(Le Figaro 02/01/2013)
Les voisins de la Centrafrique cherchent une issue à la
crise entre le président Bozizé et les rebelles de la Séléka.
Les troupes
continuent de se masser en Centrafrique. Après la France, les pays d'Afrique
centrale ont à leur tour renforcé leurs contingents. Quelque 120 soldats
gabonais et autant de fantassins camerounais et congolais sont arrivés mardi à
Bangui dans le cadre de la Fomac, une force déployée en 2007 pour stabiliser le
pays. Ils devraient être déployés rapidement à Damara, pour se joindre aux 400
Tchadiens, eux aussi officiellement sous mandat africain.
Cette petite
ville, à 70 kilomètres de la capitale, est considérée comme un point
stratégique, la dernière au nord à ne pas être tombée entre les mains des
rebelles de la Séléka, qui contrôlent plus de 70 % du pays. «En fait, la prise
de Damara ne signifierait pas forcément celle de Bangui et, a contrario, les
rebelles pourraient très bien prendre Bangui en contournant Damara. La chute de
cette ville serait plutôt symbolique et elle accentuerait encore les tensions
dans la capitale, au point de les rendre insupportables», analyse un homme
politique centrafricain.
Lundi soir, Idriss Déby, le président tchadien,
véritable puissance tutélaire en Centrafrique, a haussé le ton. Damara
«constitue une ligne rouge à ne franchir par aucune des deux parties», a-t-il
dit dans un communiqué. Une façon de tenter d'arrêter l'escalade entre la
rébellion et le pouvoir. La stratégie a en partie réussi pour l'instant. Sur le
terrain, les positions sont gelées. Mais la sortie de crise n'est pas pour
autant en vue.
La Séléka a revu à la hausse ces derniers jours ses
demandes en exigeant le départ de François Bozizé. Les rebelles accusent le
président d'avoir manqué à sa parole, non sans raison, en procédant à des
arrestations sur des bases ethniques dans Bangui. De son côté, le gouvernement
se dit prêt à des négociations sans préalables mais se garde bien d'aller plus
avant. Coincée entre ces discours, la Communauté économique des États d'Afrique
centrale (CEEAC), chargée de trouver une solution, ne parvient à établir un
dialogue. «Le problème est qu'il n'y a pas de confiance. Les revendications des
rebelles sont très évolutives. Bozizé est tellement souvent revenu sur sa parole
qu'il est difficile de le croire», résume un diplomate. Le problème pourrait
aussi venir de la désorganisation et des divisions qui traversent la
CEEAC.
Enlisement
Les relations entre François Bozizé et ses pairs
sont des plus complexes. En une dizaine d'années de pouvoir, le président
centrafricain, un temps surnommé «l'huître» par des diplomates tant il apparaît
fermé, a dérouté. Accueilli avec joie après son putsch contre son prédécesseur,
Ange-Félix Patassé, il entretient désormais des rapports très tendus avec le
Camerounais Paul Biya. Le Congolais Denis Sassou-Nguesso ne cache pas son
agacement. Même Idriss Déby, qui avait accompagné Bozizé au pouvoir en 2003
avant de le soutenir militairement à plusieurs reprises, semble se lasser. Les
maîtres des pays voisins reprochent notamment à leur homologue son manque
d'implication dans la maîtrise des mouvements rebelles qui pullulent en
Centrafrique. Seulement la CEEAC ne semble pas non plus vouloir forcer le départ
d'un président sous la pression d'une rébellion, ce qui constituerait un
précédent fâcheux.
Reste que l'enlisement ne pourra durer. La présence
des rebelles autour de la capitale gêne l'approvisionnement de la ville et
engendre des hausses de prix sur les marchés que les petites gens, déjà
misérables, ne peuvent supporter. Le temps coûte aussi sans doute beaucoup
d'argent aux rebelles. Ils pourraient alors être enclins à presser les choses,
quitte à passer outre les conseils et menaces de la communauté
internationale.
Par Tanguy
Berthemet
© Copyright Le
Figaro
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