(Afrique Asie 17/01/2013)
Bamako, Mali – Des avions de combat français ont frappé en
profondeur au cœur des bastions rebelles du nord du Mali ce dimanche, mettant
fin à des mois d’hésitation internationale au sujet d’une action militaire dans
la région et après l’échec de toutes les autres tentatives des Etats Unis et de
leurs alliés pour contrer les extrémistes.
Pendant des années, les
États-Unis ont essayé d'enrayer la propagation du militantisme islamique dans la
région en mettant en œuvre le plus ambitieux de ses programmes de lutte contre
le terrorisme à travers ces vastes étendues turbulentes du Sahara.
Mais
quand les insurgés se sont répandus dans tout le désert l’an dernier, les
commandants des unités d’élite des armées de ce pays, entraînées minutieusement
pendant des années par les Etats Unis ont fait défection au moment où moment où
on avait le plus besoin d'eux – pour passer à l’ennemi en pleine bataille, avec
leurs hommes, leurs fusils et leurs nouvelles compétences, selon des officiers
supérieurs Maliens.
"Ce fut un désastre,” déclare un des officiers
Maliens qui confirme les défections.
Puis, un officier formé par les
Etats Unis a renversé le gouvernement élu du Mali, préparant le terrain pour que
plus de la moitié du pays tombe entre les mains des extrémistes islamistes. Les
avions espions et les drones de surveillance américains ont essayé de mettre de
l’ordre dans cette pagaille, mais les officiels Américains et leurs alliés en
sont encore à se triturer les méninges pour se faire une idée précise de ce
qu’ils affrontent.
Maintenant, malgré les avertissements américains de
longue date sur le risque qu’une attaque occidentale sur le bastion islamiste
fasse affluer des djihadistes de partout dans le monde et encourage des
attentats terroristes aussi loin qu’en Europe, les Français sont entrés
d’eux-mêmes en guerre.
Ils ont d’abord freiné la progression islamiste,
affirmant que le reste du Mali serait tombé entre les mains des militants en
quelques jours. Puis, le dimanche, les avions de combat français sont passés à
l’offensive, attaquant des camps d’entraînement, des dépôts et d’autres
positions des militants loin à l’intérieur du territoire contrôlé par les
islamistes, dans le but de déloger les militants qui ont créé là un des plus
importants repaires au monde pour les djihadistes.
Certains officiels du
Départment de la Défense, en particulier des officiers du Joint Special
Operations Command au pentagone ont plaidé en faveur d’une campagne
d’assassinats [lethal campaign] pour tuer les hauts responsables de deux des
organisations extrémistes qui tiennent le nord du Mali, Ansar Dine et Al Qaïda
au Maghreb Islamique (AQMI). Tuer les chefs, soutenaient-ils, pourrait provoquer
un effondrement interne.
Mais son attention et ses ressources étant
concentrées sur d’autres conflits comme le Pakistan, le Yémen, la Somalie et la
Libye, l’administration Obama a rejeté ces frappes en faveur d’une stratégie
plus prudente et une action indirecte : aider les nations africaines à repousser
et à contenir la menace par elles-mêmes.
Ces quatre dernières années, les
Etats Unis ont dépensé entre 520 et 600 millions de dollars dans un vaste effort
pour combattre le militantisme islamiste dans la région sans faire des guerres
comme celles qu’ils ont menées au Moyen Orient. Ce programme s’est étendu du
Maroc au Nigeria et les officiels Américains présentaient l’armée malienne comme
une partenaire exemplaire. Les forces spéciales américaines avaient formé les
soldats Maliens au tir de précision, à la patrouille de frontière, à l’embuscade
et à d’autres techniques du contreterrorisme.
Mais toute cette
planification délibérée a rapidement volé en éclats quand des combattants
islamistes aguerris et lourdement armés sont rentrés des combats en Libye. Ils
se sont alliés avec des djihadistes comme Ansar Dine, ont mis en déroute des
forces maliennes mal équipées et les ont démoralisées à tel point qu’il s’en est
suivi une mutinerie contre le gouvernement dans la capitale, Bamako.
Une
évaluation confidentielle à l’interne effectuée en juillet dernier par l’Africa
Command (Africom) au Pentagone avait conclu que le coup d’Etat était allé trop
vite pour que le commandement américain où les analystes du renseignement
puissent en détecter de véritables signes avant coureurs.
