lundi 4 mars 2013

Mokhtar Belmokhtar, la fin du voyou du désert

(Le Figaro 04/03/2013) PORTRAIT - L'Algérien, dont le Tchad annonce la mort, avait mis en garde la «France mécréante» contre toute intervention dans le Sahel.
De l'armée rouge à l'armée fran­çaise. Mokhtar Belmokhtar, alias Khaled Aboul Abbas, a successivement combattu en Afghanistan, en Algérie puis dans le Sahel. Pour les services de renseignements occidentaux, cet Algérien est un brigand de grand chemin, un voyou islamisé partagé entre la défense de ses intérêts et un fanatisme débridé. Né en 1972, il part à l'âge de 17 ans pour l'Arabie saoudite, le pays de transit des candidats au djihad en Afghanistan, où il passe par des camps d'entraînement et participe à des combats. Touché par un éclat d'obus, il perd un œil et gagne un surnom: «le Borgne». Dans une rare interview accordée en 2007 à un forum salafiste, l'Algérien affirme avoir été captivé dès l'adolescence par le récit des exploits des moudjahidins afghans et avoir trouvé sa vocation dans la rudesse des maquis.
Mokhtar Belmokhtar est de retour chez lui au début des années 1990. L'Algérie vient de basculer dans la guerre civile. À Ghardaïa, il crée la katiba Echahada, la «brigade du martyre». En 1993, il tue 13 policiers. C'est, d'après les comptes rendus de ses procès par contumace, son principal fait d'armes de la guerre civile. Sa katiba est proche des GIA, les Groupes islamiques armés, accusés de massacres à grande échelle à partir de 1996. Elle rejoint le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) à sa création, deux ans plus tard. L'expérience acquise par Mokhtar Belmokhtar lui permet d'accéder au statut d'émir. Il est le chef de la zone 9, le Sud algérien. Le territoire est immense. Le djihadiste a pris l'habitude d'effectuer des séjours au Mali pour se procurer des armes et des munitions provenant des stocks de l'armée de Bamako et de se livrer à la contrebande.
«Mister Marlboro»
Son rôle dans le trafic de cigarettes, une spécialité locale, lui vaut le surnom de «Mister Marlboro». On le dit présent sur le marché des clandestins subsahariens qui traversent en camion le désert dans l'espoir de rejoindre l'Europe. Belmo­khtar tisse peu à peu des liens avec des commerçants arabes de la région de Tombouctou. Il épouse une fille de notable, prend ses aises.
En 2003, il est mêlé avec le groupe d'El Para à la prise d'otages de 17 motards allemands et autrichiens en virée dans le sud du Sahara. Les touristes sont libérés contre le versement de 5 millions d'euros, selon la télévision publique allemande.
Belmokhtar s'installe alors au Mali pour développer le business des otages. Il est mêlé à l'enlèvement de deux jeunes Français à Niamey. L'affaire finit mal. Les forces spéciales interviennent contre l'un de ses commandos mais ne parviennent pas à sauver Antoine de Léocour et Vincent Delory.
Sa katiba compte de 200 à 300 combattants. Durant les neuf mois d'occupation par les islamistes du nord du Mali, il s'est rapproché du Mujao et se montre plus souvent à Gao qu'à Tombouctou, son ancien fief, dont il s'est fait éjecter par Abou Zeid, lui aussi prétendument tué. Il annonce en décembre sa rupture avec Aqmi et la formation de sa nouvelle katiba, baptisée «les Signataires par le sang». Il en profite pour mettre en garde la «France mécréante» contre toute intervention dans la région et qualifie les élites algériennes politiques, militaires, économiques et culturelles de «fils de France».
Cinq jours après le déclenchement de l'opération française au Mali, c'est le coup de tonnerre. Des terroristes attaquent le complexe gazier algérien d'In Amenas. Ils lancent, en pénétrant sur le site: «Nous sommes d'al-Qaida et notre chef est Mokhtar Belmokhtar.» L'émir apparaît tête nue et en veste kaki dans une vidéo pour célébrer son 11 Septembre, qui se solde par 38 otages tués. Quelle mouche l'a piqué? Que viennent faire ses hommes si loin des combines maliennes et de ses caravanes du Sahara? S'il est bien mort, comme l'annonce l'armée tchadienne, le renard du désert emporte avec lui ses secrets.

Par Thierry Oberlé
Journaliste Figaro

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