Busiga et Mwumba, situées à la frontière, des jeunes tentés par ce commerce lucratif, abandonnent leurs études. D'autres arrivent en retard aux cours, car ils se rendent souvent la nuit au Rwanda. Pour d'autres, cependant, ce commerce est un moyen pour financer leurs études. C'est le cas de François qui est orphelin et ne pourrait, sans cette activité être aujourd'hui élève au Lycée Kiremba.
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