(Le Temps.ch 01/03/2013)
L’organisation régionale, la Cédéao, se réunissait mercredi et jeudi. Au menu, en particulier: les manoeuvres militaires au nord du Mali. Les Tchadiens, qui sont déjà présents en force, s’exaspèrent des lenteurs des pays d’Afrique de l’Ouest, lesquels réclament davantage de moyens.
Idriss Déby, le président du Tchad, n’a pas attendu pour manifester son impatience. Dès mercredi, relate RFI, à l’ouverture d’un sommet de deux jours de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) à Yamoussoukro en Côte d’Ivoire, le Tchadien a dit son «impatience». «L’heure n’est plus aux discours (…) mais plutôt à l’action», disait-il, menaçant: «L’ennemi n’attend pas.»
Le compte-rendu de Jeune Afrique ajoute: ««Nous appelons l’état-major de la Cédéao à plus de célérité en accélérant l’envoi des troupes dans la zone libérée», a déclaré [Idriss Déby]. Le président tchadien a tenu à rappeler l’armée malienne à l’ordre. «Votre place est au front, nous vous attendons dans le Nord à la lisière de la frontière de l’Algérie».»
Président en exercice – et reconduit jeudi – de la Cédéao, l’Ivoirien Alassane Ouattara a affirmé à ses collègues chefs d’Etats de la région, dans des propos rapportés notamment par L’Intelligent d’Abidjan: «Grâce à votre soutien et à celui de la communauté internationale, nous avons pu, rétablir la normalité constitutionnelle dans ces deux pays, à travers des processus de transition politique fiables, en cours d’exécution [...] Le conflit au Mali nous enseigne l’urgence de bâtir une politique commune de défense fondée sur la mutualisation de nos ressources et sur l’exacte appréciation de l’évolution et de la mutation des menaces auxquelles nos Etats seront confrontés.»
2000 soldats, 27 morts
Aux côtés de l’armée malienne et des Français, le Tchad, dont les effectifs ne sont pas comptés dans la Mission internationale de soutien au Mali, la Misma, a déployé 2000 hommes au Nord du Mali. Un article d’Afrik.com affirme que «les soldats tchadiens se sont particulièrement fait remarquer pour leur efficacité depuis le début de la guerre au Mali. Ils sont devenus en l’espace de quelques semaines, une force incontournable dans le conflit.» L’article précise: «Le Tchad, qui appui la France dans le conflit malien, a déjà payé un lourd tribut, avec la mort de 27 de ses soldats engagés dans le pays. Parmi les 66 blessés, figure le général Mahamat Idriss Deby, fils du président tchadien et numéro 2 du contingent au Mali, qui a été évacué vers la France.»
La perte de patience tchadienne s’explique par la lenteur du déploiement de la Misma, que relevait notamment un correspondant de Jeune Afrique: «Ce qui a retardé l’arrivée de ces troupes, c’est tout simplement la misère logistique et la faible capacité de projection qui caractérisent les armées de la région.»
D’autant qu’il est question d’argent. Au début de la semaine, avant le sommet officiel de la Cédéao en Côte d’Ivoire, une réunion préparatoire revenait sur les besoins en soldats et en moyens pour la sécurisation du Nord-Mali. RFI relatait que «la Cédéao réclame plus d’argent pour financer la guerre au Mali. [...] Les pays de l’Afrique de l’Ouest ont demandé 950 millions de dollars, soit le double de ce qui a été promis par la communauté internationale.»
A fin janvier, la communauté internationale s’était engagée pour 455 millions de dollars envisagés à la fois pour la Misma, un appui financier à l’armée malienne ainsi qu’à l’aide humanitaire.
Du Burkina, L’Observateur notait: «La guerre contre les terroristes enturbannés au nord du Mali est-elle en train de devenir une affaire de gros sous? Tout porte à le croire en tout cas.» Evoquant la forte rallonge articulée en début de semaine, le journal estimait que «c’est une somme naturellement astronomique pour nos budgets squelettiques, ce qui fait que le plus dur, vous vous en doutez, est de trouver cet indispensable nerf de la guerre, sans lequel le déploiement des troupes ouest-africaines sera compromis, du moins limité. Faudra-t-il dans ces conditions attendre l’hypothétique promesse d’aide de la communauté internationale avec le risque de mettre du temps à la recevoir ou faudra-t-il que la Cédéao s’autofinance en attendant d’être remboursée? Une équation financière qu’il va falloir vite résoudre. C’est dans ce contexte que la France nous répète qu’elle n’a pas vocation à rester au Mali.»
«Indécent marchandage»
«Indécent marchandage de la Cedeao?», s’est interrogé Fasozine, abordant la question de manière caustique: «Même si la guerre au Mali demeure une préoccupation de taille pour Paris dont les ressortissants et les intérêts sont devenus la cible privilégiée des terroristes, elle ne doit pas mobiliser plus que la seule armée française. [...] On le sait, les armées africaines sont l’image de la plupart des Etats qui tirent le diable par la queue. Ces institutions supposées assurer la sécurité et la sûreté des frontières n’existent que de nom. Les principaux moyens dont elles disposent sont généralement orientés vers la protection du président et de ses proches, et souvent la répression des opposants. Plus de cinquante après les indépendances octroyées, l’Afrique peine à avoir de véritables armées professionnelles et dignes. La crise malienne n’est d’ailleurs que la conséquence d’une inconséquence de l’Armée de ce pays. Rien d’étonnant que les chefs d’Etats de la Cedeao se présentent aujourd’hui en mendiants larmoyants devant la communauté internationale [...].»
Dans sa déclaration finale, lisible sur son site, la Cédéao a indiqué jeudi soir que sa conférence plénière enjoint la commission à «veiller à ce que [les] besoins immédiats [de la Misma] soient satisfaits sans délai, notamment en ce qui concerne le déploiement des troupes et la fourniture de logistiques additionnelles.» L’instance confirmait en outre qu’elle demandera à l’ONU de faire de la Misma une force de maintien de la paix.
Nicolas Dufour
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