(Le Figaro 31/01/2013) Le retour en force des rebelles laïques du MNLA dans leur
fief historique irrite les autorités maliennes. Les troupes françaises ont
débarqué mardi pour sécuriser les lieux et favoriser des
négociations.
Les forces spéciales françaises ont débarqué mercredi, dans
la nuit noire sur l'aéroport de fortune de Kidal, à la piste mangée par le sable
porté par les tempêtes, d'ordinaire plutôt occupée par des troupeaux de chèvres
errantes que par des avions de transport de troupes ou par des hélicoptères de
combat. Kidal, capitale d'une région de 60.000 âmes, était la dernière ville du
nord du Mali occupée par des groupes djihadistes. Ceux-ci avaient quitté les
lieux dès dimanche pour céder la place aux Touaregs laïques du Mouvement pour la
libération de l'Azawad (MNLA).
Les combattants du mouvement Ansar Dine,
dirigé par Iyad Ag Ghali, un chef touareg plus opportuniste que fondamentaliste,
qui s'est rallié à al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), ont préféré plier
bagages plutôt que d'affronter l'ennemi. Le basculement du rapport de force
provoqué par l'intervention française avait entraîné une dissidence à
l'intérieur de cette organisation de Touaregs islamistes. Le Mouvement islamique
de l'Azawad, qui en est issu, (MIA) assure rejeter le terrorisme et vouloir
assurer une issue pacifique à la crise. Influencés, semble-t-il, par l'Algérie
toujours soucieuse de diviser les rébellions dans la région, certains de ses
membres avaient annoncé leur revirement à Alger fin décembre, au lendemain de la
visite dans la capitale algérienne de François Hollande.
«Les Français
ont rencontré des membres du MNLA et aussi le secrétaire général du MIA,
Algabass Ag Intalla, ainsi que des notables locaux», a affirmé à l'AFP un cadre
de l'administration locale. La présence militaire française à Kidal peut servir
à lancer des actions rapides contre les bases où sont repliés les djihadistes,
mais dans un premier temps elle est surtout destinée à sécuriser la zone. Le
dispositif français pourrait être renforcé par l'arrivée de 500 soldats venus du
Tchad et du Niger. Selon une source militaire malienne, une colonne
tchado-nigérienne serait partie mercredi matin de Menaka, 300 km plus au sud,
pour rejoindre Kidal.
L'idée est de créer une force tampon susceptible
d'éviter des affrontements entre les milices touaregs qui tiennent désormais la
ville et les soldats de l'armée malienne. Ces derniers n'étaient «même pas au
courant» de l'initiative française, «en tout cas pas au niveau de l'état-major».
«C'est très bizarre», affirme un militaire proche du commandement de l'armée
nationale, même s'il préfère attendre de mieux «comprendre la situation» avant
de «juger des intentions» des Français, auxquelles il avoue pour le moment «ne
rien comprendre». C'est peu dire, donc, que l'initiative française à Kidal n'a
pas été préparée en étroite collaboration avec l'armée malienne. Et qu'elle ne
suscite pas non plus un enthousiasme débordant.
Car l'officier de l'armée
malienne tient fermement à rappeler une chose: «Nous ne sommes pas dans une
logique de négociations avec le MNLA, en tout cas pas avant la restauration de
l'intégrité territoriale du Mali.» Et de juger que les combattants du MNLA ou
d'Ansar Dine, «c'est la même chose». Du côté de la présidence, l'un des plus
proches collaborateurs du président de transition Dioncounda Traoré affirme
également ne «pas être au courant», n'avoir «aucune information» et même «être
inquiet des réactions sur les réseaux sociaux».
Le crocodile de la
préfecture
Bamako se cabre contre une grande partie des Touaregs qui sont
jugés responsables de la descente aux enfers du pays. Mardi, les députés ont
voté à l'unanimité une feuille de route sur la transition démocratique qui se
prononce contre des négociations avec le MNLA ou tout autre mouvement
autonomiste. Il faudra pourtant trouver une solution politique. Paris a ainsi
appelé les autorités maliennes «à engager sans plus attendre des discussions
avec les représentants légitimes de la population du Nord».
La région de
Kidal, qui s'étend jusqu'à la frontière algérienne, est en effet le fief
historique des «hommes bleus», ces seigneurs du désert à l'image ternie. Kidal
est dominé par la tribu des Iforas dont Iyad Ag Ghali est un des chefs respectés
malgré ses multiples changements d'alliance. Ses habitants d'origine nomade
quittent souvent leur maison en dur pour s'installer dans le désert. Dans ce
monde aride, carrefour des contrebandiers, les populations vivent avec le
sentiment d'être abandonnées par le pouvoir central, celui des Africains noirs.
Les programmes d'aide au développement ont souvent été détournés. Les révoltes
successives qui ont secoué dans une certaine indifférence le Sahara malien ces
dernières décennies sont toujours parties de ce constat sans qu'au final un
rééquilibrage entre le Nord et le Sud intervienne.
Kidal, la «capitale
des hommes bleus», est une bourgade misérable. L'une de ses rares attractions
est un crocodile à l'âge indéterminé qui tourne en rond dans le bassin du jardin
de la préfecture. Le reptile est un souvenir légué par le dernier administrateur
français à l'occasion de son départ, pour cause d'indépendance, en 1960.
Par Thierry Oberlé
Par Service infographie du
Figaro
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Figaro
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