«La mort du général Nshimirimana est un crime d’Etat commis par des membres de l’armée qui savait parfaitement le lieu où l’officier avait passé la nuit et l’itinéraire qu’il devait emprunter dimanche matin», confie une Franco-Burundaise qui a requis l’anonymat. Et d’ajouter : «La décision de Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat a provoqué une dissidence qui est de moins en moins latente au sein de l’armée. Tous les officiers mécontents n’ont pas encore dit leur dernier mot. Or Adolphe Nshimirimana a joué un rôle de premier plan pour écraser la tentative de coup d’Etat menée par le général Godefroid Niyombaré et compagnie».
Les médias internationaux le présentaient comme l’homme qui avait «coordonné» la contre-attaque des forces loyalistes face aux putschistes conduits par le général Godefroid Niyombaré. Il s’agit du très redouté général Adolphe Nshimirimana. Bras droit du très controversé Pierre Nkurunziza, cet officier, issu de la rébellion hutue du CNDD-FDD, a été abattu dimanche 2 août, à Bujumbura, comme un vulgaire malfrat. Ses trois gardes du corps ont également péri. Le véhicule officiel qui transportait ce beau monde a été touché par deux roquettes avant d’être arrosée des balles à l’arme automatique. Une méthode digne de la maffia : la cible ne doit en aucun cas se sauver. Questions : qui a commandé cet assassinat ? Pourquoi ?
C’est par un banal message sur son compte "Twitter" que le très influent directeur de la communication à la Présidence burundaise, Willy Nyamitwe, a confirmé au reste du monde l’attentat ayant coûté la vie à celui que ses compatriotes appelaient tout simplement le «général Adolphe» : « j’ai perdu un frère, un compagnon de lutte, la triste réalité c’est que le général Adolphe Nshimirimana n’est plus de ce monde». Quelle froideur !
Dans un message diffusé dans l’après-midi, Pierre Nkurunziza lui a lancé un «appel au calme» à ses partisans en général et plus particulièrement aux habitants du quartier Kamengue. Hormis les condoléances présentées aux familles des victimes, force est de constater, ici aussi, l’absence de l’émotion que peut susciter un tel événement.
Selon plusieurs témoins, le véhicule qui transportait cet officier étiqueté comme "un des durs de durs " a été touché par deux roquettes près de l’hôpital Roi-Khaled. Cet établissement hospitalier est situé à quelques encablures du quartier pro-Nkurunziza de Kamengue. L’endroit choisi par les assaillants est un coin plutôt sécurisant pour les « Nkurunzistes ».
Par ailleurs, l’opposition burundaise est loin d’avoir atteint un niveau de "sophistication" au point de détenir et de manipuler des lance-roquettes. D’où les soupçons selon lesquels, le défunt général a été victime d’une attaque menée en toute connaissance de cause par ses "frères d’armes". Plusieurs arrestations ont déjà eu lieu.
Venu sur le lieu pour faire son travail consistant à recueillir des faits et des opinions pour les rapporter au grand public - au nom du droit de celui-ci de connaître la vérité -, le correspondant de RFI à Bujumbura, Esdras Ndikumana, a été arrêté et passé à tabac par des agents de renseignements. Ce confrère était depuis belle lurette dans le «viseur» des sicaires de ce pouvoir illégitime.
A en croire ces sources, Nshimirimana aurait confié à quelques proches que «Nkuruzinza lui doit tout y compris son retour au pouvoir». Il espérait «être rétribué en conséquence». Réduit au rang de conseiller à la Présidence, le général Adolphe escomptait-il une réhabilitation à son poste de patron des «services secrets» où il aurait brillé par des graves violations des droits humains durant une décennie ?
Un observateur du microcosme politique burundais de donner sa lecture : «Connu comme un individu particulièrement imbu de sa personne, Nkuruzinza n’a jamais digéré l’idée d’être débiteur d’une dette morale ou matérielle à quiconque, à fortiori à un subordonné fut-il général dans l’armée. Le président Nkurunzinza a déduit, à travers les états d’âme de son bras droit, qu’il y avait désormais un caïman de trop dans le marigot burundais…».
