(Le Pays 12/06/2012) Le mini sommet tenu en marge du sommet de l’UEMOA à Lomé le
6 juin 2012, a été l’occasion pour les chefs d’Etat et de gouvernement de la
Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) de réaffirmer,
entre autres, « la non-reconnaissance du CNRDRE » ainsi que « de tout statut de
chef d’Etat ou d’ancien chef d’Etat au capitaine Amadou Sanogo » par
l’Organisation. Cela veut dire clairement que, désormais, la CEDEAO ne reconnait
pas la junte comme partenaire et que pour elle, Sanogo n’est pas et n’a pas été
un chef d’Etat dûment reconnu.
On imagine bien que cette décision de
l’organisation sous-régionale ne fera pas que des heureux à Bamako. Dans le camp
des anti-putschistes qui trouvaient que la CEDEAO n’était pas assez ferme contre
la junte, ce sera un motif de satisfaction. Mais dans le camp de Sanogo, cette
prise de position ne manquera pas de faire des vagues. Pour ces gens, que la
junte soit dissoute, cela passe.
Mais que le Capitaine Haya Amadou Sanogo
qui avait pris le pouvoir à Bamako n’ait pas le statut d’ancien chef d’Etat,
cela n’est pas aisé à accepter. Ce d’autant plus qu’il a été annoncé, il n’y a
pas très longtemps de cela, que ce turbulent capitaine devait bénéficier de ce
statut et de tous les avantages qui y sont attachés. C’est tout comme si la
CEDEAO remettait en cause, de façon indirecte, l’accord conclu avec les
putschistes. Ceci dit, il y a un grand risque que privé de ses avantages, Sanogo
se révolte. Mais, s’il est vrai que la position de la CEDEAO fait un peu
désordre au regard de l’accord qu’elle avait elle-même conclu avec la junte
alors au pouvoir et de son attitude aujourd’hui vis-à-vis de cette même junte,
force est de reconnaitre qu’elle revient à une posture plus juste.
Ce
durcissement de ton semble d’ailleurs donner raison à tous ceux qui avaient
trouvé l’accord conclu avec la bande à Sanogo, boîteux. En tout cas, la suite de
cet accord, on la connaît. Une sorte de simulacre de retour à l’ordre
constitutionnel, alors que le capitaine est resté maître du jeu et donc du pays.
En effet, il est notoire que le pouvoir réel, malgré la transition
constitutionnelle affichée, se trouve à Kati, dans l’antre du capitaine. En
témoignent des arrestations de personnalités politiques et militaires dans le
plus grand désordre et la plus grande opacité qui s’opèrent sans que les
autorités constitutionnelles soient en mesure de donner les tenants et les
aboutissants du dossier.
Les partisans des putschistes n’ont pas manqué
d’occasion pour humilier les délégations de la CEDEAO qui se sont rendues au
chevet du pays. Comme des fauves, le capitaine Sanogo et ses partisans
guettaient la fin du délai légal de transition pour bondir et récupérer « leur
chose ». Mal leur en a pris puisque la communauté internationale, notamment la
CEDEAO et les Etats-Unis, sentant leur manège, les ont fermement mis en garde
contre toute tentative de remise en cause de la transition confiée à
l’ex-président de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, conformément aux
dispositions de la loi fondamentale de la République malienne.
Leurs
plans étant tombés à l’eau, des manifestants pro-Sanogo ont eu l’outrecuidance
de prendre d’assaut le palais de Koulouba et comble de lâcheté, ils y ont
molesté le président intérimaire, Dioncounda Traoré, tout en promettant
d’investir leur chef Sanogo à sa place. Suite à cette attaque, le président de
la transition, comme on le sait, s’est envolé pour des examens médicaux en
France et s’est retrouvé contraint à un exil qui ne dit pas son nom.
Au
regard de ce tableau, on peut conclure aisément que le capitaine Sanogo est plus
un problème qu’une solution pour son pays. Les honneurs et avantages qui lui ont
été octroyés n’ont pas suffi à calmer ses ardeurs, ses envies de Koulouba.
Pendant que les viols et autres atteintes aux droits fondamentaux de l’Homme
sont perpétrés au Nord, le capitaine et ses partisans ne sont préoccupés que par
le pouvoir. Inutile de dire que ce climat délétère empêche la prise de toute
mesure conséquente pour la restauration de l’intégrité territoriale du pays et
le soulagement des populations qui étouffent entre les « serres » des « fous de
Dieu » du désert. L’attitude peu républicaine de la junte concourt, avec
l’action du MNLA et des mouvements terroristes, à maintenir le Mali dans
l’impasse.
Probablement et à juste titre excédée par les turpitudes de
Sanogo, la CEDEAO est donc décidée à lui refuser le statut d’ancien chef d’Etat.
Lui reconnaître ce statut allait, du reste, donner des idées à d’autres
personnes, susciter des envies pas forcément saines sur le continent. La
décision semble juste et justifiée. De toute façon, président Sanogo ne l’aura
été que de nom. Le fait que la transition n’a pu s’ouvrir qu’avec la démission
formelle de l’ex-président ATT, prouve cela à souhait. Reste à savoir si la
CEDEAO aura les moyens de sa politique.
Il n’est pas évident que Sanogo
accepte docilement de se laisser « déshabiller » de la sorte. Il faut craindre
qu’il se rebiffe officiellement en ce qui concerne son retrait du fauteuil
présidentiel. A la CEDEAO de s’assumer et de conférer à ses décisions toute la
force, toute l’autorité requise. Il faut espérer que ce faisant, elle réussisse
à calmer au plus vite les ardeurs déplacées de la junte pour donner place aux
efforts de réunification du pays qui pourraient être placés bientôt sous mandat
des Nations unies.
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