dimanche 10 mars 2013

Mali - Sarkozy: "Que fait-on au Mali, à part soutenir des putschistes?"

(La Libre 09/03/2013) Jamais auparavant, dans les annales de la Ve République, un président en exercice et son prédécesseur à l’Elysée n’avaient ainsi, et aussi violemment, étalé en public leur désaccord, à propos d’une intervention de l’armée française en cours dans un pays étranger. C’est pourtant ce qui s’est produit en France, jeudi soir. Quand François Hollande a sèchement répliqué à Nicolas Sarkozy. Qui venait lui-même d’éreinter la décision prise par son successeur, le 11 janvier, d’envoyer l’armée au Mali.
Une "règle", enfreinte ?
"Que fait-on là-bas ?" , s’est interrogé Nicolas Sarkozy, mercredi. Dans des propos que lui a attribués le magazine "Valeurs actuelles" - que l’intéressé n’a jamais démentis. "Que fait-on là-bas, sinon soutenir des putschistes, et tenter de contrôler un territoire trois fois grand comme la France, avec quatre mille hommes ?" Et de fustiger la violation de ce qui serait "une règle" : "On ne va jamais dans un pays qui n’a pas de gouvernement."
Cette charge a indigné la gauche. Le n°1 du PS, Harlem Désir, a qualifié les propos de "déplacés" et d’"irresponsables". Nicolas Sarkozy parle "à tort et à travers", a maugréé le ministre Michel Sapin, proche de François Hollande. A la Défense, on n’a pas été loin d’accuser l’ex-président de déloyauté envers les soldats au front. Et on a renvoyé l’accusateur à "ses contradictions" : en 2011, quand la France était intervenue en Libye, elle ne reconnaissait plus les autorités kadhafistes.
Un gros malaise, à droite
A droite, l’attaque sarkozyste semble avoir suscité un gros malaise. Il faut dire que les propos dont question ont été publiés le jour même où a été annoncée la mort du quatrième soldat français tué au Mali. En outre, cela faisait un petit temps que l’UMP avait mis en sourdine ses réserves initiales sur l’opération Serval.
Ce parti a donc fait le mort. Aucun de ses dirigeants ne s’est étendu sur ce volet-là de l’intervention de l’ex-président. Ce que, en revanche, n’ont pas manqué de faire certains éditorialistes y compris de médias pourtant tout sauf antisarkozystes. Les radios Europe 1 et RMC, par exemple, ou les hebdos "Le Point" et "Le Journal du dimanche", ont jugé le propos "étrange". " Extrêmement inopportun" , même. Y ont vu "le premier impair" de Nicolas Sarkozy depuis son départ de l’Elysée.
L’intéressé a-t-il senti qu’il devait se corriger ? Dès jeudi, ont commencé à circuler des échos le présentant comme "abasourdi" par certains propos mis dans sa bouche, et ayant le sentiment d’avoir été "piégé".
Une réplique, cinglante
Ce qui n’a pas dissuadé François Hollande de contre-attaquer, jeudi soir. Dans un discours sur le 8 mars, Journée des femmes, il a glissé : "Si certains s’interrogent pourquoi la France est au Mali, c’est qu’il y avait des femmes victimes de l’oppression et de la barbarie ! Des femmes à qui l’on mettait le voile ! Qui n’osaient plus sortir de chez elles ! Qui étaient battues !"
Le choix d’un tel angle de riposte ne doit rien au hasard, et doublement. D’abord, cela renvoie à un passage mémorable de ce qui avait été le premier discours du Président élu Sarkozy, le 6 mai 2007 : "Je veux dire à toutes les femmes martyrisées dans le monde que la France n’abandonnera pas les femmes qu’on condamne à la burqa, qui n’ont pas la liberté !"
Un double tollé, jadis
Cela renvoie, ensuite, à deux controverses que l’intéressé avait peiné à gérer. En 2010, quand, vu le tollé, il avait dû revenir sur la mesure d’expulsion ayant frappé une lycéenne marocaine, sans-papiers. Qui avait été arrêtée par les policiers, chez qui elle était venue porter plainte contre son frère qui la battait. Puis avait été renvoyée au Maroc, pays qu’elle avait pourtant fui pour échapper à un mariage forcé.
En 2006, déjà, le ministre Sarkozy avait dû désavouer l’expulsion d’une autre femme sans-papiers. Qui avait été renvoyée dans son pays d’origine, où, pourtant, mariée très jeune, elle avait été victime de violences conjugales l’ayant laissée lourdement handicapée. Ce pays, c’était le Mali.

Bernard Delattre

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