lundi 7 juin 2010

Gabon - Un an après la mort d'Omar Bongo: le Gabon entre rupture et continuité

De Patrick FORT (AFP) LIBREVILLE — Un an après la mort de son père Omar Bongo Ondimba, Ali Bongo tente de donner au Gabon un nouveau style avec des plans de réforme de l'administration et de l'économie, des annonces dans l'écologie et des promesses de moralisation mais l'opposition se montre sceptique.
"L'émergence": avec ce mot, Ali Bongo résume tout son projet de société pour le Gabon. Le nouveau président a multiplié les chantiers avec l'ambition de sortir le "pays de l'immobilisme" qui avait marqué les dernières années au pouvoir de son père.
Il a ainsi pris de nombreuses mesures spectaculaires. La première d'entre elles, dès octobre, a été surnommée le "Tsunali". Ali Bongo, qui a fait passer le nombre de ministres de 44 à 30, a notamment limogé de nombreux hauts fonctionnaires pour "mettre un terme aux promotions parfois guidées par le repli identitaire, le clanisme et le clientélisme politique, source d'inertie et d'inefficacité", avait alors souligné le gouvernement dans un communiqué.
Ali Bongo a aussi tenté de rationaliser les structures étatiques. Il a supprimé plusieurs organismes para-publics et centralisé les recettes publiques, affirmant vouloir mettre un terme à la parafiscalité pour favoriser "le climat des affaires". Il a également promis plus d'investissements structurels pour favoriser le développement, et fait passer le Gabon à la journée continue.
Le président s'est aussi positionné de manière très forte sur le créneau environnemental. Il s'est entouré de pointures internationales comme Lee White et Mike Fay, de la Wildlife conservation society (WCS), pour mener à terme ce qu'il surnomme "Le Gabon vert". Fin 2009, le gouvernement a interdit l'exportation des grumes brutes pour tenter de préserver les forêts et favoriser l'émergence d'une industrie locale de transformation. D'autres mesures ont suivi comme l'interdiction des sacs en plastique qui doit entrer en vigueur en juillet, ou le lancement d'un Plan climat.
"Les mesures qui ont été prises par le chef de l'Etat n'ont pas fait que des heureux (...) Mais, il faut réussir l'émergence! Il faut réussir l'application des réformes, de telle sorte que le résultat, le développement progressiste, soit mieux partagé", estimait récemment le secrétaire général du Parti démocratique gabonais Faustin Boukoubi.
Mais pour l'opposant André Mba Obame, ex-ministre de l'Intérieur, arrivé 3e aux élections présidentielles d'août 2009, "il y a une régression sur tous les plans depuis la mort du président Bongo".
Il dénonce "une crispation sur les libertés individuelles. On intimide les familles en les menaçant d'enlever leurs enfants des écoles ou de leur faire perdre leur travail. C'est un Etat voyou", lance-t-il. "La télévision publique, c'est pire que sous Enver Hoxha" (ancien dictateur albanais).
"On prend des décisions sans réfléchir. C'est la politique casse-cou. Il y a un budget fictif qu'on n'arrive pas à exécuter. La mesure d'interdiction d'exportation des grumes aura des conséquence sociales alors qu'on avait donné aux forestiers jusqu'en 2012 pour transformer localement 75% du bois. Quant à la journée continue, on l'a prise sans mesures d'accompagnement, sans création de cantines. Résultat, les Gabonais travaillent moins. Le pays est bloqué", assène l'opposant.
Marc Ona, figure de la société civile gabonaise, souligne qu'il "y a beaucoup d'annonces sans savoir si c'est faisable. Finalement, rien n'a bougé comme en témoigne l'achat d'un immeuble à Paris" qui, selon deux journaux français, aurait coûté 100 millions d'euros à l'Etat.
M. Ona estime aussi que "les Gabonais ne peuvent pas s'exprimer" librement. Lauréat en 2009 du Prix Goldman pour l'environnement, il salue toutefois les mesures environnementales qui "vont payer à terme".

Copyright © 2010 AFP

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