(Les Afriques 16/02/2010)
Chacun ayant démontré à l’autre sa capacité de nuisance, c’est désormais l’équilibre de la terreur entre Deby et Bechir.
Une branche d’olivier ! Une colombe ! Le président tchadien Idriss Deby Itno n’a pas fait dans l’originalité pour un voyage historique au Soudan voisin. L’ancien commandant en chef des Forces armées du nord de Hissein Habré, ci-devant général de corps d’armée, est devenu colombe tendant une branche d’olivier à son ennemi juré soudanais Omar el-Béchir.
Annonce-t-il la fin du déluge à Noé en son arche ? L’arche, Noé presque Zoé, le souvenir ne doit pas être pourtant agréable. Mais il est vrai que dans l’islam qui unit les deux protagonistes, Mahomet recommande selon unehadith, le récit de ses compagnons, « Consommez de l’huile (d’olive) et frottez-vous en le visage, car elle provient d’un arbre béni ».
Le premier signe de rupture significatif est que les deux pays n’ont eu, cette fois, besoin de personne. Ce sont leurs intérêts bien compris qui les ont motivés.
La fin du déluge est loin d’être acquise malgré la volonté des ex-amis de pacifier leur frontière longue de 2000 km qui sera difficile à sécuriser. Les deux pays vont affecter une force mixte de trois mille hommes à cette tâche. Ce n’est pas gagné. On se demande d’ailleurs pourquoi Deby se prive de l’appoint de la force d’interposition onusienne dont il exige le retrait. A Doha, à Tripoli, à Dakar, les deux hommes avaient déjà signé des accords. Avec inéluctablement le même résultat. A peine l’encre avait-elle séché que les engagements étaient foulés aux pieds. Celui signé le 3 mai 2009 à Doha, était ponctué dès le lendemain par des affrontements entre l’armée tchadienne et les rebelles. L’accord signé à Dakar de mars 2008 avait tenu un peu plus. Quelques mois, avant que l’opposition tchadienne ne conduise un raid qui n’échouera qu’aux portes de Ndjamena.
Rupture
Le premier signe de rupture significatif est que les deux pays n’ont eu, cette fois, besoin de personne. Ce sont leurs intérêts bien compris qui les ont motivés. Le premier séjour depuis six ans du président tchadien ponctue un processus entamé en octobre 2009 pour aboutir le 15 janvier dernier à la signature d’un accord de normalisation et d’un protocole additionnel de sécurisation des frontières.
L’accord s’est fait sur le dos des rébellions dans les deux pays. N’Djamena somme les rebelles soudanais de quitter son territoire le 21 février prochain au plus tard. Khartoum offre aux rebelles tchadiens de « se rallier à N’Djamena ou partir ».
La paix enfin, ou, à tout le moins, la fin de la belligérance. Le temps est venu d’avaler les rancœurs. Le Soudan qui a porté Deby au pouvoir en 1990 avec la complicité passive de la France, qui a refusé à Habré les renseignements qui lui auraient permis de frapper les colonnes de Deby, et qui n’a jamais avalé l’oubli de Deby. Oubliant peut être que celui-ci n’avait guerre le choix et ne pouvait, devant les exactions contre les siens au Darfour, que leur offrir gite et armes. Béchir a commencé alors à faire pour les ennemis de Deby ce qu’il lui avait fait pour lui, contre Habré. Sauvé de justesse par la France, Deby a montré qu’il pouvait en faire de même et a porté une colonne de rebelles jusqu’aux portes de Khartoum. La paix signée est donc d’abord un équilibre de la terreur. L’efficacité de l’arme de la rébellion éprouvée, il s’agit de ne plus y recourir. C’est la bombe nucléaire des pauvres. Elle ne doit plus que dissuader, ne jamais servir donc.
Motivation supplémentaire
Les préoccupations internationales constituent une motivation supplémentaire. La fameuse communauté internationale dans sa nouvelle version pour l’Afrique, la Cour pénale internationale. Avec des législatives cette année et une présidentielle en 2011, Deby ne veut pas risquer de fournir quelque grief, une répression qui tourne mal par exemple, et de conduire la CPI à s’autosaisir.
Béchir a déjà maille à partir avec elle. Ses élections générales en avril et surtout le référendum d'autodétermination du Sud en janvier 2011 suffisent à sa peine. Mais aucun des deux hommes n’a toutes les cartes en main. Les capacités des rebelles à faire le dos rond, à trouver d’autres alliances rouvriraient des plaies encore trop récentes pour ne pas nourrir la suspicion et relancer, le cas échéant, les hostilités entre les deux hommes forts, qui mettent leur sécurité propre au dessus de toute autre considération, y compris l’accord qui vient d’être signé.
CES
15-02-2010 Les Afriques
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