(Afriscoop 14/04/2011)
(AfriSCOOP Analyse) — Qu’on le veuille ou non, les révolutions en cours en Afrique blanche (Maghreb) ont déteint sur la propension de contestation des peuples d’Afrique noire. Ainsi, au Faso, des mouvements sociaux ont pris, ces dernières semaines, une ampleur jamais vue sous le long mandat de Blaise Compaore. Des faits sans précédent qui ont refroidi les ardeurs de répression de M. Compaore et ouvert la voie directe à des négociations. Entre président et contestataires. Pourquoi F. Gnassingbé ne se mettrait-il pas à cette danse pragmatique ?
Des milliers de Ouagalais ont investi le vendredi 08 avril dernier les rues de leur cité pour crier leur exaspération vis-à-vis de « la vie chère et réclamer une même justice pour tous ». Une mobilisation monstre qui a regroupé toutes les couches de la vie socio-politique du Burkina Faso, et que l’on n’a plus vue dans ce pays depuis plusieurs années. Et pour cause, le pouvoir burkinabé est tout sauf démocratique. On imagine aisément que le déferlement des Ouagalais dans les rues de leur ville aurait été autre, si le président « réélu en novembre 2010, avec près de 80% des voix ( !!) » n’avait pas pris la mesure du grand mécontentement de sa population.
En engageant des discussions directes et franches avec des représentants des couches sociales au sein desquelles le mercure est monté ces dernières semaines. Jeunes loups de l’armée, étudiants, commerçants, etc. ont eu l’honneur de discuter directement avec le président. Et surtout de porter directement à sa connaissance les maux quotidiens qu’ils endurent. Une opportunité si rare dans un pays dans lequel intermédiaires entre la présidence et le peuple sont nombreux. A l’image de toute bonne « démocrature » d’Afrique. L’habileté dont a fait montre l’ancien compagnon de T. Sankara dans le bras de fer engagé par certaines couches sociales avec les autorités est signe de sa maturité politique. Même si elle était forcée dans le cas d’espèce. 24 ans passés aux commandes d’un Etat confèrent forcément une somme d’expériences dans les moments délicats. Les peuples d’Afrique ne réclament pas mieux qu’on soit à leur écoute…
La thérapie burkinabé ne ferait pas du mal au Togo
vie socio-politique au Togo et au Burkina Faso a beaucoup de dissemblances, certes. Mais les nombreux défis contre la pauvreté auxquels sont confrontés les peuples de ces deux Etats ouest-africains commandent qu’on applique une thérapie de choc à leurs maux sociaux. Tout particulièrement au Togo où 62% de la population est pauvre, alors que la moyenne oscille autour de 40% en Afrique sub-saharienne, d’une manière générale ! Blaise Compaore n’a-t-il pas été le premier président du monde à « féliciter Faure Gnassingbé », après la présidentielle du 04 mars 2010, juste après l’annonce des résultats provisoires de ce scrutin ?
Quand les Burkinabé évoquent le montant de leurs rémunérations mensuelles devant les Togolais, ces derniers baissent honteusement la tête ou encore font semblant de feindre le contenu des échanges ! Pourtant, le Togo dispose de potentialités énormes sur plusieurs plans, comparativement au « pays des hommes intègres » qui se ravitaille notamment au Pal (Port autonome de Lomé). Depuis la dévaluation du fcfa, les Togolais n’ont connu qu’une hausse de 8% de leurs salaires, avec « déblocage des effets financiers des avancements », seulement à partir de 2008 !! Autant dire que plus que les habitants de l’ancienne Haute Volta, les Togolais ont besoin d’échanger directement avec leur président, fût-il illégitime ; au regard des résultats critiqués et critiquables des deux présidentielles qui l’ont porté au pouvoir. D’ailleurs, en anticipant les grognes prévisibles de ses gouvernés, Faure Gnassingbé ne ferait que s’auto-marquer des points auprès d’une population qui est lasse de tirer le diable par la queue, à côté des grandes potentialités dont regorge la terre sur laquelle elle vit.
A l’opposé du Faso, le Togo dispose de deux structures au sein desquelles des échanges ont lieu permanemment. Ils portent sur la vie socio-politique. Le Cpdc (Cadre permanent de dialogue et de concertation) pour les sujets politiques, et le Cnds (Conseil national de suivi du dialogue social) qui est censé se focaliser sur les débats à intérêt social. Mais voilà, dans la réalité, ces deux entités ne produisent pas les résultats escomptés. D’une part parce que leur composition a été faussée et d’autre part parce que les propositions et idées qui naissent dans ces structures ne franchissent pas le chambranle des salles qui abritent leurs travaux. Même remarque au sujet du « dialogue inclusif » qui a vraisemblablement du plomb dans l’aile en ce moment. Alors même que le peuple s’impatiente et continue de s’enfoncer dans une pauvreté venue d’une autre planète.
Les Togolais ne méritent pas d’être enfermés continuellement dans le cycle « marchandages politiques » avant amélioration de leur quotidien ! Trop, c’est trop. Autant d’immobilismes qui commandent à ce que Faure Gnassingbé sorte de son "bunker présidentiel", ici et maintenant. Un peu comme le chef de l’exécutif le fait depuis trois ans avec les paysans ! L’urgence de la résolution des maux qui minent la société togolaise veut qu’il aille directement au contact de ces réalités ubuesques, en laissant de côté le protocole d’Etat et en oubliant, pour une fois, ses nombreux émissaires !! Ce n’est qu’en joignant l’acte à la parole, en adoptant des attitudes clairement volontaristes que le jeune président togolais pourra gagner la confiance d’un grand nombre de ses compatriotes.
Etudiants, travailleurs du public et du privé (surtout ceux de la Zone franche), acteurs incontournables de l’informel, jeunes chômeurs, journalistes, forces de l’ordre et de sécurité, syndicalistes, etc. ont assurément des plaintes à porter à la connaissance du numéro un togolais. Le tout-puissant Compaore ne s’est pas mis de gaieté de cœur à écouter ceux qu’ils ignoraient quasiment, quelques mois plus tôt. Mais, il n’a pas le choix ! Faut-il en arriver à cette étape avant d’imiter le Burkina ? Nul ne saurait contrôler le mécontentement subit d’un peuple affamé et humilié.
© Copyright Afriscoop
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire