(Le Pays 17/01/2013)
Dans l’existence d’un individu, « il est parfois utile de se
regarder à travers des yeux étrangers » (Hannoh Arendt). Andry Rajoelina, alias
TGV, le président de l’interminable transition malgache, a-t-il enfin décidé de
se soumettre à l’épreuve du miroir ? Sa décision de ne pas se présenter à la
prochaine élection présidentielle, en mars prochain, sur la grande Ile,
constitue en soi une nouveauté politique.
Il y a encore juste un mois,
ce jeune et ambitieux président entretenait un flou complet sur ses intentions
réelles. Cette fois-ci, en prenant l’engagement solennel de ne pas se présenter
en mars prochain, TGV se repositionne sur la scène politique malgache, comme un
homme de parole. Rappelons qu’il avait fait du retrait de la candidature de
l’ancien président, Marc Ravalomanana, la condition sine qua non pour renoncer
lui aussi à la prochaine compétition électorale. Qu’on le veuille ou non, la
décision de TGV a surpris les Malgaches. Certains trouveront qu’elle relève
d’une virtuosité machiavélienne, d’autres, de la sagesse politique. Enfin, on
sort du statu quo.
La haine aveugle et intime entre TGV et Ravalomanana,
depuis 2009, a plongé Madagascar dans une apoplexie sociopolitique sans
précédent. En quelques années, ces deux responsables politiques ont détruit tous
les acquis démocratiques durement conquis par le peuple malgache. Madagascar,
après les élections libres et transparentes des présidents Albert Zaphy et
Ravalomanana, inspirait le respect et l’admiration sur tout le continent
africain. Son modèle démocratique était une réalité vivante ; bref, c’était le
pays du bon sens. Mais le péril qui a détruit tout cela a bel et bien un nom :
le mauvais usage du pouvoir par Ravalomanana.
Une chose est vraie, avec
un talent politique indéniable, TGV a su se saisir des erreurs et fautes
politiques de son adversaire pour l’amener à quitter son fauteuil, avec le
soutien de l’armée. Ravalomanana a commis l’erreur de vouloir diriger Madagascar
comme un chef d’entreprise et comme un prédicateur « messianique » mégalomane.
Non, un Etat n’est pas une entreprise, un Etat n’est pas une Eglise.
L’utilisation de la religion comme une arme à l’encontre de ses adversaires
politiques a provoqué sa chute politique. Cela dit, TGV, lui non plus, n’a
apporté aucun bonheur au peuple malgache. Depuis son arrivée au pouvoir jusqu’à
ce jour, la majorité de la population malgache souffre de la pauvreté, plongée
dans une terrible misère. En se cramponnant obstinément au pouvoir, il a
provoqué la ruine économique de l’Ile et porté un coup fatal à l’image de ce
beau pays, riche par son extrême diversité humaine et
spirituelle.
D’ailleurs, on pourrait bien se poser cette question :
qu’a-t-il fait durant ces quatre années à la tête de l’Etat malgache ? Pourquoi
a-t-il mis tout ce temps avant de prendre cette décision ? Evidemment, TGV seul
sait pourquoi il a pris une telle décision et comment il entend la faire
respecter. Selon plusieurs analystes, ce jeune homme, jadis pressé, a compris,
en fin politique, qu’il lui faut reculer pour mieux sauter. Car disent-ils, son
ambition politique reste intacte. Et rien n’indique que TGV ne nous invente pas
une roulette russe version malgache, où l’on le verrait accepter un poste de
Premier ministre sous la houlette d’un de ses protégés qui lui céderait
prochainement le fauteuil. Une chose est sûre, TGV n’a pas fini de nous
surprendre. Mais s’il tient à revenir demain au premier plan de la scène
politique malgache, TGV devra tenir parole.
Sinon, les Malgaches auront
vécu dans l’illusion d’avoir fait un bond en avant. Et cela, il pourra le payer
cher, politiquement. La société civile doit ici jouer son rôle pour contraindre
TGV à respecter sa parole. Car, il est rare de rencontrer, en ce bas-monde, un
homme politique sans arrière-pensées. Que TGV ne nous fasse donc pas le coup de
ce personnage de Kafka dans le Procès, qui dit qu’ « il n’est pas nécessaire de
tenir les choses pour vraies, il suffit de les tenir pour nécessaires ». Le
mensonge ne doit pas devenir, même en politique, l’ordre du monde, même accompli
au nom de la nécessité politique. Certes, la politique n’est pas une science
naturelle, mais Madagascar doit redevenir un Etat de droit. Afin que le peuple
malgache redevienne libre, heureux et prospère.
Abdoulaye
BARRO
© Copyright Le Pays
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire