(IPS 03/06/2010)
Près d'un an après qu’une mission d'évaluation du Système de certification du processus de Kimberley (KPCS) a constaté que le Zimbabwe est coupable de "non-conformité grave" au minimum de critères requis par le système portant sur les diamants de conflits, la militarisation des opérations d'extraction du diamant de ce pays d'Afrique australe se poursuit.
Le KPCS est une initiative mondiale des gouvernements, de la société civile et des organisations industrielles visant à réprimer le commerce des diamants de sang et de conflits armés – ces pierres précieuses vendues par des forces belligérantes pour financer des conflits et la guerre civile.
En juillet 2009, une mission d'évaluation du KPCS a recommandé la suspension temporaire du Zimbabwe du commerce mondial de diamants, après avoir constaté des violations des droits humains dans la zone des gisements de diamants de Chiadzwa à Marange, à l'est du Zimbabwe.
L’Afrique du Sud était l'un des pays signataires du KPCS à s’opposer à la recommandation de la mission. Comme un consensus est nécessaire en pareille circonstance, le Zimbabwe a échappé à la suspension et obtenu six mois pour se mettre en règle.
Pendant ce temps, Africa Consolidated Resources, une société qui revendique un droit de propriété sur les gisements de diamants, est encore allée en justice en début du mois passé (mai), cette fois pour mettre fin à la vente de diamants de Marange. Elle avait déjà fait une proposition selon laquelle les diamants pouvaient être vendus sous la certification du KPCS, entre autres.
Richard Saunders, professeur à l'Université de York à Toronto, au Canada, et auteur de "Plus Jamais de Pareil: le Développement du Zimbabwe vers la démocratie 1980-2000", s’est récemment exprimé dans un dialogue franc de la Harold Wolpe Memorial Trust (un trust en mémoire de Harold Wolpe) au Cap, en Afrique du Sud, sur les diamants de sang du Zimbabwe. La Fondation favorise une réflexion critique sur les questions sociales.
Voici une version résumée de son entretien avec IPS.
Q: Quel est l’origine du problème?
R: Possédés auparavant par De Beers, les gisements de diamants de Marange ont été achetés par Africa Consolidated Resources (ACR) en 2006. Peu de temps après que l'ACR a commencé des essais miniers, le gouvernement de la ZANU-PF a contesté les revendications légales de l’ACR en invitant les Zimbabwéens à venir creuser le diamant au Marange.
Le gouvernement a stipulé que les mineurs informels devraient vendre leurs pierres précieuses à l’entreprise étatique de vente de minéraux. En quelques semaines, plus de 20.000 personnes à travers le Zimbabwe ont afflué à Marange. L’ACR a effectivement été débouté de sa réclamation.
Q: Quand est-ce que les atteintes aux droits humains ont commencé à Marange?
R: Elles ont commencé avec le commerce illégal des diamants, dès que l'Etat a prouvé qu’ils ne disposaient pas de fonds suffisants pour acheter les diamants de Marange (selon les chercheurs informels de diamant). Il était à court de devises étrangères en raison de l'effondrement de l'économie zimbabwéenne.
À l'époque, des acheteurs illégaux et des réseaux parallèles ont afflué dans la région. Comme les mineurs de diamants ne sont pas en mesure de vendre les pierres précieuses au gouvernement, ils ont commencé à les vendre illégalement et par voie de contrebande frontalière.
Des rapports semblent indiquer que les diamants étaient vendus au bord de la route. Nous avons eu également des informations sur des paquets de diamants de Marange parvenus aux Emirats arabes unis.
Le gouvernement du ZANU-PF a répliqué pour lutter contre le commerce illégal de diamants et maintenir un contrôle sur les gisements. L'armée et la police sont passées en position d’autorité.
Des vagues de violence ont suivi, chacune étant une tentative pour consolider l'autorité des organismes de sécurité dans le commerce légal et illégal en plein essor. Les élections présidentielles de juin 2008 ont davantage apporté de violence et de graves atteintes aux droits humains. Les gens ont été assassinés, torturés, violés, agressés, battus et chassés du territoire.
Après les élections et la signature de l'accord politique global en septembre 2008 entre la ZANU-PF et les deux parties du MDC, la région a été soumise à l'opération la plus violente.
Les rapports des organisations des droits de l'Homme indiquent que, d'octobre à mi-novembre 2008, des mineurs et autres personnes ont été fusillés depuis des hélicoptères et traqués à mort dans la brousse. Des chiens ont été lâchés aux trousses des gens et des femmes ont été violées.
On ne sait réellement combien de personnes ont été tuées, mais 214 décès ont été enregistrés. Le nombre total pourrait être beaucoup plus élevé. Les gens seraient morts dans la brousse en se mettant à l’abri. Personne ne sait encore l'étendue des pertes et des dommages et l'accès à la région est difficile.
Q: A présent que l'ARC et les gens sont partis, qui sont les chercheurs de diamants?
R: L'an dernier, deux sociétés privées de l’Afrique du Sud, New Reclamation Group et Core Mining and Minerals, ont été désignées par le ministre des mines Obert Mpofu pour former des sociétés d’exploitation en commun avec la société étatique Zimbabwe Mining Development Corporation (ZMDC) pour chercher le diamant au Marange.
Les deux sociétés d’exploitation en commun s’appellent Canadile Mining et Mbada Investments. Robert Mhlanga, un ancien officier des forces aériennes du Zimbabwe, ayant des relations militaires haut placées, a gagné sur Mbada.
La "régularisation" de l'exploitation minière par Mbada et Canadile a détourné quelques-unes des critiques faites par la mission d'évaluation du KPCS autour de la "militarisation" directe des de gisements de diamants.
Le rapport accablant de l'équipe de la mission a réclamé la démilitarisation complète de Marange et la mise en place d’une exploitation minière transparente.
Il a également identifié la nécessité de faire la transformation et l'exportation de diamants bruts en conformité avec les critères établis du KPCS et recommandé une enquête sur les violations des droits de l'Homme dans les champs de diamants.
Mais les champs de diamants ne sont pas encore démilitarisés, même si, sur le papier, cela paraît peut-être différent. L’implication irrégulière des forces de sécurité de l'Etat continue.
Q: Pourquoi l'Afrique du Sud et d'autres pays se sont-ils opposés à la recommandation de suspension?
R: Les raisons sont complexes, mais l'un des motifs pourrait être financier. Plusieurs membres de l'ANC au pouvoir en Afrique du Sud sont impliqués dans des sociétés minières au Zimbabwe. Mais je tiens à souligner que je n’insinue pas que ces personnes soient impliquées dans l'exploitation minière des diamants de sang.
Miriam Mannak s’entretient avec le Prof RICHARD SAUNDERS, auteur et universitaire
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