Par La Rédaction - © L’observateur Paalga
Sans doute, c’est en jetant un regard sur le rétroviseur de sa médiation que Blaise Compaoré, le médiateur attitré de la crise ivoirienne, a lâché, un tantinet lassé, qu’au-delà de 2010 il pourrait prendre ses distances avec ce brûlot ouest-africain qui n’en finit pas de feindre de s’éteindre pour se rallumer de plus belle.
Cette sortie du président du Faso, le 2 juin 2010 sur France 24, ressemble fort bien à une forme de chantage diplomatique pour mettre non seulement les protagonistes ivoiriens devant leurs responsabilités, mais aussi la pression sur la communauté internationale. Cette prise de position du chef de l’Etat burkinabè s’explique également par son programme, en ce second semestre 2010, qui voit poindre une présidentielle, avec ce qu’un tel événement comporte comme activités politiques pour celui qui sera candidat à sa propre succession. D’ailleurs, l’annonce de cette retraite n’est pas pour déplaire aux Burkinabè, qui estiment que leur président, qu’on sait calme et pondéré, doit souvent élever la voix pour rééquilibrer les choses. Des Burkinabè qui ne se plaindraient pas que le premier magistrat s’occupe mieux du Faso que des problèmes d’autres pays. Bref, ce coup de sang calculé du P.F. fait suite à une série de conciliabules qui se sont déroulés au bord de la lagune Ebrié sans que, visiblement, il en ait été l’initiateur. L’histoire veut même que ce soit Abdoulaye Wade, son homologue sénégalais, qui ait suggéré ces tête-à-tête Gbagbo-Bédié et Gbagbo-ADO au président ivoirien. En tout cas, même si Blaise en était informé, son représentant spécial, Boureima Badini, était aux abonnés absents à ces rencontres abidjanaises des 10 et 17 mai 2010.
Dix minutes avec le “sphinx de Daoukro” et plus d’une heure avec le patron du RDR ont suffi à Gbagbo pour obtenir l’annulation, du moins le report, de la marche des houphouëtistes. Sans doute l’imminence des Assises de la BAD avait-elle dicté cette option, qu’il faut saluer, comme nous l’avons déjà écrit.
Ce fut une preuve de maturité politique de la part de Bédié et d’ADO. Promis par la classe politique pour être de nouveau sur les rails en mai, le processus électoral tarde, un mois après, à reprendre. Les deux têtes de l’exécutif, Gbagbo et Soro, ont, chacun en ce qui le concerne, sa méthode ; même si, officiellement, les voix semblent s’accorder.
Il est évident que les positions sont inconciliables en ce qui concerne le fichier électoral provisoire. Un fichier qui a donné lieu à des échanges Gbagbo-Soro et Bagayoko, le patron de la CENI, le 3 juin dernier, qui, comme d’habitude, ont accouché de points consensuels, selon le mot du Premier ministre. On connaît souvent la suite... La problématique de la liste grise et de la liste blanche qui cristallise tous les blocages sera au cœur des débats lors de la réunion Soro-ADO-Bédié, annoncée par le chef du gouvernement, pour les prochains jours.
Depuis la double dissolution gouvernement et CENI en février 2010, la mécanique de la paire est grippée et, en dépit des armistices de façade, le torchon brûle entre les différents acteurs, fatigués, à juste titre, de cette arlésienne qu’est devenue la présidentielle.
Aujourd’hui, aucun prophète politique n’ose encore esquisser de date pour ce scrutin majeur. Chaque camp se dit pressé d’en découdre avec l’autre. Alors, pourquoi cette lenteur sciemment entretenue ? Quelque part, quelqu’un ne joue pas sa partition et la Côte d’Ivoire a beau avoir 100 facilitateurs, la résolution de sa crise reste d’abord l’affaire des Ivoiriens eux-mêmes.
La mise entre parenthèses du déficit de confiance serait un début de solutionnement d’une crise qui plombe ce pays depuis près d’une décennie. Laurent Gbagbo n’a pas foi aux ex-croquants du Nord de son pays et on ne saurait lui donner tort : les ex-rebelles ont pris les armes pour le renverser et, n’eût été sa témérité pour revenir de Rome et reprendre les choses en main, il serait aujourd’hui un ex-chef d’Etat, à l’image d’un Ange-Patassé et d’un Ould Taya.
Les Forces nouvelles non plus n’ont pas confiance en Gbagbo. C’est de bonne guerre, car ils savent que Gbagbo, qui a la rancune tenace, n’hésitera pas, à la première occasion, à les réduire à néant. Du reste, le président ivoirien n’a jamais fait mystère de sa volonté de désarmer de gré ou de force les ouailles de Soro, dès qu’il serait réélu. Ce qui est de bonne guerre : la tête du roi appartient à celui qui n’a pas peur de perdre la sienne ! Ce sont les conséquences d’un coup d’Etat mal préparé. Sans la restauration de cette confiance, en terre d’Eburnie, on pédalera dans la choucroute.
Un homme qui se pose beaucoup de questions, c’est sans doute le facilitateur Blaise Compaoré, qui a mis tout son crédit et son énergie dans la résolution de cette crise. Sera-t-il roulé, lui aussi, dans la farine par le boulanger de Cocody, comme se le demandait l’Observateur paalga au début de la médiation burkinabè ?
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