(La Libre 05/12/2012)
Le représentant du Fonds monétaire international (FMI) à Kinshasa, Oscar Melhado, a annoncé lundi que l’institution financière suspendait 240 millions de dollars de prêts prévus au Congo, en raison du non-respect, par les autorités congolaises, de leur engagement à publier leurs contrats miniers, pétroliers et forestiers. Pire : selon notre confrère de Kinshasa "Le Potentiel", qui cite un expert du FMI : "Les contrats publiés sont amputés de certaines clauses."
C’est une nouvelle catastrophique pour les autorités de Kinshasa. Le Congo avait dû faire face, en 2006, à une sanction similaire, qui avait mis fin à son programme avec l’institution internationale. Il avait alors fallu attendre trois ans pour relancer un programme formel avec le FMI - et c’est celui-ci qui est aujourd’hui remis en cause.
Croissance sans développement : la corruption ?
Kinshasa avait, selon l’agence financière Bloomberg, demandé une prolongation de six mois du programme de trois ans que le Congo avait signé avec le FMI et qui vient à échéance ce 10 décembre. Le FMI n’a pas cédé à cette demande malgré la tentative de Kinshasa de publier, en dernière minute, quelques éléments d’un contrat minier controversé et datant de juin 2011, éléments jugés insuffisants par le FMI. " Nous croyons que la transparence dans le secteur minier est capitale pour ce pays ", a souligné M. Melhado.
Le Congo a connu ces dernières années une croissance économique de 7 % par an mais le taux de pauvreté des Congolais n’en a guère été affecté, passant de 71 % à 70 %. Et le Congo est toujours le dernier du classement de l’Onu pour le développement humain. Ce type de croissance sans développement nourrit des soupçons de corruption et l’insistance des institutions de Bretton Woods pour plus de transparence.
Contrat minier controversé
Le contrat controversé est la vente, par la compagnie minière Gécamines, qui appartient à l’Etat congolais, de ses 25 % des parts d’un projet minier (cuivre et cobalt) au Katanga, Comide - dont le principal propriétaire est l’entreprise kazakhe ENRC (Eurasian Natural Resources Corp).
Figurant parmi les principales minières cotées à la Bourse de Londres, ENRC est dirigée par Patokh Chodiev, inculpé en 2001, en Belgique, de faux, association de malfaiteurs et blanchiment, avant qu’un versement de 23 millions d’euros à la justice belge, en juin 2011, mette fin aux poursuites (voir "LLB" du 9 octobre 2012). Le Serious Fraud Office - agence gouvernementale britannique - a ouvert une enquête sur ENRC, au sujet de ses affaires au Congo.
L’ONG Global Witness a dénoncé des ventes secrètes d’actifs miniers appartenant à l’Etat congolais à des prix "très inférieurs" à leur coût réel (parfois "à 5 % " de leur valeur) à des sociétés off shore souvent liées à l’homme d’affaires israélien Dan Gertler, un ami proche du président congolais Joseph Kabila. Gertler en a revendu plusieurs à ENRC. En raison de l’opacité des contrats, Global Witness soupçonne que les bénéficiaires de ces ventes de biens nationaux incluent "des fonctionnaires congolais corrompus".
Marie-France Cros
Mis en ligne le 05/12/2012
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