mercredi 23 février 2011

Au Cameroun, tensions sociales et appels au soulèvement contre le président Biya

(Cyberpresse 23/02/2011)

Le Cameroun connaît un contexte social difficile marqué par le chômage et la pauvreté et un climat politique tendu alors que des voix s'élèvent pour appeler au soulèvement contre le président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982.
Un opposant, Mboua Massock, et une organisation de la diaspora camerounaise en France ont appelé les Camerounais à entrer en "révolution" dès mercredi contre le régime de M. Biya, 78 ans, dont 29 au pouvoir. Des tracts anonymes véhiculant ce mot d'ordre ont été ventilés dans plusieurs villes, a-t-on appris de sources concordantes.
Une candidate déclarée à la présidentielle qui doit avoir lieu en 2011, Kah Walla, souhaite que les Camerounais se mettent "tous en rouge" mercredi pour dire à M. Biya que "ça suffit". "Trop d?élections truquées! Trop de jeunes au chômage! Trop de tracasseries pour les débrouillards! Trop de promesses non tenues !", affirme-t-elle dans son appel.
"Chassons Biya (du pouvoir)", ont inscrit des inconnus sur la clôture d'une école à Yaoundé, a constaté un journaliste de l'AFP.
"Le désordre que "veulent" perpétrer "des illuminés" "n'arrivera pas", a assuré mardi le porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary, lors d'une intervention à la radio d'Etat. "Les amoureux de cette nation sont beaucoup plus nombreux, déterminés et plus fort que ceux qui font de l'agitation", a-t-il ajouté.
Par ailleurs, à Douala (sud), un rassemblement pacifique de l'opposition était prévu mercredi en mémoire des victimes d'une révolte de la jeunesse en février 2008, réprimée dans le sang par la police et l'armée, faisant alors 40 personnes selon un bilan officiel, 139 d'après des ONG locales.
Carte du Cameroun
© AFP
Il règne dans le pays "une certaine nervosité en raison de la multiplicité des tensions sectorielles", observe un politologue et enseignant d'université, Mathias Nguini Owona.
"Les gens sont excédés: le chômage est endémique, le pouvoir d'achat des ménages est extrêmement faible et les gens, y compris les travailleurs, peinent à manger", renchérit Alain Fogué, également politologue et enseignant d'université.
"Les Camerounais sont fatigués d'un régime qui est incapable d'apporter des solutions à leurs problèmes depuis 30 ans", estime-t-il.
Arrivé au pouvoir en 1982, M. Biya est le deuxième président du Cameroun depuis son indépendance en 1960. Il a été réélu en 2004, au terme d'une élection contestée.
L'opposition qui critique son bilan à la tête du pays, estime qu'il doit démissionner mais elle lui prête l'intention de vouloir rester au pouvoir.
M. Biya reste muet sur ses intentions. Aucune date n'a encore été fixée pour la présidentielle. Il a la possibilité de se représenter depuis que la limitation du nombre de mandats présidentiels a été supprimée en 2008 par le Parlement, dominé par son parti.
La révolte de la jeunesse en février 2008 était justement dirigée contre ce projet de suppression de limitation des mandats présidentiels et contre la cherté de la vie.
L'opposition a annoncé vendredi une "semaine des martyrs" à Douala en mémoire des personnes tuées lors de ces émeutes avec un "grand meeting" mercredi dans cette ville du sud de quelque 2,6 millions d'habitants.
"Notre semaine des martyrs et toutes ses manifestations sont pacifiques", avait précisé à la presse Jean Michel Nintcheu, député et responsable à Douala du Social Democratic Front (SDF), principal parti d'opposition, à l'origine de l'initiative avec d'autres partis politiques et des ONG.
L'ambassade de Suisse a demandé à ses ressortissants de "limiter leurs déplacements" mercredi. D'autres chancelleries ont envoyé des messages exhortant à la prudence.
Le risque que le malaise social dégénère, va "dépendre de l'habileté politique du pouvoir en place", souligne M. Nguini Owona.
"Si le pouvoir se montre non seulement frileux mais aussi maladroit (utilisation de mesures coercitives), c'est possible qu'il favorise plutôt l'embrasement", estime-t-il.

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