Pour cet observateur, si cette dernière thèse se confirmait, les autres «faucons» du régime ayant affronté les putschistes du 15 mai tant au plan militaire que médiatique ont des soucis à se faire. Ils passent dorénavant pour des «témoins gênants» aux yeux du «très égocentrique Nkurunziza». «Ces personnalités, conclut-il, devraient se poser une question cruciale : après le général Adolphe Nshimirimana, à qui le tour ?» L’avenir le dira.
En attendant, l’heure est à faire une comptabilité pour le moins macabre. Adolphe Nshimirimana est la troisième victime «célèbre» de la crise burundaise.
Le 23 mai dernier, l’opposant Zedi Feruzi, de confession musulmane, a été abattu avec son garde du corps par des «inconnus». Les faits se sont déroulés devant le domicile du politicien dans le quartier anti-Nkurunziza de Ngagara. Lors des obsèques, la foule criait: « On est fatigué », « Non au troisième mandat de Nkurunziza », « Ceux qui ont tué Zedi Feruzi le paieront tôt ou tard ».
Le 17 juin, Léonidas Ndikumagenge, élu du parti au pouvoir dans la ville de Matana, a été tué par des « hommes armés ». Ceux-ci ont fait irruption dans un bar dont le défunt était propriétaire. «Une enquête est en cours pour identifier les criminels», entend-on dire depuis bientôt deux mois.
D’aucuns prêtent au général Adolphe Nshimirimana plusieurs cas d’exécutions extrajudiciaires. Les mêmes lui attribuent, à tort ou à raison, ces mots qui prennent en ce dimanche 2 août 2015 un relief prémonitoire : « Ceux qui sont contre un troisième mandat pour Pierre Nkurunziza devraient d’abord passer sur mon corps… ».
[Baudouin Amba Wetshi]
Les médias internationaux le présentaient comme l’homme qui avait «coordonné» la contre-attaque des forces loyalistes face aux putschistes conduits par le général Godefroid Niyombaré. Il s’agit du très redouté général Adolphe Nshimirimana. Bras droit du très controversé Pierre Nkurunziza, cet officier, issu de la rébellion hutue du CNDD-FDD, a été abattu dimanche 2 août, à Bujumbura, comme un vulgaire malfrat. Ses trois gardes du corps ont également péri. Le véhicule officiel qui transportait ce beau monde a été touché par deux roquettes avant d’être arrosée des balles à l’arme automatique. Une méthode digne de la maffia : la cible ne doit en aucun cas se sauver. Questions : qui a commandé cet assassinat ? Pourquoi ?
C’est par un banal message sur son compte "Twitter" que le très influent directeur de la communication à la Présidence burundaise, Willy Nyamitwe, a confirmé au reste du monde l’attentat ayant coûté la vie à celui que ses compatriotes appelaient tout simplement le «général Adolphe» : « j’ai perdu un frère, un compagnon de lutte, la triste réalité c’est que le général Adolphe Nshimirimana n’est plus de ce monde». Quelle froideur !
Dans un message diffusé dans l’après-midi, Pierre Nkurunziza lui a lancé un «appel au calme» à ses partisans en général et plus particulièrement aux habitants du quartier Kamengue. Hormis les condoléances présentées aux familles des victimes, force est de constater, ici aussi, l’absence de l’émotion que peut susciter un tel événement.
Selon plusieurs témoins, le véhicule qui transportait cet officier étiqueté comme "un des durs de durs " a été touché par deux roquettes près de l’hôpital Roi-Khaled. Cet établissement hospitalier est situé à quelques encablures du quartier pro-Nkurunziza de Kamengue. L’endroit choisi par les assaillants est un coin plutôt sécurisant pour les « Nkurunzistes ».
Par ailleurs, l’opposition burundaise est loin d’avoir atteint un niveau de "sophistication" au point de détenir et de manipuler des lance-roquettes. D’où les soupçons selon lesquels, le défunt général a été victime d’une attaque menée en toute connaissance de cause par ses "frères d’armes". Plusieurs arrestations ont déjà eu lieu.
Venu sur le lieu pour faire son travail consistant à recueillir des faits et des opinions pour les rapporter au grand public - au nom du droit de celui-ci de connaître la vérité -, le correspondant de RFI à Bujumbura, Esdras Ndikumana, a été arrêté et passé à tabac par des agents de renseignements. Ce confrère était depuis belle lurette dans le «viseur» des sicaires de ce pouvoir illégitime.
