(Liberation 05/03/2013)
Les chiffres, qui tombent au compte-goutte, donnent pour
l'instant l'avantage au vice-Premier ministre Uhuru Kenyatta. Les tensions sont
grandes, six ans après les massacres qui avaient suivi le dernier
scrutin.
Les Kényans étaient suspendus mardi à la publication des
résultats de l’élection présidentielle, qui tombaient au compte-gouttes au
lendemain du scrutin, cinq ans après un précédent vote qui avait tourné au bain
de sang. Il était toujours impossible en milieu de matinée de départager les
deux favoris, le vice-Premier ministre Uhuru Kenyatta et le Premier ministre
Raila Odinga, ou de dire si un second tour serait nécessaire.
Vers 10h30
locales (8h30 heure française), un peu plus d’un tiers des 31 981 bureaux de
vote avaient fait parvenir leurs résultats à la Commission électorale
indépendante (IEBC), représentant plus de quatre millions de bulletins sur un
corps électoral de plus de 14,3 millions de personnes. L’avance d'Uhuru Kenyatta
sur Raila Odinga s’est confirmée tout au long de la nuit. A 11 heures locales,
Kenyatta avait franchi la barre des 2,25 millions de voix et disposait d’environ
550 000 voix d’avance sur Odinga.
A 68 ans, Raila Odinga tente sa chance
pour la troisième et sans doute dernière fois, face à Uhuru Kenyatta, 51 ans,
fils du «père» de l’indépendance du pays. Uhuru Kenyatta est inculpé de crimes
contre l’humanité par la Cour pénale internationale pour son implication
présumée dans l’organisation des violences qui avaient émaillé l’élection
présidentielle de 2007.
En troisième position, l’autre vice-Premier
ministre Musalia Mudavadi est très largement distancé avec environ 115 000 voix.
Les cinq autres candidats recueillent actuellement chacun moins de 1% des
suffrages. Mais ces résultats ne sont pas significatifs, en raison de données
encore insuffisantes sur les régions dépouillées, et parce que les grands
centres urbains sont encore faiblement comptabilisés.
Seuls 400 000
bulletins ont été dépouillés dans la capitale Nairobi, dont le corps électoral
est de 1,7 million de personnes et à peine plus de 20 000 dans Mombasa, deuxième
ville du pays, où plus de 400 000 électeurs ont inscrits. Près de 250 000
bulletins ont été invalidés, soit près de 6% des votes dépouillés.
Les
Kényans ont voté aussi pour élire leurs députés, sénateurs, gouverneurs
(exécutif départemental), membres de l’Assemblée départementale et un quota de
femmes à l’Assemblée nationale, mais aucun résultat n’était disponible pour ces
élections. Le scrutin a été marqué par une participation «supérieure à 70%»,
selon l’IEBC et le chiffre final «sera certainement très impressionnant», a
assuré à l’AFP le directeur exécutif de l’IEBC, James Oswago.
La
publication des résultats partiels, retransmise en directe par les principales
chaînes de télévision du Kenya, était suivie avec beaucoup d’attente et de
nervosité dans un pays encore traumatisé par les violences sans précédent ayant
suivi les résultats contestés du précédent scrutin présidentiel en décembre
2007.
A relire : Le Kenya aux urnes, cinq ans après un scrutin
meurtrier
«Maintenant ou jamais»
Dans le centre-ville désert de
Kisumu (ouest), fief de Raila Odinga, une dizaine d’hommes l’air dépité
regardent les résultats s’afficher sur une télévision d’un petit kiosque. «Il y
a beaucoup de tension. Les gens ne sont pas contents de la façon dont les choses
se déroulent», explique Nicholas Ochieng, 24 ans, même si, dit-il «il est encore
trop tôt» pour s’avouer vaincu. «Les gens ici disent que c’est maintenant ou
jamais» pour Odinga, qui a déjà échoué deux fois à la présidentielle «et ils
n’accepteront pas la défaite», ajoute-t-il.
La coalition TNA qui soutient
Kenyatta, 51 ans, a simplement appelé sur Twitter «tous les Kényans» à «être
patients et tolérants». La vice-présidente de l’IEBC Lilian Mahiri-Zaja a appelé
«chacun (...) à préserver la paix y compris en ce moment où les résultats sont
en train d’arriver».
La commission électorale a sept jours pour proclamer
les résultats officiels, après réception des procès-verbaux originaux de chaque
bureau. Mais pour prévenir tout soupçon de manipulation, l’IEBC diffuse en temps
réels les résultats provisoires, transmis par SMS par les bureaux.
Fin
2007, la lenteur et l’opacité du dépouillement de la présidentielle avaient
renforcé les soupçons de fraude chez les partisans de Raila Odinga, déjà
candidat. L’annonce de la victoire du président sortant Mwai Kibaki - qui à 81
ans, ne se représente pas cette année -, avait alors déclenché une violente
contestation ayant dégénéré en affrontements politico-ethniques sans précédent.
Plus d’un millier de personnes avaient été tuées et plus de 600 000
déplacées.
5 mars 2013 à 10:52
© Copyright
Liberation
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire