(Le Figaro 01/03/2013)
Les juges de la Cour pénale internationale à La Haye ont entendu l'ex dirigeant ivoirien avant de décider si les preuves réunies justifient l'ouverture d'un procès pour crimes contre l'humanité.
Lors de la dernière audience de confirmation des charges qui pèsent contre lui, Laurent Gbagbo a tenté de convaincre les juges de ne pas le poursuivre pour crimes contre l'humanité. «Toute ma vie, j'ai lutté pour la démocratie», a déclaré l'ancien président ivoirien.
Depuis le 19 février, les juges de la Cour pénale internationale à La Haye tentent de déterminer si les preuves rassemblées par l'accusation sont suffisamment solides pour permettre l'ouverture d'un procès contre Laurent Gbagbo. Premier ex-chef d'État présenté à la CPI, il est soupçonné d'être le «co-auteur indirect» de crimes contre l'humanité commis pendant les violences postélectorales de 2010-2011. À l'époque, Laurent Gbagbo avait refusé de reconnaître la victoire d'Alassane Ouattara au second tour des élections du 28 novembre 2010, une victoire pourtant attestée par l'Onu.
Les affrontements se sont poursuivis pendant quatre mois, faisant près de 3000 morts. Le 11 avril 2011, Laurent Gbagbo et son épouse Simone sont arrêtés par les forces armées françaises dans le sous-sol de leur résidence d'Abidjan, la capitale ivoirienne. Selon l'accusation, les violences commises par les forces pro-Gbagbo ont revêtu «un caractère généralisé et systématique» et visaient «des communautés ethniques ou religieuses spécifiques». Jeudi soir, près de 200 victimes de cette crise post-électorale ont défilé dans les rues d'Abidjan pour attirer l'attention des juges de la CPI. Des femmes tenaient des pancartes sur lesquelles étaient écrits: «Gbagbo m'a rendue veuve», «Que justice soit faite pour les victimes de la crise», ou encore «Nous réclamons: justice, justice, justice».
«Une justice partiale qui ignore les exactions de l'autre camp»
Au cours de ces huit jours de débats, un élément nouveau est venu déstabiliser l'accusation et nourrir les arguments des fidèles de Laurent Gbagbo: après avoir dénoncé les crimes commis en 2010 par les forces pro-Gbagbo, Amnesty International jette aujourd'hui la lumière sur ceux qui ont été commis depuis la victoire d'Alassane Ouattara. «Près de deux ans après la fin de la crise postélectorale, la Côte d'Ivoire demeure le théâtre de violations graves des droits humains à l'encontre de partisans avérés ou supposés de l'ancien président Laurent Gbagbo», écrivent les auteurs d'un rapport intitulé «La loi des vainqueurs». L'armée nationale, créée par le président Alassane Ouattara, pour intégrer les forces loyales à l'ancien chef d'État, était censée assurer «la sécurité des personnes et être un puissant instrument de cohésion nationale». En réalité, cette armée se serait rendue coupable d'arrestations ciblées, de détentions illégales, d'actes de torture, de violences sexuelles et d'exécutions sommaires.
Les défenseurs du clan Gbagbo se sont emparés de ce rapport pour tourner en dérision une justice internationale qu'ils jugent «partiale», puisqu'elle ferme les yeux sur les exactions commises par l'autre camp. Ils s'appuient encore sur le rapport d'Amnesty dont ils citent les premières lignes: «La Côte d'Ivoire demeure le théâtre de violations graves des droits humains à l'encontre de partisans avérés ou supposés de l'ancien président Laurent Gbagbo».
Au delà du débat sur les preuves qui pèsent sur Laurent Gbagbo, Amnesty International appelle les juges à «enquêter sur tous les crimes commis par les deux camps». Sans cet effort de dialogue national, «l'avenir de la Côte d'Ivoire risque d'être marqué par des crises politiques successives où les espoirs de réconciliation ne cesseront de s'amenuiser». La décision des juges ne devrait pas être connue avant le mois de mai.
Par Edith Bouvier
Journaliste Figaro
Par Edith Bouvier Publié le 01/03/2013 à 11:32
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