lundi 20 février 2012

L'escalade violente de Wade

(Guineeconakry.info 20/02/2012)
Beaucoup d’analystes avaient prédit que le processus électoral sénégalais de cette année, contrairement aux précédents, ne se déroulerait pas comme un fleuve tranquille. Loin d’être de simples catastrophistes, on est aujourd’hui en droit de reconnaître qu’ils n’avaient nullement tort. Au regard de la tension politique qui prévaut actuellement dans le pays de la Téranga, on ne peut pas dire que c’est la sérénité. Tout se passe comme si les opposants à la candidature d’Abdoulaye Wade jouent des prolongations. En effet, après le succès très relatif des premières manifestations convoquées par le M23, après le début de la campagne électorale, beaucoup pariaient sur l’essoufflement et l’échec de la fronde anti-Wade. Manifestement, c’était vite aller en besogne. En tout cas, à mesure que l’on s’achemine vers la date de l’élection, à défaut de puissantes mobilisations, ce sont la fermeté et la détermination du M23 qui se renforcent...
On ne peut certes pas dire que les appels à manifester que le mouvement d’opposition à la candidature d’Abdoulaye Wade ait rencontré le franc succès qu’on en attendait.
Dans le meilleur des cas, on aura compté que quelques centaines de manifestants. Néanmoins, cette poignée de Sénégalais prête à tout pour empêcher que le président sénégalais ne brigue un nouveau mandat aura fait montre d’audace et d’outrecuidance. Ne se décourageant jamais et résolus à se battre jusqu’au bout, ces quelques Sénégalais au nombre une majorité de jeunes permettent de redonner de l’espoir à l’ensemble du M23. Parce qu’il faut bien dire qu’à un moment donné, on avait senti tout à la fois de la lassitude et de la résignation chez certains opposants sénégalais. En sorte que la décision qu’une dizaine d’entre eux avait prise de mener ensemble une campagne électorale contre le président sénégalais aura fait long feu.
Mais la semaine passée, en décidant de braver certains interdits que les autorités sénégalaises avaient érigés face à leur désir de manifester leur ras-le-bol, le groupe "Y’en a marre" et d’autres jeunes de la même trempe, avaient réussi à ramener la candidature d’Abdoulaye au devant de la campagne. Surtout que les forces de l’ordre, dans leur intervention, ne sont pas toujours allées de main morte. Ainsi, la frustration et la tension sont montées d’un cran. Et les choses sont aujourd’hui si délicates qu’une des puissantes confréries islamiques du pays, en l’occurrence celle des Tidjanes, aurait été affectée par le jet de gaz de lacrymogènes que se sont autorisés certains membres des forces de sécurité. On déplore également de nombreux blessés.
Et au point où en sont les choses, si le pouvoir sénégalais ne fait pas attention, cette grande tension politique risque bien de lui coûter des points à l’élection. Parce que de plus en plus de Sénégalais associent à Abdoulaye Wade cette escalade de violence qui ternit l’image de leur pays, les dépouille de leurs biens, et même entrainent la mort de certains d’entre eux.
Cette énorme frustration qui s’accumule depuis quelques jours et dont l’écho inonde l’ensemble du pays pourrait se révéler un facteur déterminant dans le choix ultime de l’électeur, dans l’isoloir. Et si cela se produisait, ce sera que l’opposition sénégalaise aura remporté dans les urnes une bataille qu’elle n’aura pas remporté sur le terrain, par le biais des appels à la mobilisation. Mais si cela arrivait, on se souviendra moins de la manière pour ne garder le résultat en soi.

Boubacar Sanso Barry pour GuineeConakry.info
Adja Ndiaye ( Leral.net )

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