(Afrik.com 10/12/2012)
« La communication, instrument de consolidation de la paix, de l’unité et de la solidarité nationales, pour un Cameroun prospère et émergent à l’horizon 2035 ». C’est le thème qui a sous-tendu les Etats Généraux de la Communication tenus du 05 au 07 décembre 2012 au Palais des Congrès de Yaoundé. Ces Etats généraux de la Communication ont constitué les secondes du genre tenues depuis l’histoire de notre pays.
Au plan historique justement, la presse camerounaise connaissait déjà longtemps avant l’indépendance, un essor appréciable en termes de pluralisme et de liberté éditoriale. Cette tendance libérale qui, en son temps, fut concomitante de l’éveil des nationalismes observés vers la fin des années 40, s’est poursuivie en s’intensifiant, après les indépendances, alors que le multipartisme restait de mise.
En 1966, la création de l’Union Nationale Camerounaise (UNC), devenue la seule force politique ayant droit de cité au Cameroun, va coïncider avec le vote, puis l’entrée en vigueur de la loi de 1966 sur la presse, qui met un coup d’arrêt à cette dynamique de liberté. Le régime de l’autorisation préalable est renforcé par un dépôt de cautionnement dissuasif, et le pouvoir politique va exercer un contrôle étroit sur l’ensemble des moyens d’information collective. En ce qui concerne l’audiovisuel, seule la radio d’Etat est autorisée à fonctionner. La télévision n’apparaîtra quant à elle qu’en 1985. Il s’agissait là aussi d’une télévision d’Etat.
Il faut à nouveau attendre l’ouverture démocratique décidée par le Chef de l’Etat en 1990, pour assister à l’émergence d’un renouveau médiatique dont le cadre général est fixé par la loi n°90/052 relative à la liberté de la communication sociale, promulguée le 19 décembre 1990. Il s’en suivra une floraison de titres sans précédent et une extraordinaire liberté de ton dans le traitement de l’information. C’est dans ce contexte que se tiendront en 1994, les premiers Etats Généraux de la Communication, alors que le pluralisme médiatique ne concernait essentiellement que la presse écrite. Dans le sillage de ces Etats Généraux, l’abolition de la censure administrative intervenue le 04 janvier 1996 donne un second souffle à la presse écrite. Plus tard, le 03 avril 2000, un décret du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, a permis de mettre en application le principe de la liberté de communication audiovisuelle édicté par la loi de 1990. Depuis lors, près d’une centaine de radios privées et une dizaine de chaînes de télévision ont été créées et fonctionnent sur l’ensemble du territoire national à côté de la CRTV (Cameroon Radio and Television), opérateur public de la communication audiovisuelle.
Cette démultiplication des activités dans la presse écrite et dans le sous-secteur audiovisuel, télévision et surtout radiodiffusion s’est caractérisée par une irruption massive et mal contrôlée de nombreux « professionnels » de la communication dans ce milieu. Livré à des personnels peu ou mal formés, le secteur privé de la communication n’a pas su échapper à divers dérapages éthiques, déontologiques et professionnels aux conséquences sociales souvent désastreuses. La diffamation et la dénonciation calomnieuse ont souvent pris le pas sur l’information, le commentaire tendancieux a remplacé la présentation des faits.
Dans le même temps, le secteur de la publicité qui constitue l’une des principales sources de financement de la presse, a connu une réforme institutionnelle fondamentale qui a abouti à la promulgation en décembre 2006 de la loi n°2006/018 régissant la publicité au Cameroun. Malgré la crise, les investissements publicitaires se sont accrus dans le secteur, et la profession s’est progressivement arrimée aux grands canons internationaux.
Au cours de la même période, de puissantes multinationales de l’information ont fait leur apparition dans le paysage audiovisuel local, profitant des progrès offerts par la réception directe par satellite et des possibilités ouvertes par la connexion aux réseaux locaux (faisceaux hertziens, réseaux câblés).
Le prodigieux essor observé dans la communication cybernétique et sa démocratisation progressive grâce au réseau Internet ont, quant à eux, offert une ouverture supplémentaire et à moindre coût aux médias nationaux dans la sphère internationale. En retour, les médias étrangers se sont rendus plus accessibles aux publics nationaux dans les mêmes conditions de coûts.
Toute cette évolution montre à quel point les médias, et d’une manière générale la communication, restent liés dans leurs configurations respectives, au contexte politique et institutionnel d’un pays. On constate qu’au Cameroun en tout cas, ils auront été tout au long de notre histoire, à la fois un facteur de construction de notre démocratie et un indicateur de cette démocratie.
D’une part, il apparaît donc que les Etats Généraux de la Communication qui viennent de se tenir, permettront de jeter un regard rétrospectif sur les vingt dernières années de cette dialectique permanente entre la communication et l’évolution politique et institutionnelle du Cameroun. Il est certain d’autre part que l’ensemble des problématiques doit elle-même être reformulée, la question essentielle n’étant plus celle de l’instauration d’un pluralisme médiatique comme critère du système libéral de l’information. Il s’agit dès lors de s’interroger sur la dimension qualitative de ce pluralisme et la rationalisation de l’option de liberté prise par les autorités camerounaises, d’interpréter la communication et de la poser comme facteur essentiel de la pérennisation et du renforcement des valeurs civiques et démocratiques.
Les invités spéciaux (M. Hervé Bourges, M. Olivier Zegna Rata, M. Stephane Martin, M. Mme Marie-christine Saragosse, M. Olivier Da Lage, M. Jean-Louis Roy, M. Guy Berger, M. Georges Gros, M. Joël Simon, M. Kenneth Roth, M. Louis Magloire Keumayou, M. Mactar Silla, M. Eric Poppe, M. Benoît Sossou, M. ambroise Pierre, M. lain Foka, Mme Lucie Mboto Fouda, Dr. Agnès Callamard, M. Pierre-Yves Schneider,…) et les journalistes camerounais dans leur majorité, semblent être heureux d’atteindre ce moment tant espéré, qui marquera sans doute un pas important dans l’évolution de la réflexion, pour conduire à des solutions concrètes dans le sens de la normalisation et de l’amélioration du cadre, des conditions et des modalités de fonctionnement des activités du secteur de la communication sociale au Cameroun.
lundi 10 décembre 2012 / par Emmanuel Batamag
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