Qui a tué le « général Adolphe » ?
Selon des sources burundaises, le "général Adolphe" avait la réputation d’un «homme à femmes». Il entretenait, semble-t-il, plusieurs maitresses dans la capitale burundaise. Propriétaire d’un «bar-restaurant» dénommé «Iwabo W’abantu» dans le quartier Kamengue, Nshimirimana avait transformé ce cadre en lieu de rencontre des épaules galonnées. Les hauts gradés de l’armée avaient l’habitude de fréquenter ce lieu pour partager un verre et grignoter quelques brochettes de boeuf. «La mort du général Nshimirimana est un crime d’Etat commis par des membres de l’armée qui savait parfaitement le lieu où l’officier avait passé la nuit et l’itinéraire qu’il devait emprunter dimanche matin», confie une Franco-Burundaise qui a requis l’anonymat. Et d’ajouter : «La décision de Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat a provoqué une dissidence qui est de moins en moins latente au sein de l’armée. Tous les officiers mécontents n’ont pas encore dit leur dernier mot. Or Adolphe Nshimirimana a joué un rôle de premier plan pour écraser la tentative de coup d’Etat menée par le général Godefroid Niyombaré et compagnie».Et si Nkurunziza était le « commanditaire » de l’élimination du « général Adolphe » ?
Hypothèse à première vue rocambolesque, elle mérite néanmoins d’être scrutée. Selon certaines sources, au-delà des apparences, Pierre Nkurunziza pourrait bien être le «commanditaire» de l’assassinat, mieux l’exécution, de son bras droit, celui-là même qui a sauvé son pouvoir du «naufrage».A en croire ces sources, Nshimirimana aurait confié à quelques proches que «Nkuruzinza lui doit tout y compris son retour au pouvoir». Il espérait «être rétribué en conséquence». Réduit au rang de conseiller à la Présidence, le général Adolphe escomptait-il une réhabilitation à son poste de patron des «services secrets» où il aurait brillé par des graves violations des droits humains durant une décennie ?
Un observateur du microcosme politique burundais de donner sa lecture : «Connu comme un individu particulièrement imbu de sa personne, Nkuruzinza n’a jamais digéré l’idée d’être débiteur d’une dette morale ou matérielle à quiconque, à fortiori à un subordonné fut-il général dans l’armée. Le président Nkurunzinza a déduit, à travers les états d’âme de son bras droit, qu’il y avait désormais un caïman de trop dans le marigot burundais…».
Pour cet observateur, si cette dernière thèse se confirmait, les autres «faucons» du régime ayant affronté les putschistes du 15 mai tant au plan militaire que médiatique ont des soucis à se faire. Ils passent dorénavant pour des «témoins gênants» aux yeux du «très égocentrique Nkurunziza». «Ces personnalités, conclut-il, devraient se poser une question cruciale : après le général Adolphe Nshimirimana, à qui le tour ?» L’avenir le dira.
En attendant, l’heure est à faire une comptabilité pour le moins macabre. Adolphe Nshimirimana est la troisième victime «célèbre» de la crise burundaise.
Le 23 mai dernier, l’opposant Zedi Feruzi, de confession musulmane, a été abattu avec son garde du corps par des «inconnus». Les faits se sont déroulés devant le domicile du politicien dans le quartier anti-Nkurunziza de Ngagara. Lors des obsèques, la foule criait: « On est fatigué », « Non au troisième mandat de Nkurunziza », « Ceux qui ont tué Zedi Feruzi le paieront tôt ou tard ».
Le 17 juin, Léonidas Ndikumagenge, élu du parti au pouvoir dans la ville de Matana, a été tué par des « hommes armés ». Ceux-ci ont fait irruption dans un bar dont le défunt était propriétaire. «Une enquête est en cours pour identifier les criminels», entend-on dire depuis bientôt deux mois.
D’aucuns prêtent au général Adolphe Nshimirimana plusieurs cas d’exécutions extrajudiciaires. Les mêmes lui attribuent, à tort ou à raison, ces mots qui prennent en ce dimanche 2 août 2015 un relief prémonitoire : « Ceux qui sont contre un troisième mandat pour Pierre Nkurunziza devraient d’abord passer sur mon corps… ».
[Baudouin Amba Wetshi]
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