(Le Figaro 05/12/2012)
L'ex-commandant de la force Licorne en Côte d'Ivoire a réfuté les accusations du colonel Burgaud, mardi devant la cour d'assises de Paris.
«Je n'avais aucun intérêt à la mort de Firmin Mahé, au contraire, et je n'ai jamais donné d'ordre explicite ou implicite en ce sens.» Le général Henri Poncet, ancien commandant de la force Licorne en Côte d'Ivoire, est resté droit dans ses bottes, mardi devant la cour d'assises de Paris.
Son témoignage était très attendu après l'accusation portée contre lui par le colonel Éric Burgaud, un ex-chef de corps jugé avec trois autres militaires français pour le meurtre d'un civil, en mai 2005, qu'ils considéraient comme un dangereux «coupeur de route» terrorisant la population. «J'assume d'avoir donné l'ordre illégal de tuer cet homme», reconnaissait le colonel à l'ouverture des débats, jeudi. «Je n'ai pas eu le courage de m'opposer au général Poncet, ajoutait-il, martelant que celui-ci lui avait demandé que le véhicule transportant Mahé «roule doucement». Selon sa version, son supérieur avait conclu sa phrase par un «Vous me comprenez…» lourd de sens.
Le général Poncet a rejeté toute la responsabilité de leurs actes sur le colonel Burgaud et ses hommes. «Ils ont sans doute souffert d'un décrochage du sens moral, lié peut-être à une trop grande empathie avec la population, et ne sont pas rendus compte qu'ils franchissaient la ligne rouge, a-t-il estimé. Cela découle d'une incapacité à affronter l'horreur des exactions, cela ne s'apprend pas dans les écoles, c'est le vécu qui permet d'encaisser ces choses et de prendre ses distances.»
«J'assume, pas lui!»
La remarque a ulcéré le colonel Burgaud: «Je pensais que j'étais commandé par un chef, pas par un psychiatre! Je réaffirme qu'il m'a bien donné l'ordre de tuer. J'assume, pas lui!» Tandis qu'il risque trente ans de réclusion, le général Poncet a pour sa part déjà bénéficié d'un non-lieu, écopant d'un simple blâme pour ne pas avoir dénoncé les faits. «J'ai décidé de couvrir l'affaire pour ne pas ajouter de la crise à la crise», a-t-il déclaré mardi.
Selon lui, lors de son «seul contact téléphonique» ce jour-là avec le colonel Burgaud, deux heures avant le décès de Mahé, celui-ci lui aurait présenté une version des faits fallacieuse: «Il m'a dit que Mahé avait été arrêté grâce à l'un de ses hommes qu'il avait eu la bonne idée de laisser en observation près de l'endroit où le coupeur de route avait échappé à une interpellation le matin même. Mahé a tiré, le militaire a riposté et l'a blessé. J'ai appris au cours de l'instruction que ça ne s'était pas du tout passé comme ça…»
Le général Poncet a certifié que son seul ordre avait été de remonter le blessé vers le PC de Man en s'arrêtant préalablement au poste de Bangolo pour lui prodiguer les premiers soins. «Avoir ce prisonnier m'intéressait pour des raisons tactiques», a-t-il expliqué. Selon lui, Mahé aurait pu notamment lui permette de faire avancer les discussions avec l'ONU pour obtenir un cadre juridique et des moyens adaptés à la lutte contre le banditisme dans la «zone de confiance» où opérait la force Licorne. D'ordinaire, à défaut de savoir quoi en faire et à qui les confier, les «coupeurs de route» comme Mahé étaient en effet rapidement relâchés. D'ordinaire.
Par Philippe Romain 1
© Copyright Le Figaro
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire