mercredi 2 janvier 2013

Mali - INTERDICTION DE SORTIE DE MODIBO DIARRA: de quoi a peur la junte malienne ?

(Le Pays 02/01/2013)
Débarqué de son poste de Premier ministre de la transition par la volonté de la junte militaire, Cheick Modibo Diarra n’est plus libre de ses mouvements. Son intention d’aller se soigner à Paris, il y a quelques semaines, a servi de prétexte aux hommes du capitaine Sanogo pour régler le cas Diarra : un Premier ministre aux ambitions présidentielles et qui n’avait pas encore compris que les militaires de Kati, malgré leur relative discrétion depuis les menaces de la communauté internationale, ne sont pas moins les maîtres du jeu à Bamako, épicentre d’un pouvoir qui a perdu le Nord depuis, au sens propre comme au figuré.
La junte reproche à l’ancien Premier ministre des intentions pas très bienveillantes à son endroit. En somme, circulaient à Bamako des rumeurs d’un coup de force que le premier astronaute africain fomenterait. Difficile de croire à un tel scénario venant de quelqu’un qui s’est proclamé démocrate. Il est vrai que l’ambition personnelle peut faire perdre la tête aux hommes politiques surtout lorsqu’ils ont goûté aux effluves du pouvoir.
Mais de là à vouloir tirer des plans sur la comète…
On aurait pu croire, avec son débarquement, que la junte avait désormais les mains libres pour mettre en œuvre son plan de reconquête du Nord face à un président déjà mis sous l’éteignoir aux premières heures de sa nomination par les hommes de Sanogo. Pourquoi alors tant d’acharnement contre Modibo Diarra qui, officiellement, ne demande qu’à aller se soigner ? Représente-t–il encore une menace au point que les hommes de Kati veuillent l’avoir à l’œil, sous leur contrôle ? La vérité est encore à venir et elle jaillira une fois que l’ancien Premier ministre aura recouvré sa liberté de mouvement et de parole. Son entourage proclame haut et fort que c’est la junte qui l’empêche de se rendre à Paris pour son contrôle de santé. Ce que la junte dément. Des deux camps, qui dit vrai ? Une troisième voix aurait pu faire la différence, celle de la présidence. Mais celle-ci a plus habitué l’opinion à son mutisme qu’à des actions fortes et décisives. Ce cas n’est pas sans rappeler celui de l’opposant au régime de Omar Bongo, Oba Obame, ainsi que celui de l’opposant centrafricain Ange Félix Patassé, mort parce que privé de soins. Une attitude inhumaine qu’aucun argument politique ou sécuritaire ne suffirait à justifier. Mais voilà, c’est ainsi sous nos tropiques. Les plus forts ont souvent le droit de vie ou de mort sur leurs concitoyens, surtout lorsqu’ils ont la casquette d’opposants et qu’ils lorgnent leur pouvoir. Le Mali qui se cherche et qui veut rassembler ses fils pour aller au front n’a vraiment pas besoin de ce scénario. Ceux qui tirent les ficelles dans cette affaire divisent plutôt les Maliens. Que diront les partisans de Cheick Modibo Diarra ? Que même malade leur leader fait peur à la junte ? Vraiment ? A moins que le contentieux ne soit bassement personnel.

Abdoulaye TAO

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