On peut désormais parler des oppositions -au pluriel- en RD-Congo, écrivions-nous il y a quelques jours encore, au vu de la situation qui prévaut au sein des partis politiques dits de l’opposition. Avec trois candidatures alignées à la pèle, c’est un schéma-catastrophe qui s’annonce pour les oppositions RD-congolaises.
C’est fait, les dés sont jetés, auraient crié les Romains de la vieille garde. Après Etienne Tshisekedi lundi, ce sont François-Joseph Nzanga Mobutu et Vital Kamerhe qui ont déposé, mercredi 7 septembre 2011, leurs candidatures au bureau de réception et de traitement des candidatures -BRTC- de la Commission électorale nationale indépendante -CENI- sis place Royal à Kinshasa/Gombe. Ainsi sonne le glas de l’unité tant recherchée de l’opposition autour d’une candidature, que n’ont pu réussir à obtenir toutes les têtes couronnées de l’opposition. Mais, en réalité, c’est le triomphe de trois schémas qui seront difficiles à concilier, au vu des agendas des uns et des autres. D’abord, le schéma de ceux qui soutiennent Etienne Tshisekedi et réunis dans une kyrielle d’associations momentanées : Dynamique Tshisekedi Président -DTP-, Soutien à Etienne Tshisekedi -SET- et bien d’autres. Pour cette tendance, le fait que leur candidat ait posé l’acte attendu de lui, et malgré tous les désagréments que cela a causés et à l’opposition elle-même et aux tiers, notamment à ceux qui ont perdu leurs biens ou ont vu les immeubles saccagés, le « débat » était clos autour de cette affaire de candidature commune.
Le camp des durs
Autour de Tshisekedi gravite, en effet, plusieurs cercles, chacun avec ses propres intérêts. Aux premières loges, les enfants de la maison UDPS qui croient que le moment est venu de porter leur leader à la tête du pays. Et malgré tous les chants de sirène, cette branche est convaincue que le parti peut y aller seul. Ces «apparatchiks» partent de la logique que, personne n’ayant démontré de quoi il est capable en ce moment, personne ne peut contraindre l’UDPS à négocier quoi que ce soit avant le scrutin. C’st seulement à la fin des opérations et à la proclamation des résultats que les comptes seront bons. C’est une logique de confrontation sur le terrain. On les recrute dans les milieux des jeunes et des fidèles qui, malgré les brimades, acceptent de se plier à la discipline du parti. Le deuxième groupe est constitué des personnes qui, sans nécessairement être membres de l’UDPS à ce jour, affirment vouloir accompagner Tshisekedi à la victoire. Au nombre de ces courtisans, des anciens candidats aux présidentielles de 2006 et qui avaient connu une débâcle restée historique. En regardant les chiffres cumulés des scores de Olengankoy, Roger Lumbala, Diomi Ndongala et compagnie, on ne dépasse pas le 1% des voix nécessaires pour prétendre peser sur l’échiquier politique national. A ce pré-carré s’ajoutent d’autres leaders plus ou moins de seconde zone et la base se recrute, parfois sur les plateaux de télévision. Ce sont les fauchons comme on les appelle. Ce sont les plus radicaux, parfois, et très souvent à la tête des groupes incontrôlés. On les a vu s’exhiber lors de deux dernières sorties violentes de l’UDPS, le jeudi 1er septembre et le lundi 5 septembre. Puis un dernier groupe constitué des personnes qui ont la conviction qu’il est possible de faire changer les choses sans nécessairement recourir à la violence et aux voies des faits. Ce sont les gardiens du temple, qui se recrutent dans la classe des sages de l’UDPS, et qui privilégient la logique de a non-violence dans l’action politique. Ils sont aujourd’hui les moins écoutés et parfois accusés de «taupe », expression violente dont la seule évocation entraîne l’exclusion et le rejet de la personne. Voilà la constellation Tshisekedi, avec toutes ses contradictions, ses forces et ses faiblesses.
Les modérés montent
La deuxième tendance au sein de l’opposition est constituée de ceux qui n’ont pas accepté le coup de force des fanatiques de Tshisekedi et qui estiment qu’il est plus raisonnable de revenir à la logique de la négociation au sein du camp pour espérer insuffler le vent de l’alternance dans la gestion de la chose publique. C’est le groupe de Sultani Hôtel dont Vital Kamerhe apparaît aujourd’hui comme le pur produit. Boudé par l’aile dure qui gravite autour de Tshisekedi, l’homme de Bukavu a pu bénéficier de la confiance des ténors du camp des modérés constitué des partis plus ou moins populaires -MLC, UFC, UNC, RCD; ou en quête de popularité : Kudura Kasongo, UREC, etc. Ici, on ne jure que par le respect des engagements pris par les uns et les autres. Ces engagements sont clairs : négocier un programme commun de gouvernement, et proposer un ticket avant de désigner un candidat unique ou commun. C’est ce qui a été fait dans le cas de Kamerhe. Avec plus au moins bonheur. Et ce groupe dans lequel on retrouve le très vétéran Kengo wa Dondo, n’entend pas laisser les mains libres à un Tshisekedi devenu le symbole d’une dictature dans l’opposition. Kamerhe lui-même, tout en appelant le camp de Tshisekedi à la poursuite du dialogue, serait en difficulté face à son électorat de l’Est qui ne souhaite nullement voter pour un autre candidat que lui. Il l’a compris et a assumé.
Et les outsiders
Enfin, le camp des réformistes, comme on pourrait les appeler. C’est dans cette catégorie que l’on retrouve Nzanga Mobutu de l’UDEMO ou encore François Mwamba de l’ADR. Ce sont des outsiders, on dirait, si nous considérons leur aura en ce moment et le niveau d’implantation de leurs partis à travers le territoire national. La candidature de François-Joseph Mobutu paraît comme du gaspillage politique et financier parce que, aux yeux de certains, il ne saurait prétendre à la victoire. Il n’en a pas les moyens et l’étoffe. Mais le concerné lui, sait ce qu’il fait et croit en ses capacités et celles des membres de son parti de se doter d’une étoffe nationale. Nzanga voudrait se faire une bonne image et ainsi faciliter l’élection des députés issus de ses propres rangs. Ainsi, il pourra se présenter comme une force incontournable et avec laquelle il faudrait compter pour la législature prochaine. En réalité, pendant tout le monde réfléchit à prendre les rennes du pays sous un régime présidentiel, Nzanga loucherait sur l’assemblée nationale. En effet, il a clairement exprimé ses ambitions: «Qui veut aller avec moi accepte le régime parlementaire».
Entre ces trois camps, ce sera une véritable guerre, si chacun veut rester logique avec lui- même. On peut voir qu’il y a des choses inconciliables et qui feront que, si consensus il y a autour d’un candidat unique, il sera le dindon de la farce. La nouvelle plateforme à constituer sera un assemblage des morceaux qui n’ont en commun que la hargne d’empêcher Kabila de rempiler. Il y aura certainement des alliances contre-nature, si jamais on y arrivait. Et c’est là le danger pour le pays d’avoir à la tête plutôt un monstre sans âme. Les conséquences seront certainement catastrophiques. Si l’on en croit un communiqué du cadre de concertation de l’opposition, les négociations continuent malgré le dépôt des candidatures.
Tino MABADA
Direct.cd © 2011
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