(Le Temps.ch 17/01/2013)
Addis-Abeba accueille depuis mercredi une conférence
appelant le continent à se saisir du problème de la mortalité des enfants de
moins de 5 ans sans dépendre entièrement d’une aide extérieure. En vingt ans,
l’Ethiopie a réduit ce taux de décès de 60%.
Les ministres n’étaient pas
aussi nombreux qu’espéré, la salle de conférence pas tout à fait remplie, mais
l’initiative a le mérite d’exister. Pour la première fois, un Etat africain,
l’Ethiopie, a invité le reste du continent à prendre ses affaires en main en
matière de réduction de la mortalité infantile. La conférence «Leadership
africain pour la survie de l’enfant – une promesse renouvelée» s’est donc
ouverte mercredi à Addis-Abeba, à l’invitation du précédent ministre éthiopien
de la Santé, désormais aux Affaires étrangères, et crédité d’une excellente
réputation internationale. L’Unicef et Usaid, le bras armé humanitaire de
Washington, collaborent à l’initiative.
«Excellent modèle»
Enième
conférence ou réelle nouveauté? Cette approche est «différente de ce qui s’est
fait dans le passé», explique Peter Salama, représentant d’Unicef en Ethiopie.
Il ne s’agit pas, cette fois-ci, d’attendre à qui sera allouée telle ou telle
récolte de fonds, mais bien de démontrer que «le leadership national est aussi
important, sinon plus, que les donations de l’étranger», selon le représentant
d’Unicef. En l’espèce, «l’Ethiopie est un excellent modèle».
De fait,
entre 1990 et 2011, le pays, gouverné par le premier ministre Meles Zenawi
jusqu’à son décès fin août dernier, a réduit de 60% le nombre de décès des
enfants de moins de 5 ans. Dans le même temps, l’ensemble des pays du monde
enregistrait une réduction de 41%, tandis que l’essentiel de cette mortalité se
concentrait dans l’Afrique subsaharienne. Avec 77 décès pour 1000 enfants,
l’Ethiopie s’éloigne de la moyenne du continent, qui culmine à 100‰. En Afrique,
près de 3,5 millions d’enfants sont ainsi décédés avant leur cinquième
anniversaire en 2011, environ 194 000 en Ethiopie. Résultat,
Addis-Abeba croit dur comme fer qu’elle atteindra l’Objectif du millénaire, fixé
par les Nations unies, qui consiste à réduire des deux tiers la mortalité
infantile d’ici à 2035.
Il faut se rendre à une cinquantaine de
kilomètres au nord-est de la capitale éthiopienne pour observer cette singulière
«approche basée sur les communautés» vantée par Peter Salama, qui ferait en
partie le succès éthiopien. Au milieu d’une vaste plaine fouettée par un vent
frais, Mandarine Girma, 25 ans, accueille dans la pénombre de son poste de
santé. L’endroit se réduit à une salle équipée d’une table d’accouchement et
d’un bidon d’eau propre, d’un frigo contenant une série de produits de premiers
soins, ainsi qu’à un bureau dont les murs sont recouverts de statistiques
précises sur la population du kebele (village). «Au début, les gens ne nous
faisaient pas confiance, ils voulaient des médicaments, pas de cours sur la
façon de prévenir les maladies», retrace l’agent de santé, aux côtés du
responsable Santé du woreda, le district. Lui aussi connaît les statistiques sur
le bout des doigts.
«Armée de femmes»
Parmi les convaincus, il y
a Aynalem Getiye, 25 ans, mère de deux enfants, à la tête d’un «foyer modèle».
En appliquant une série de consignes d’hygiène de base, la jeune femme a fait de
son tukul en terre séchée un logement propre et a fortement réduit en peu de
temps les habituelles diarrhées dont ses enfants étaient régulièrement victimes.
Elle est désormais membre d’une «armée de femmes pour le développement» qui se
rend de foyer en foyer pour convaincre des bienfaits de latrines séparées, d’une
cuisine à l’écart des détritus et de la nécessité des vaccinations. «Avant, mes
enfants étaient souvent malades, plus maintenant», dit-elle à l’ombre de sa
maison. Aynalem Getiye est l’une des 6 millions de femmes enrôlées dans ce
programme de prévention sanitaire. Et une preuve concrète des progrès sanitaires
de l’Ethiopie.
De là à se poser en meneur du continent, il n’y avait
qu’un pas, que les autorités éthiopiennes se sont réjouies de franchir.
Vendredi, dans un hôtel cossu de la capitale, le ministre éthiopien de la Santé,
Kesetebirhan Admasu, expliquait: «Nous enregistrons des résultats remarquables
[malgré le fait que] l’Ethiopie est un vaste pays avec une large population et
des infrastructures peu développées. C’est quelque chose que nous pouvons
partager avec nos frères africains.» Reste à savoir si les autres pays du
continent s’inspireront des progrès éthiopiens.
Vincent Defait
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Temps.ch
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