Depuis l'élection présidentielle de novembre, il refusait d'admettre la défaite, alors que la communauté internationale avait reconnu la victoire de son adversaire politique, Alassane Ouattara. Le président ivoirien sortant Laurent Gbagbo, 65 ans, arrêté lundi à Abidjan, s'est accroché au pouvoir jusqu'à plonger son pays dans la guerre. Il était retranché dans un bunker
depuis le 1er avril, sous le feu de l'ONU et de la France. Interrogé sur LCI le 5 avril, après l'offensive éclair des forces de Ouattara, il avait réaffirmé «Si je reconnaissais la victoire de Ouattara, ça se saurait», jugeant «absolument ahurissant que la vie d'un pays se joue sur un coup de poker de capitales étrangères».
Le 3 décembre, le Conseil constitutionnel, qui lui était acquis, avait ouvert la plus grave crise de l'histoire du pays en le proclamant réélu avec 51,45% des suffrages au scrutin du 28 novembre. Le Conseil avait invalidé les résultats de la commission électorale, certifiés par l'ONU, qui donnaient Alassane Ouattara vainqueur (54,1%). Avant cela, cinq années durant, Laurent Gbagbo avait tout fait, aux yeux de ses adversaires, pour repousser ce scrutin qui l'a conduit, lui et son pays, au bord de l'abîme.
De longues années d'opposition à Houphouët-Boigny
Tribun aimant à se présenter en homme du peuple, le président déchu cache une énergie féroce sous des airs bonhommes. En 2002, face à une rébellion derrière laquelle il voyait la main d'Alassane Ouattara, ex-Premier ministre, il était parvenu à se maintenir en ne conservant que le sud de la Côte d'Ivoire. Une obstination qu'il a notamment cultivée lors de ses longues années d'opposition au président Félix Houphouët-Boigny (mort en 1993), alors premier relais de la France en Afrique subsaharienne.
Né le 31 mai 1945, historien de formation, Laurent Gbagbo irrita le pouvoir par son activisme syndical. Incorporé de force, emprisonné, il s'exila en France dans les années 1980, après avoir fondé clandestinement le Front populaire ivoirien (FPI). Membre de l'ethnie bété (ouest), exclue du partage traditionnel du pouvoir, il se lanca en politique en 1990, à l'instauration du multipartisme. Son heure arriva le 26 octobre 2000, lorsqu'il accèda à la présidence à l'issue d'un scrutin dont furent exclus l'ex-chef de l'Etat Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara.
Simone, fervente chrétienne évangélique
Face à la rebellion, à l'opposition politique et à une communauté internationale emmenée par la France, il garda son fauteuil en s'appuyant sur ses jeunes partisans, les «patriotes», qui n'hésitaient pas à enflammer la rue à l'occasion. En novembre 2004, après le bombardement meurtrier d'une position française, la France détruisit son aviation. Signant un accord de paix en 2007 avec les rebelles de Guillaume Soro, il se lanca alors dans la bataille de la présidentielle.
Uni par un mariage coutumier à Nady Bamba, une ex-journaliste, «Laurent», forme un duo explosif avec la très fervente Simone, Première dame et faucon de son régime, qui affiche comme lui sa foi chrétienne évangélique. C'est avec elle et d'autres membres de sa famille qu'il a passé les dernières heures de son règne, selon l'ONU dans un bunker au sous-sol de sa résidence. «Le temps est l'autre nom de Dieu», aime à dire ce fin tacticien. Finalement défait militairement, après avoir été isolé diplomatiquement et asphyxié économiquement, il a vu pour la première fois le temps jouer contre lui.
LeParisien.fr
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