(Le Monde 18/01/2013)
Malgré des ressources situées dans des zones instables,
l'Algérie, théâtre d'une prise d'otages massive depuis mercredi 16 janvier,
attire depuis longtemps les sociétés étrangères en raison de la richesse, réelle
et supposée, de son sous-sol. Néanmoins, une fiscalité dissuasive et des retards
répétés sur les projets ont freiné ces dernières années l'engouement des grands
groupes pétroliers, forçant le gouvernement à revoir sa position.
En
2011, l'Algérie était le 15e producteur de pétrole à l'échelle mondiale – et le
2e en Afrique derrière le Nigeria, avec 1,8 million de barils par jour – et le
11e de gaz naturel (avec 77 milliards de mètres cubes), selon le rapport World
Energy Outlook 2012 (PDF) de l'Agence internationale de l'énergie. Alger fournit
notamment 10 % des besoins de gaz de l'Union européenne.
Ces réserves en
hydrocarbures sont renfermées dans un peu plus de 200 gisements d'huile et de
gaz, situés dans les bassins d'Oued Mya et de Hassi Messaoud (67 %), d'Illizi
(14 %) – où se trouve le complexe gazier d'In Amenas, sur lequel sont retenus
les travailleurs étrangers et algériens, de Rhourde Nouss (9 %) et d'Ahnet
Timimoun (4 %).
TOUR DE VIS DU GOUVERNEMENT
A la fin des années
1990, l'Algérie, qui souhaitait développer l'exploration et l'exploitation de
ces gisements, a autorisé les investissements étrangers dans les hydrocarbures.
Les grands pétroliers mondiaux ont alors afflué, l'Américain Anadarko en tête
(qui y produit 500 000 barils par jour), ainsi que son compatriote
Conoco-Phillips, le Britannique BP, l'Italien Eni, le Néerlandais Shell, le
Norvégien Statoil, ou encore le Français Total.
Mais en 2005, le
gouvernement algérien a pris l'industrie par surprise en abandonnant les plans
de libéralisation du secteur qu'il avait promis. A la place, une loi a imposé
une taxe sur le revenu pétrolier, assortie d'une taxe sur les profits
exceptionnels en cas de prix du pétrole supérieur à 30 dollars le baril. Il a
par ailleurs limité le niveau de participation des compagnies étrangères, les
obligeant à s'associer à l'entreprise d'Etat Sonatrach, majoritaire à hauteur de
51 % dans tous les projets d'investissement.
Cette fiscalité devenue
dissuasive, doublée de coûts de production en hausse, de retards fréquents sur
les projets et d'une manque d'équipements et de services, ont freiné l'intérêt
des entreprises internationales. A tel point que les trois appels d'offres pour
l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures lancés par le gouvernement en
2008, 2009 et 2011 se sont soldés par de maigres résultats.
NOUVELLE LOI
SUR LES HYDROCARBURES
En septembre, l'Algérie a fait marche arrière et
décidé d'alléger la fiscalité dans ce secteur crucial, afin d'encourager le
retour des compagnies étrangères. Le texte doit être voté à l'Assemblée
nationale le 21 janvier.
Principaux changements : la taxe sur le revenu
pétrolier ne sera plus calculée sur la base du chiffre d'affaires, mais sur
celui du rendement, soit une mesure plus intéressante pour les firmes étrangères
avec un prix du baril qui dépasse 100 dollars. La taxe sur les profits
exceptionnels, elle, doit être supprimée. La Sonatrach reste par contre
majoritaire dans tous les projets.
POTENTIEL DE GAZ DE SCHISTE
La
nouvelle loi introduit par ailleurs de nouvelles dispositions spécifiques à
l'exploration des gaz et pétrole non conventionnels. Selon de hauts responsables
du ministère de l'énergie, les réserves de gaz de schiste représenteraient près
de 17 000 milliards de mètres cubes, c'est-à-dire quatre fois les réserves
conventionnelles actuelles du pays.
Or, selon les projections, l'Algérie
produira deux fois moins de gaz conventionnel dans vingt ans, en raison de
réserves qui s'amenuisent. Une situation qui inquiète le pays alors que la
consommation domestique augmente de 15 % par an en moyenne et que, surtout, les
hydrocarbures représentent 97 % des exportations algériennes et 36 % de son
produit intérieur brut, selon l'Agence d'information sur l'énergie américaine.
Pour continuer à satisfaire ses besoins locaux et maintenir sa capacité à
exporter, le pays souhaite se tourner vers l'exploitation des gaz de schiste et
entend faire appel aux entreprises étrangères.
Un accord aurait été signé
dans ce sens avec la France, le 20 décembre, permettant des recherches
françaises sur le territoire algérien. Shell serait par ailleurs en négociation
avec les autorités algériennes et tunisiennes en vue d'exploiter ces gisements.
Mais les ONG s'inquiètent de la pression hydraulique pour un pays qui couvre
juste ses besoins en eau potable.
Audrey Garric
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Monde
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