Au Bénin, les fonctionnaires corrompus ont un tel sentiment d’impunité qu’ils laissent sur leur bureau les preuves de leurs crimes. C’est l’une des conclusions du rapport très attendu du cabinet Kroll, et dont la révélation, vendredi 24 juillet a créé une onde de choc à Cotonou.
Cette étude met en lumière un vaste réseau de fraude au sein de l’administration béninoise et accable une dizaine de hauts responsables du ministère de l’énergie et de l’eau dont le ministre Barthélémy Kassa, coupables d’actes de prévarication, en connivence avec deux opérateurs économiques : Rémy Codo et Rock Sarè Niéri.
Ces derniers ont bénéficié de marchés de travaux fictifs sans objet réel qui leur ont permis de détourner 2,6 milliards de francs CFA (3 millions d’euros) de l’aide publique néerlandaise au développement.
L’aide était allouée au profit de la deuxième phase du Programme pluriannuel d’appui au secteur Eau et Assainissement (PPEA II) d’un montant global de 66 millions d’euros.
Bien que le rapport n’ait pas pu identifier des preuves de flux financiers vers l’ancien ministre de l’énergie et de l’eau, il en ressort que le ministre Barthélemy Kassa était bel au bien au courant du système de fraude au sein de son ministère. « Il aurait pu donner l’alarme » relève Michel Dognon, l’auditeur général.
Plus de 10 millions d’euros détournés en 2014
Outre les 3 millions d’euros, les investigations du cabinet Kroll au niveau du trésor public béninois révèlent le détournement de 7,5 autres millions d’euros (5 milliards de francs CFA) par ces mêmes opérateurs économiques via d’autres marchés illégalement attribués dans d’autres ministères. Ce qui ramène la valeur des montants détournés par ces opérateurs économiques à plus de 10 millions d’euros en 2014.
Ces différentes révélations qui donnent le tournis, illustrent un échec patent du président de la République Thomas Boni Yayi, qui avait pourtant fait de la lutte contre la corruption, son cheval de bataille.
Des mesures administratives et judiciaires
Les Pays-Bas, à travers un communiqué de presse daté du 25 juillet, ont salué la qualité du rapport. La ministre néerlandaise du commerce extérieur et de la coopération au développement, Liliane Ploumen, s’est dite« préoccupée par la gravité des révélations ».
Les Pays-Bas exigent que le gouvernement prenne des mesures administratives et judiciaires sans exclure de porter le dossier « devant la Haute Cour de Justice », l’institution judiciaire chargée de juger les hautes personnalités au sommet de l’Etat. Autant dire que le Royaume néerlandais tient à ce que soit entendu l’ancien ministre de l’énergie et de l’eau, récemment élu député sur la liste du parti au pouvoir lors des législatives. Mais il faudra lever l’immunité parlementaire dont il jouit.
La bonne foi politique de Boni Yayi mise à l’épreuve
Jos Aggelen, l’ambassadeur des Pays-Bas, a rendu visite, le 25 juillet au président de l’Assemblée Nationale, Adrien Houngbédji pour discuter de l’affaire.
Au Bénin, les Pays-Bas veulent être à l’avant-garde du combat contre l’impunité. La France, partenaire privilégié et historique du Bénin suit de près cette actualité. Contactée par Le Monde Afrique, l’ambassade de France n’a pas souhaité faire de commentaires sur l’ampleur des révélations de l’audit.
Barthélemy Kassa était l’un des piliers du régime Boni Yayi jusqu’à l’éclaboussement de l’affaire, le 6 mai dernier. Thomas Boni Yayi va-t-il lâcher l’un de ses principaux fidèles pour permettre d’élucider l’affaire et prouver sa bonne foi politique ? Les regards sont désormais tournés vers l’assemblée nationale où siègent 33 députés des Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE), le parti au pouvoir.
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