mercredi 11 avril 2012

Mandat d'arrêt contre le fils du président de Guinée équatoriale

(Le Nouvel Observateur 11/04/2012) PARIS (Reuters) - Le feu vert donné par le parquet de Paris à la délivrance d'un mandat d'arrêt international pour "blanchiment" contre le fils du président de Guinée équatoriale, Teodorin Obiang, relance la procédure judiciaire sur les "biens mal acquis" africains.
Le procureur de Paris François Molins a donné le 4 avril un avis favorable à ce mandat demandé par les juges d'instruction Roger Le Loire et René Grouman, a-t-on appris mercredi de source judiciaire.
Les juges peuvent désormais lancer les polices du monde entier aux trousses du dignitaire équato-guinéen, qui est ministre de l'Agriculture dans son pays.
Les juges soupçonnent un pillage des fonds publics de son pays et leur blanchiment en France. Le mandat est normalement diffusé par Interpol, sur les diligences du ministère de la Justice. On ignore dans l'immédiat si Teodorin Obiang se trouve en France ou à l'étranger.
Teodorin Obiang étant la première personne poursuivie, c'est le développement le plus marquant à ce jour de cette information judiciaire sans précédent pour "recel de détournement de fonds publics", validée par la Cour de cassation en 2010 contre l'avis du parquet.
Lors d'une perquisition de deux semaines en février dans un immeuble appartenant à la Guinée équatoriale, avenue Foch à Paris, les magistrats français ont saisi des œuvres d'art, du mobilier ancien, des vins fins et autres objets précieux d'une valeur globale estimée à plusieurs dizaines de millions d'euros.
Ils avaient auparavant, fin 2011, saisi de nombreuses voitures de luxe au même endroit, dont des Bugatti et des Ferrari. Teodorin Obiang est visé par des procédures similaires aux Etats-Unis où il possèdes des richesses similaires, évalués à plusieurs dizaines de millions de dollars.
AUTRES PAYS VISÉS
L'enquête est susceptible de se développer bien au-delà du cas équato-guinéen, puisqu'elle vise aussi les familles d'Ali Bongo (Gabon) et de Denis Sassou N'Guesso (Congo-Brazzaville), qui possèdent respectivement à Paris 39 et 24 propriétés immobilières de luxe, et environ 200 comptes bancaires au total.
Ces pays, riches en pétrole et en ressources naturelles mais dont le niveau de vie de la population est très faible, sont stratégiques pour l'influence française en Afrique.
Le gouvernement de Guinée équatoriale, pays producteur de pétrole, avait vivement condamné par avance la décision de la justice française de réclamer l'arrestation et évoqué d'éventuelles représailles.
"Si la France veut une rupture unilatérale des relations avec la Guinée équatoriale, elle devrait le dire clairement", soulignait-il dans un communiqué en soulignant que les entreprises françaises opérant en Guinée équatoriale risqueraient de subir "les conséquences néfastes" de la décision de justice.
L'avocat de ce pays, Me Olivier Pardo a dit à Reuters mercredi qu'il jugeait le mandat d'arrêt "totalement incompréhensible", étant donné que le gouvernement de Malabo avait auparavant refusé l'audition de Teodorin Obiang.
"On voudrait perturber les relations entre les deux pays qu'on ne s'y prendrait pas autrement", a-t-il dit.
Le président équato-guinéen Teodoro Obiang a défendu son fils dans un entretien à France 24 en début de semaine.
"Je refuse le nom de 'biens mal acquis' car ce ne sont pas les pays occidentaux qui doivent qualifier les pays africains. Ce nom vient de la jalousie", a-t-il dit.
"Mon fils est entrepreneur, il travaille (...) Il a une entreprise forestière, il a une entreprise qui fait des routes et travaille avec certaines sociétés étrangères. Il n'a pas pris d'argent", a-t-il ajouté.
La Guinée équatoriale a entamé des démarches fin 2011 pour doter Teodorin Obiang d'un statut de diplomate à l'Unesco, agence de l'Onu chargé de l'éducation, la science et la culture.
S'il est délivré, le passeport diplomatique lui conférerait une protection au plan international, même s'il n'est pas certain que la justice française en reconnaisse la validité pour des faits antérieurs à son obtention.

Thierry Lévêque, édité par Yves Clarisse

© Copyright Le Nouvel Observateur

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire