(Armees.com 02/04/2011)
Le 7 avril prochain sera commémoré au Rwanda le début du génocide des Tutsis en 1994. 17 ans après les faits, plusieurs événements seront organisés dans la capitale, Kigali, afin de rendre hommage aux 800 000 victimes du « Hutu power ». Placées cette année sous la bannière de la promotion de la dignité et de la culture de vérité, les commémorations pourraient néanmoins passer sous silence les violences consécutives au génocide qui participent encore aujourd’hui à la déstabilisation de la région des Grands Lacs.
Plusieurs manifestations seront organisées entre le 1er et le 7 avril sur le territoire rwandais et au sein des communautés de Rwandais expatriés, la commémoration du génocide constituant depuis la fin des années 1990 un élément fondamental du processus de réconciliation nationale engagé par le Président Paul Kagamé. Ce dernier, élu en 2003 avec 95% des voix – puis réélu en 2010 avec un score analogue – justifie sa pratique autoritaire du pouvoir par la nécessaire unification d’un pays traumatisé par l’un des conflits ethniques les plus meurtriers d’Afrique. Régulièrement accusé par ses détracteurs de museler l’opposition et de restreindre les libertés fondamentales, il serait à l’origine de plusieurs assassinats politiques et du massacre de civils hutus réfugiés à l’ouest du pays après le génocide. Relié à la République Démocratique du Congo (RDC) par une frontière commune stratégique, le Rwanda demeure un acteur fondamental de cette région des Grands Lacs. Selon certains observateurs, Paul Kagamé souffrirait cependant d’un déficit de popularité auprès de ses homologues des Grands Lacs. Ainsi, les Présidents de la RDC et d’Ouganda se sont montrés relativement hostiles à son égard ; des rumeurs ont même fait état du financement par les autorités ougandaises du mouvement rebelle des FDLR, dont l’objectif est de renverser le gouvernement de Kagamé depuis les régions frontalières du Kivu (RDC).
En effet, plusieurs centaines de génocidaires hutus rwandais se sont réfugiés à l’est de la République Démocratique du Congo dans les années 2000 et perpétuent leurs exactions au Nord et au Sud-Kivu. Chassés du territoire rwandais après 1994, les rebelles ont trouvé dans ces régions instables de la RDC un espace quasiment libre de tout contrôle étatique. Cette volatilité du contexte sécuritaire au Kivu constitue aujourd’hui un facteur déstabilisant pour l’ensemble de la sous-région, cristallisant les tensions des leaders des Grands Lacs autour de la problématique rwandaise. Les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), à l’origine de la majeure partie des attaques perpétrées au Kivu, tendent également à justifier l’implantation des forces armées du Président Kagamé dans des régions congolaises aux ressources naturelles particulièrement convoitées. En dépit d’une relation officielle tendue entre la RDC et le Rwanda, Joseph Kabila – dont les troupes peinent à mettre fin aux violences du Kivu – soutiendrait en effet la présence rwandaise sur son territoire de manière officieuse.
Le déplacement du conflit rwandais à l’est de la RDC, de même que l’exercice autocratique du pouvoir par Paul Kagamé, expliquent donc en partie l’instabilité de la situation politico-sécuritaire régionale. Néanmoins, le traumatisme consécutif au génocide de 1994 a permis l’avènement de politiques internationales que certains jugent favorables à l’émergence d’une paix durable en Afrique. Ainsi, le Pacte sur la stabilité et le développement de la région des Grands Lacs – adopté en 2006 – inclut un protocole sur la prévention du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’Humanité. Des responsables de l’ONU affirment même que l’adhésion en 2005 au principe de la responsabilité de protéger – qui a conduit à l’intervention en Libye ces derniers jours – n’aurait pu voir le jour sans l’échec des institutions internationales à venir en aide aux victimes du Rwanda au cours du génocide de 1994.
Le Flash est réalisé en collaboration avec le Bureau Veille et Analyse Risques Pays du Groupe GEOS
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