vendredi 18 janvier 2013

Togo - INCENDIE DU GRAND MARCHE DE LOME: Agbéyomé Kodjo, un bouc émissaire ?

(Le Pays 18/01/2013)
Il fallait s’attendre forcément à des interpellations après l’incendie, qualifié de criminel, qui a ravagé le grand marché de Lomé dans la nuit du 11 au 12 janvier derniers. Mais on était loin de penser qu’elles allaient concerner des hommes politiques. Pourtant, c’est ce qui est arrivé avec l’interpellation – d’aucuns ont parlé d’enlèvement – de l’ancien Premier ministre, Agbéyomé Kodjo, devenu aujourd’hui opposant, le 16 janvier.

Et cela, quelques heures après la levée de son immunité parlementaire à la demande du procureur de la République qui a en charge l’enquête sur l’incendie du marché de Lomé qui, pour rappel, est survenu après celui du marché de Kara, dans le nord du pays, qui a aussi brûlé dans la nuit du 9 au 10 janvier. Devenu un citoyen ordinaire après la perte de son immunité (quoique celle-ci ne soit pas une protection efficace au Togo), Agbéyomé Kodjo a donc été interpellé manu militari. Avait-il réfusé de repondre aux convocations ? Toujours est-il que son interpellation rappelle celle de l’opposant Jean-Pierre Fabre, en 2012, qui avait été beaucoup critiquée pour son caractère inutilement violent. Malheureusement, on peut dire qu’aucune leçon n’a été tirée de cette interpellation musclée et les agents de force de défense et de sécurité continuent d’agir comme si de rien n’était.
L’ancien Premier ministre, qui a été également président de l’Assemblée nationale, est, jusque-là, le deuxième homme politique interpellé dans le cadre de cette affaire. En effet, et comme si le sort s’acharnait sur son parti politique, OBUTS, son vice-président, Gérard Adja, a été aussi « enlevé » trois jours plus tôt. Pour avoir refusé de parler en l’absence de son avocat, Agbéyomé Kodjo a été gardé à vue et jusqu’au moment où ces lignes étaient tracées dans l’après-midi d’hier, nous n’avions pas eu d’informations concernant ce qui lui est exactement reproché dans cette affaire.
N’empêche qu’on peut se demander s’il n’est pas simplement un bouc émissaire dans cet incendie du grand marché. Le drame a porté un coup sérieux à l’économie du pays qu’il faut bien trouver quelque chose pour consoler, un tant soit peu, les nombreux commerçants ruinés. Cela est d’autant nécessaire que l’incendie a mis à nu le manque d’équipements des soldats du feu et à qui leurs homologues ghanéens ont dû voler au secours. Dans certains cercles, notamment ceux proches du pouvoir, on semble avoir déjà trouvé un ou des coupables. Dans ces milieux, cet incendie, survenu au moment de la commémoration du cinquantenaire de l’assassinat du premier président du pays, Sylvanus Olympio, n’avait pour but que de saboter cet événement, réduire à néant les efforts de réconciliation et, pourquoi pas, provoquer des troubles sociaux. Suivant la logique de ces personnes, il ne peut s’agir que des opposants qui sont prêts à tout pour ébranler le pouvoir, l’amener à avaliser les réformes qu’ils réclament depuis belle lurette à coup de manifestations de rue souvent violemment réprimées.
Pour ces personnes, l’interpellation de l’ancien dignitaire du régime de Gnassingbé père n’est que la première d’une liste qui pourrait inclure les ténors de l’opposition et de ceux du collectif « Sauvons le Togo », ce creuset de politiciens, de syndicalistes et d’acteurs de la société civile. C’est dire que les prochains jours risquent d’être marqués par des interpellations, des arrestations de leaders de l’opposition et de la société civile, bref, des boucs émissaires. C’est la raison pour laquelle il faut appeler tous ceux qui sont dans cette logique à se départir de tout règlement de comptes, à laisser l’enquête se mener comme il se doit. C’est elle qui peut bien situer les responsabilités dans cette affaire. Et s’il se trouve que la culpabilité des politiciens, qu’ils soient de l’opposition ou du pouvoir, ou d’autres personnes est établie, la loi s’appliquera à tous dans toute sa rigueur.

Séni DABO
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