(Rue 89 15/06/2010)
(De Gaborone) Au Botswana, il en est des produits culturels comme des biens de consommation : la plupart d'entre eux sont importés du puissant voisin, l'Afrique du Sud.
Dans le centre-ville de Gaborone, les étalages des disquaires de rue sont remplis de CD d'artistes sud-africains comme Malaika ou des stars américaines de la chanson. Il ne reste que peu de place pour les auteurs botswanais.
Pour les livres et le cinéma, c'est la même chose.
Les principaux acteurs du marché estiment que, tous secteurs confondus (livre, disque, cinéma, art, etc.), près de 80% de la production et des ventes sont étrangères :
•sur ce qui est importé, l'Afrique du Sud pèse pour une bonne moitié,
•le reste vient principalement des États-Unis et des autres pays anglo-saxons.
Ces chiffres sont à prendre avec des pincettes puisqu'il nous a été impossible d'avoir des informations précises dans ce domaine -que ce soit du côté du ministère de la Jeunesse, du Sport et de la Culture, ou du côté des producteurs.
A Gaborone, trois cinémas pour 185 000 habitants
Le Botswana, avec ses 1,8 million d'habitants, est un tout petit marché culturel. Et il peine à émerger face à son puissant voisin sud-africain.
Par exemple, l'industrie musicale botswanaise, sans doute l'industrie culturelle la plus développée du pays, n'écoule que quelques dizaines de milliers de disques chaque année.
À Gaborone, la capitale, il n'y a que trois cinémas pour 185 000 habitants. Et il n'existe qu'une seule chaîne de télévision : Botswana TV, qui est publique. Ce qui limite d'autant la production de fictions locales.
Cette situation s'explique en grande partie par l'histoire du pays. Le Botswana est passé, en à peine quarante ans, d'un pays rural composé majoritairement d'éleveurs, à l'un des pays les plus développés d'Afrique.
C'est donc un pays « jeune » pour qui la culture n'était pas une priorité, pas en tant que business. Conséquence : les studios d'enregistrement et les salles de concerts ne sont arrivés qu'assez tardivement.
Si l'industrie culturelle du pays est encore balbutiante, ça ne signifie pas pour autant que la culture n'est pas présente.
La plupart des artistes ne vivent pas de leurs ventes de disques mais de leurs concerts, de leurs passages en boîte de nuit ou, plus surprenant, en tant qu'animateur radio.
Au Botswana, beaucoup de choses se passent dans la rue ou sur des scènes improvisées. Les jeunes, par exemple, se retrouvent régulièrement sur les parkings, sortent la glacière de bières et dansent pendant des heures, la sono de la voiture à fond.
Depuis quelques années, on assiste à un certain renouveau de la culture botswanaise. Quelques artistes commencent même à traverser les frontières.
Les tournées des groupes de musique et de danse traditionnelles marchent toujours très bien. Et des artistes nouveaux, issus de la culture urbaine (house, hip-hop) émergent. Comme Vee, le chanteur le plus connu au Botswana, qui vend près de 10 000 disques par an dans le pays et qui est en train de se faire un nom à l'étranger.
Une série de romans policiers qui se déroulent à Gaborone, capitale du Botswana, « The N°1 Lady's Detective Agency », écrits par Alexander McCall Smith qui a vécu pendant des années au pays, s'est même très bien exportée.
Le DJ sud-africain le plus connu est originaire du Botswana
Les cultures du Botswana et de l'Afrique du Sud ne sont d'ailleurs pas imperméables l'une à l'autre. Il ne faut pas oublier que les Tswanas, l'ethnie majoritaire vivant au Botswana, sont trois fois plus nombreux en Afrique du Sud qu'au Botswana. Signe de ces liens culturels, l'un des plus gros DJ sud-africain, DJ Fresh, est originaire du Botswana.
Désormais, le risque pour la culture botswanaise de se voir absorber ne vient plus de l'autre côté de la frontière mais d'Outre-Atlantique. Les 15-25 ans, nourris aux séries TV et aux clips de MTV, s'américanisent à grande vitesse. Au risque d'oublier leur propre culture et leurs artistes.
Avec Steven Jambot
Par Jean-Louis Dell’Oro Journaliste
15/06/2010 10H35 © Copyright Rue 89
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