Le coup d’Etat
au mali est allé si vite et il y avait si peu de signaux d’alerte,» explique le
colonel Tom Davis, un porte parole du commandement. «L’étincelle qui l’a
déclenché s’est produite chez les officiers de niveau intermédiaire qui ont fini
par renverser le gouvernement, pas aux échelons supérieurs où on aurait pu plus
aisément remarquer des signaux d’alerte »
Mais un officier des Forces
d’Opérations Spéciales n’est pas d’accord, qui affirme, “Les choses fermentaient
depuis cinq ans. Les analystes étaient trop complaisants dans leurs hypothèses
et ils n’avaient pas vu les gros changements et leur impact, comme l’armement
lourd en provenance de Libye et la nature différente, plus ‘’islamique’’ des
combattants qui revenaient.
Les mêmes unités de l’armée entraînées par
les Etats Unis et qu’on voyait comme la meilleure chance de repousser cette
avance se sont avérées en fin de compte être à la base de la défaite militaire
du pays. Les chefs de ces unités d’élite étaient des Touareg – de la même
ethnique nomade qui envahissait le nord du Mali.
Selon un officier
supérieur, les commandants Touareg des quatre unités maliennes combattant dans
le nord à l’époque avaient fait défection en faveur de l’insurrection ‘’au
moment crucial», emportant avec eux les combattants, les armes et un peu
d’équipement. Il affirme qu’ils ont été rejoints par environ 1 600 autres
transfuges de l’armée malienne, portant un coup sévère aux espoirs du régime de
résister à l’offensive.
“L’aide des Américains s’est révélée sans
utilité,” déclare un autre officier supérieur Malien, engagé en ce moment dans
les combats. ‘’Ils ont fait les mauvais choix,’’ dit-il en s’appuyant sur des
chefs d’un groupe [ethnique] qui est en rébellion contre l’Etat malien depuis
cinquante ans.
Le quasi effondrement de l’armée malienne, y compris des
unités entraînées par les forces spéciales américaines, suivi par un coup d’Etat
avec à sa tête un officier formé par les Etats Unis, le capitaine Amadou Sanogo,
a surpris et embarrassé le haut commandement militaire américain.
‘’J’ai
été très déçu de voir un militaire avec qui nous étions en relation pour le
former participer au renversement par l’armée d’un gouvernement élu,’’ a déclaré
le général Carter F. Ham, commandant de l’Africom, dans un discours prononcé à
la Brown University le mois dernier. ‘’On ne peut pas qualifier ça autrement que
complètement inacceptable.’’
Les officiels Américains défendent leur
entraînement de l’armée malienne, expliquant qu’il n’avait jamais eu pour but
d’être aussi complet que ce que les Etats Unis ont fait en Irak et en
Afghanistan. ‘’Nous avons entraîné cinq unités pendant cinq ans, mais est-ce que
ça suffit à faire une véritable armée solide comme le roc ?’’ demande un
officier de l’armée américaine bien au courant du dossier.
Après le coup
d’Etat, les extrémistes ont rapidement écarté les Touareg dans le nord malien et
appliqué une version dure de l’Islam à la population, coupant des mains,
flagellant les habitants et poussant à la fuite des dizaines de milliers de
personnes. Les pays occidentaux ont alors adopté une stratégie d’endiguement,
exhortant les pays africains à boucler le nord du pays en attendant d’être en
mesure de mobiliser une force armée pour chasser les islamistes à l’automne, au
plus tôt. A cette fin, le Pentagone fournit à la Mauritanie des camions neufs et
au Niger deux avions de reconnaissance Cessna, en plus de la formation militaire
dispensée dans les deux pays.
Mais même ce plan de sauvetage a échoué
car les islamistes ont progressé dans le sud en direction de la capitale. Avec
des milliers de citoyens Français au Mali, son ancienne colonie, la France a
décidé qu’elle ne pouvait pas attendre plus longtemps et a bombardé les
militants sur la ligne de front et en profondeur dans leur repaire.
Certains experts disent que des troupes étrangères pourraient facilement
reprendre les grandes villes du nord du Mali, mais que les combattants
islamistes ont obligé des enfants à se battre pour eux, ce qui est dissuasif
pour toute force d’invasion, et pourraient recourir à des tactiques
insurrectionnelles meurtrières.
‘’Ils ont préparé ces villes pour en
faire un piège mortel,’’ déclare Rudy Atallah, l’ancien directeur de la
politique du contreterrorisme pour le Pentagone. ‘’Si une force d’intervention
va là-bas, les militants en feront une guerre insurrectionnelle.’’
Source
: NY Times - Adam Nossiter reported from Bamako, Eric Schmitt from Niamey,
Niger, and from Washington, and Mark Mazzetti from Washington. Steven Erlanger
contributed reporting from Paris.
POSTED BY DJAZAÏRI
16 janvier
2013
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