samedi 26 juin 2010

Kagame perd son sang-froid face à ses opposants

(Liberation 25/06/2010)
Le général rwandais Faustin Kayumba Nyamwasa, qui a échappé samedi à une attaque armée en Afrique du Sud, pourrait être extradé vers Kigali. Une demande a été faite en ce sens par les autorités rwandaises et le ministère sud-africain de la Justice a indiqué hier «examiner» cette possibilité. Le fait que l’asile ait été accordé en février à Kayumba, ancien proche et ex-chef d’état-major de Paul Kagame, l’actuel président rwandais, pourrait cependant empêcher l’extradition.
L’attaque contre Kayumba, devant sa résidence de Johannesburg, a été le fait de six hommes parlant le swahili qui ont par la suite été arrêtés. L’agression a été qualifiée de «tentative d’assassinat» par son principal témoin, Rosette Kayumba, la femme du général, qui a déclaré par ailleurs que «Kagame a dit au Parlement qu’il tuerait son mari».
Kayumba, qui s’en est tiré avec une balle dans l’estomac, est accusé par le chef de l’Etat rwandais de vouloir «déstabiliser le pays». Avec ce dernier, il avait été l’un des fondateurs du Front patriotique rwandais (FPR), rébellion tutsie d’abord basée en Ouganda, qui avait ensuite pris le pouvoir à Kigali après le génocide de 1994. Aujourd’hui, Kagame accuse Kayumba d’être impliqué dans les attaques à la grenade commises en février dans la capitale. Irrité par ces accusations, Kayumba, chef des renseignements de 2002 à 2004, s’en est pris au chef de l’Etat rwandais. Il l’a accusé de corruption avec force détails, le 30 mai, dans le Monitor, un journal ougandais.
Signe de nervosité grandissante au Rwanda, où le Président vise une réélection, lors du scrutin du 9 août, les arrestations se sont multipliées ces dernières semaines. Deux généraux, Emmanuel Karenzi Karake et Charles Muhire, ont été suspendus et arrêtés le 20 avril, l’un pour corruption, l’autre pour «conduite immorale». Un jour plus tard, c’était au tour de l’opposante Victoire Ingabire, 42 ans, candidate à la présidentielle, d’être arrêtée pour «collaboration avec une organisation terroriste» et «négation du génocide». Son avocat américain, Peter Erlinder, a été arrêté le 28 mai puis relâché le 19 juin.
Un troisième général, Jean Bosco Kazura, président de la Fédération rwandaise de football, a été cueilli le 10 juin à son retour d’Afrique du Sud, où il n’aurait pas eu «l’autorisation» de se rendre. Beaucoup s’interrogent sur les craintes du pouvoir de Kigali, au sujet d’une éventuelle rencontre à Johannesburg entre Kazura, Kayumba et un autre dissident du FPR, le colonel Patrick Karegeya, ex-chef des renseignements extérieurs, qui a fui le pays en 2007 alors qu’il était assigné à résidence. Les deux hommes ont en commun d’en savoir trop long sur Paul Kagame.

Par SABINE CESSOU
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