jeudi 24 février 2011

Libye, Tchad -La garde tchadienne au secours du colonel Kadhafi

(Le Figaro 24/02/2011)

N'Djamena aurait envoyé des troupes pour soutenir le «guide» libyen, qui recruterait également des groupes armés soudanais.
Le Tchad aurait envoyé des soldats au secours du colonel Kadhafi. C'est ce qu'affirme le site Tchadactuel, habituellement bien renseigné grâce à des sources proches du palais présidentiel de N'Djamena. Selon ce site, le président Idriss Déby lui-même aurait ordonné ce déploiement. Des habitants de Benghazi confirment l'arrivée de ces troupes.
D'après d'autres sources, des Tchadiens vivant sur place seraient également recrutés par les autorités de leur pays. Le chiffre de plus de mille militaires a été avancé, sans pouvoir être vérifié.Le Soudan, ajoute Tchadactuel, aurait également été sollicité mais aurait refusé. Le Tchad faciliterait en revanche le passage des Soudanais désireux d'aller se battre en Libye. Le JEM (Mouvement pour la justice et l'égalité), le plus armé des groupes rebelles du Darfour, fournirait aussi des hommes. La longue frontière entre le Tchad et la province rebelle de l'ouest du Soudan facilite les choses, tout comme la présence des deux côtés de cette frontière de membres de l'ethnie Zaghawa, celle du président tchadien.
Défection importante dans les forces spéciales
Comme toujours en Libye, l'argent du pétrole pourrait alimenter cette aide militaire. Avec le risque de déclencher des représailles contre les travailleurs tchadiens installés en Libye, et déjà mal vus par la population. Les militaires venus du Tchad pourraient être arrivés en Libye par le sud, franchissant une région montagneuse habitée de part et d'autre par l'ethnie Toubou, qui a dans les années 1990 mené une véritable guerre contre le gouvernement tchadien. Leur réaction est une inconnue.
Les corps de deux supposés mercenaires africains lynchés par la foule le 20 ou le 21 février à Benghazi. Crédits photo : Balkis Press/Balkis Press/ABACA
Quoi qu'il en soit, l'emploi de mercenaires traduit la nervosité du colonel Kadhafi, qui douterait même de ses forces spéciales, rempart du régime, commandées par plusieurs de ses fils. Un membre important de cette garde prétorienne aurait fait défection. L'utilisation de militaires venus de l'extérieur se révèle d'ailleurs une arme à double tranchant. Elle aurait poussé nombre de militaires furieux de voir des étrangers tirer sur des Libyens à rompre les rangs. L'envoyé spécial de CNN montrait hier un jeune officier passé à l'insurrection interroger, à Benghazi, un groupe d'hommes en civil arrêtés, les questionnant pour savoir si des étrangers se trouvaient parmi eux.
Dans une vidéo publiée sur Internet, on voit distinctement des hommes portant des casquettes jaunes tirer sur les manifestants de Benghazi, avant la chute de la capitale de la Cyrénaïque aux mains des insurgés. Les témoignages recueillis au téléphone affirment que ces hommes à casquette sont des «mercenaires africains».
L'emploi de mercenaires en nombre important est une nouveauté. La Libye utiliserait, certes, des pilotes d'Europe de l'Est dans son armée de l'air, mais la présence de ressortissants étrangers dans les forces terrestres n'était pas la norme jusqu'ici. Cette solution de dernier recours s'explique par une tradition bien ancrée. Parvenu au pouvoir par un coup d'État militaire, Mouammar Kadhafi est bien placé pour se méfier des velléités putschistes des galonnés. Il a commencé son règne en écartant l'un de ses compagnons d'armes les plus capables, le commandant Jalloud. Ce dernier vit aujourd'hui à Tripoli mais n'exerce plus aucune responsabilité.
L'armée mal entraînée et mal équipée
Au fil des ans, Kadhafi a accéléré l'épuration de l'armée régulière. Celle-ci lui a démontré qu'il avait raison de se méfier. Les spécialistes estiment à un par an en moyenne le nombre de tentatives de coup d'État depuis la prise du pouvoir par un groupe d'officiers en 1969. La réaction du colonel, qui a vite gouverné seul, a été violente. Des officiers ont été exécutés devant leurs troupes.
Aujourd'hui, l'armée proprement dite, constituée principalement de conscrits, est mal équipée et mal entraînée. Lors des fêtes nationales, elle défile souvent sans armes. Elle est également noyautée et surveillée de l'intérieur par les comités révolutionnaires, sortes de commissaires politiques ayant l'œil sur toute dissidence. Les équipements modernes sont réservés aux forces spéciales gérées par la famille et par les proches de Kadhafi. La capacité de répression du régime repose sur ces unités, sur les milices des comités révolutionnaires, et maintenant sur les combattants tchadiens. Jusqu'à quand ?

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