(Le Pays 05/03/2013) Mais que diable se passe-t-il au Bénin de Boni Yayi ? En
tout cas, au sommet de l’Etat, il n’y a pas beaucoup de sérénité. Récemment
encore, le président béninois faisait état d’un complot visant à le renverser.
Cette énième déclaration du genre n’est pas de nature à dissiper les inquiétudes
sur l’état de santé de la démocratie béninoise.
Bien au contraire. De
deux choses l’une : ou bien il s’agit de vrais complots, ou bien le président
béninois souffre de paranoïa. Toujours est-il que quelque chose ne tourne pas
rond dans les sphères du pouvoir au pays de Kérékou.
L’hypothèse de la
paranoïa n’est pas farfelue en ce sens qu’à l’analyse, cette affaire révèle des
liens avec une autre : l’affaire Patrick Talon, du nom de cet homme d’affaires
béninois poursuivi d’empoisonnement du président Boni Yayi qui s’est réfugié
depuis un certain temps en France. En effet, les personnes actuellement dans
l’œil du cyclone pour leur tentative présumée de coup d’Etat contre le chef
d’Etat béninois ont des accointances avec l’homme d’affaires poursuivi.
Difficile dans ces conditions de ne pas voir des règlements de comptes déguisés
contre Patrick Tanon. En tapant sur ses proches, Boni Yayi pourrait ainsi se
venger de l’homme qui a jusque-là échappé aux « serres » de la justice béninoise
lancée à ses trousses. Si tel est le cas, on pourrait dire que le président Boni
Yayi a aussi malheureusement sombré dans cette théorie de la complotite. Mais
quel serait l’objectif d’une telle mise en scène ? Pour « débroussailler »
autour de lui afin de pouvoir au moins finir son mandat sans être gêné par
quelque indésirable que ce soit ? Ce n’est pas impossible.
Si par contre,
le président Boni Yayi a raison, c’est-à-dire qu’au cas où il y aurait eu de
véritables tentatives de putsch, c’est très grave. En effet, il est de notoriété
publique que le Bénin est l’une des vitrines de la démocratie en Afrique. Avec
le Ghana et le Sénégal, il est, comme un phare dans les ténèbres de la
gouvernance étatique en Afrique de l’Ouest, une sorte d’étendard démocratique
face à la plupart des Etats africains où les dictatures plus ou moins sournoises
ont encore, hélas, la peau dure. Toutefois, force est de reconnaître que le
passage de Boni Yayi au sommet de l’Etat n’aura pas fait que du bien à cette
démocratie. Boni Yayi, faut-il le rappeler, est, dans sa conquête du pouvoir,
arrivé à un moment favorable où le peuple béninois, lassé de sa vieille classe
politique, avait besoin d’un changement d’hommes. Nul doute que ce fut un
facteur important pour son accession à la magistrature suprême de son pays.
Aussi, tout comme le président malien déchu, Amadou Toumani Touré, est-il arrivé
au pouvoir en s’appuyant sur des forces coalisées mais disparates. Dans un tel
contexte, gouverner peut s’avérer un véritable exercice de grand écart dicté par
le souci de contenter les principales factions qui ont soutenu la candidature du
chef de l’Etat. Un tel consensus pour gérer les affaires d’Etat peut cacher des
dessous détestables en matière de qualité de la gouvernance dans le pays, comme
il en a été question au Mali aux dires des contempteurs de ATT après la chute de
son régime. Au Bénin, sous le régime de l’actuel chef de l’Etat, les scandales
de corruption surtout sont ahurissants. Bien entendu que cela n’est pas à la
hauteur de la démocratie béninoise et ne met pas l’actuel président à l’abri de
toute tentative de déstabilisation. Comme on le sait en Afrique, l’armée n’est
jamais trop loin du pouvoir, pour ne pas dire qu’elle a toujours tendance à
faire main basse sur l’appareil d’Etat. Et aucun pays n’en est vraiment à l’abri
tant la démocratie est encore fragile sur le continent. Alors, méfiance. En tout
cas, si l’une quelconque de ces tentatives de coup d’Etat évoquées par le
pouvoir béninois venait à se confirmer, et pire à se concrétiser, l’image de
marque du Bénin s’en trouverait sérieusement écornée. Un tel recul servirait
sans conteste les intérêts des putschistes et antidémocrates de tout acabit qui
ne manqueraient pas l’occasion de rire sous cape, se réjouissant ainsi du fait
que les modèles démocratiques du continent chutent et les rejoignent dans la
boue fétide de l’irresponsabilité en matière de gouvernance des Etats. Ce serait
bien entendu un véritable motif de désespoir pour tous les démocrates sincères
de ce continent et d’ailleurs. Pourvu que toute cette agitation n’ait rien de
sérieux et que ce faisant, le pouvoir béninois se ressaisisse sans délai et
œuvre à ce que le pays retrouve tout son lustre démocratique d’antan.
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