jeudi 3 juin 2010

Kenya - Des semences de l’espoir voient le jour

(IPS 03/06/2010)
Des pays ont accordé trop peu d'attention à l'importance de la biodiversité, et en conséquence, des espèces et écosystèmes sont en chute libre tandis que le public ne comprend pas le concept.
Telle était la raison pour laquelle la première Journée internationale de la biodiversité a été créée il y a 18 ans, le 22 mai, et il y a encore un long chemin à faire, selon Angela Cropper, secrétaire générale adjointe du Programme des Nations Unies pour l'environnement.
"La biodiversité est un concept abstrait, invisible pour la plupart des gens, même si elle sous-tend toute vie sur la planète", a déclaré Cropper à IPS au cours de la célébration, cette année, de la Journée internationale de la biodiversité ici aux Musées nationaux de Nairobi [stet] du Kenya.
En tant que première secrétaire exécutive de la Convention sur la biodiversité, mise en place pour freiner la perte des espèces et écosystèmes, Cropper a dit que la sensibilisation sur le problème est essentielle au succès de la convention. "Cela a pris du temps, mais nous constatons des progrès dans l'éducation", a-t-elle indiqué.
En résumé, la biodiversité est la somme de tous les êtres vivants et de leurs interactions qui constituent les écosystèmes qui procurent à l'humanité de la nourriture, des fibres, de l’eau potable et de l'air. Au cours des quelques dernières centaines d'années, les êtres humains ont fortement perturbé ces processus naturels par la déforestation, la surpêche, et plus récemment à travers la pollution et les émissions de gaz à effet de serre.
Aujourd'hui, des espèces sont à 1.000 fois leur allure naturelle en voie de disparition à cause de l'activité humaine, selon des recherches scientifiques récentes, avec 35 à 40 espèces qui disparaissent chaque jour.
"Il y a eu un grand vide dans la mise en œuvre par des pays et, par conséquent, le public n'est pas informé", a-t-elle dit.
Le Kenya est en train de perdre sa biodiversité à un rythme sans précédent et il ne lui reste que trois pour cent de son couvert forestier originel, a déclaré aux participants aux célébrations de la Journée internationale de la biodiversité, Ahmed Djoghlaf, actuel secrétaire exécutif de la Convention sur la biodiversité.
Au même moment, 70 pour cent des besoins énergétiques du Kenya pour la cuisine viennent du bois, a indiqué Djoghalf, ajoutant que le pays a lancé un programme national ambitieux de plantation d'arbres et le Mouvement de la ceinture verte qui a planté 45 millions d'arbres dans le pays.
"Ce sont des semences de l’espoir, les semences pour notre avenir", a-t-il confié.
La biodiversité est maintenant inscrite dans beaucoup de textes législatifs du Kenya et au moins 10 pour cent de toutes les terres agricoles ont un couvert forestier en vertu de nouvelles règlementations, a déclaré aux délégués, Wilson Songa, ministre de l'Agriculture du Kenya.
Toutefois, dans le même temps, le pays a lancé un objectif ambitieux d’atteindre 10 pour cent de croissance économique annuelle d’ici à 2030, avec un secteur agricole moderne et compétitif comme une composante essentielle. Songa a reconnu que ce plan pourrait être en conflit avec la protection et l'amélioration de la biodiversité, mais il a promis que son ministère se concentrerait sur l’augmentation de l’agrobiodiversité et de l'agroforesterie pour réduire la pauvreté et accroître la sécurité alimentaire.
Il y a une forte pression pour une "nouvelle révolution verte" en Afrique, mais ceux qui sont y impliqués ne pensent pas à l'augmentation de l’agrobiodiversité (améliorer à la fois la biodiversité et la production alimentaire).
"Il s'agit des fermes plus grandes, de plus de machines et d’engrais ainsi que davantage de semences OGM (organismes génétiquement modifiés)", a déclaré Hans Herren, président de l'Institut du millénaire en Virginie, aux Etats-Unis. Herren, lauréat du Prix mondial de l'alimentation en 1995, est connu pour avoir mis en œuvre un programme de contrôle biologique qui a sauvé la culture du manioc africain, évitant une grande crise alimentaire.
"S’assurer qu’il y a un bon habitat pour les abeilles peut augmenter de 20 pour cent les rendements dans les champs de café", a confié Herren aux participants. Cependant, des pratiques comme l'utilisation d'insecticides et le manque de biodiversité autour du champ signifient moins d’abeilles pour favoriser la pollinisation des cultures", il a souligné. "Puis, les gens se demandent pourquoi leurs rendements commencent à baisser".
La transformation dont l'agriculture africaine a besoin n'est pas davantage de production agricole industrielle à grande échelle en s'appuyant sur les apports extérieurs en engrais, mais plutôt de petits agriculteurs pratiquant une approche multifonctionnelle de production agricole et de préservation de l’écosystème", a-t-il dit.
Telle était également la conclusion des trois ans de l'Evaluation internationale de la science et la technologie agricoles pour le développement (IAASTD) qu’a co-présidée Herren. Elle a conclu que les agro-écosystèmes, qui allient la production alimentaire avec l’assurance que les approvisionnements en eau demeurent propres, préservant la biodiversité, et améliorant les moyens de subsistance des pauvres, constituent le meilleur espoir pour l'avenir.
L'évaluation demeure controversée, à peine reconnue par les experts et instituts internationaux agricoles qui restent attachés à l'actuel modèle de production industrielle à grande échelle, a conclu Herren.
Des parties du Kenya ont été durement touchées par une sécheresse de plusieurs années, mais "Mme Kimonyi n'a jamais faim", a déclaré Patrick Mangu, un ethnobotaniste aux Musées nationaux.
La terre d'un hectare de cette fermière locale dispose de 57 variétés plantées dans un mélange de céréales, de légumineuses, de racines, de tubercules, de fruits et d’herbes. Mangu a mené des études dans cette région frappée par la sécheresse parce qu’il existe des fermes qui donnaient de bons rendements alors que beaucoup étaient des catastrophes.
C'est cette diversité qui a produit des aliments comestibles pratiquement tous les jours de l'année, protégeant Kimonyi des effets de la sécheresse, a indiqué Mangu. "Souvent, c’étaient les variétés locales qu’elles plantaient qui avaient mieux survécu à la sécheresse".
"Ceci constitue-t-il la base d’une nouvelle révolution verte pour l’Afrique? La réponse est oui".

Stephen Leahy
© Copyright IPS

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