(Agence DIA 31/10/2011)
Analyse scientifique du discours du Chef de l’Etat à Kingakati.
Kinshasa, le 31 octobre 2011 - (D.I.A.) - Dans son discours du 14 septembre 2011 à Kingakati-Buene, devant les « Militantes et militants de la renaissance du Congo », selon ses propres termes, et devant, les membres de la Majorité Présidentielle (Ndlr), le Chef de l’Etat Joseph Kabila a promis de faire de la République Démocratique du Congo (RDC) un pays émergent. Ce discours a été au centre des débats pendant plusieurs jours au sein aussi bien de la classe politique que de l’opinion nationale. Plus d’un mois après, l’Agence catholique de presse DIA s’est penchée sur ce discours afin de savoir si la RDC est réellement capable de devenir un pays émergent dans un proche avenir. Le souci de cette démarche est, évidemment, celui d’éclairer l’opinion sur cet enjeu important pour notre pays.
De nos premières années d’études, nombreux parmi nous gardent encore à l’esprit les images de Don Quichotte à l’assaut de moulins à vent qu’il croit être des géants, ou encore un troupeau de moutons qui passe pour être une armée ennemie... le jour où l’ingénieux cavalier se rend finalement compte que tous ces ennemis n’existent pas en réalité, que sa vie, privée de défis à relever, n’a plus de sens et il en meurt. Il en est de même d’une nation. Un peuple qui ne rêve plus est voué à la mort. Tel est le message de Cervantès. Toute réalisation humaine commence une existence secrète dans l’intimité de nos rêves !
Dans son discours du 14 septembre 2011 à Kingakati-Buene, le Chef de l’Etat a dit exactement ceci : « Je vous promets aujourd’hui, de faire du Congo un pays émergent et, avec votre concours et l’aide de Dieu, il en sera ainsi ». Quand on relit ce discours, on se rend compte qu’il est, d’un bout à l’autre, émaillé d’expressions telles que : rêve ou rêver (au moins 3 fois), ambition (au moins 9 fois), émergent ou émergence (au moins 4 fois), faire du Congo une puissance (au moins 4 fois) et vision (au moins 8 fois). Ce discours est donc, dans le chef de l’orateur, l’expression d’une grande ambition, d’un rêve rappelant le « I have a dream » prononcé à Washington par Martin Luther King le 28 août 1963. Le Chef de l’Etat va même plus loin, car il envisage même de bâtir une œuvre semblable aux pyramides des Pharaons à travers la réalisation du projet Grand Inga !
Y aurait-il malentendu ?
A entendre les commentaires suscités par ce discours, en général, et sur l’« émergence du Congo», en particulier, on est parfois porté à se demander s’il n’existe pas un malentendu éternel entre le Chef de l’Etat et une certaine opinion. « Faire du Congo un pays émergent dans l’espace d’un mandat, quelle utopie ? N’a-t-il pas de conseillers ?... », entend-t-on ça et là. On est alors en droit de se demander si nous prenons le temps de nous écouter les uns les autres, car les propos ayant suscité ces réactions étaient pourtant précédés d’autres on ne peut plus explicites. Notamment : « Bref, des fondations solides ont été jetées, pour assurer à nos enfants l’avenir dont ils rêvent et qu’ils méritent. A cet égard, mon ambition n’est rien de moins que l’émergence du Congo à l’horizon 2030, comme un pays de référence et à forte croissance, et son accession au statut de puissance mondiale à l’horizon du centenaire de notre indépendance » (c’est nous qui soulignons). Et aussi : « S’agissant de la reconstruction du pays qui, par définition est une tâche de longue haleine, nous ne sommes qu’au début de notre programme… Le développement est un processus cumulatif. C’est en posant nos pierres, l’une après l’autre, et en nous prémunissant contre le syndrome du perpétuel recommencement, que nous bâtirons la maison Congo ». Et le Chef de l’Etat de son côté semble ne pas ignorer ce que d’aucuns penseraient de sa vision du Congo. Il dit, par exemple : « Par rapport aux modes de pensée et d’action ambiantes, elle constitue une véritable révolution. La «Révolution de la Modernité»!
Le faussé qui sépare le Chef de l’Etat et « ceux pour qui il fait nuit, même en plein jour », selon ses propres termes, ne réside pas tant dans le fond, mais généralement dans l’approche. Ceci peut être illustré par deux exemples. Au sujet du transport urbain, voici la position du Chef de l’Etat : « En effet, aussi aigus que soient les problèmes de transport, dans une mégapole comme Kinshasa, au nom de quelle rationalité, l’achat de bus serait-il prioritaire à la réfection de la voirie, dont le délabrement, voire l’inexistence, ne permet pas une utilisation efficiente des bus? Dans ce cas, commencer par la voirie, plutôt que par les bus, ce n’est pas tourner le dos au social. C’est opter pour le changement radical ». Et à propos de la primauté du social sur les routes, le Chef de l’Etat rétorque : « D’aucuns disent qu’‘on ne mange pas les routes’. Assurément ! Pas plus d’ailleurs qu’on ne mange les bacs, les tracteurs, les bêches ou les houes. Cependant, sauf à vouloir condamner notre pays à dépendre de l’aide alimentaire aéroportée, peut-on raisonnablement prétendre stimuler la production agricole, assurer la sécurité alimentaire et approvisionner les villes en vivres, sans des routes en bon état? ». Ecouter l’autre est peut-être le meilleur remède à notre portée pour conjurer les démons de la division et à la fois préserver, dans l’intérêt de notre jeune démocratie, la richesse de nos différences.
On peut comprendre que depuis les années soixante-dix où le Président Mobutu ambitionnait de faire classer le Zaïre au deuxième rang des pays en voie de développement, selon l’expression consacrée à l’époque, il a fallu attendre le Président Laurent-Désiré Kabila pour parler des autoroutes et des TGV (Train à grande vitesse) afin que le Peuple renoue avec le rêve. Et même alors, bon nombre d’entre nous se disaient : « cela est peut-être possible pour nos enfants, mais pas pour nous ». Mais aujourd’hui, en circulant sur les immenses boulevards de Kinshasa, certains d’entre nous commencent à se dire : « pourquoi pas ? ». Il arrive même que l’on se surprenne à penser que les chaussées à deux bandes comme la route de Matadi et By-Pass ne sont plus dignes de nous ! La capacité à insuffler le rêve au peuple est un critère de référence pour le choix d’un chef, selon le Président. En effet, parlant de la durée d’un mandat présidentiel, il dit : « C’est une période suffisamment longue pour permettre au peuple congolais de se déterminer en connaissance de cause ; de tester, dans le chef de chaque postulant, gouvernant ou aspirant à gouverner, l’authenticité de ses convictions, la pertinence de sa vision, l’efficacité de sa méthode, la qualité de sa gouvernance, ainsi que son aptitude, non seulement à faire rêver, mais aussi et surtout, à capitaliser notre diversité et notre créativité, à faire preuve de tolérance, à rassembler » (c’est nous qui soulignons).
Faut-il laisser les autres rêver à notre place ?
Dans son numéro 457 de septembre dernier, la revue Congo-Afrique, page 487, sous la plume de Joël Munkeni, (« Quatre recettes pour faire de la RD Congo un pays émergent »), citant Jeune Afrique qui reprend à son compte une déclaration de l’Institut de recherche Goldman Sachs Asset Management, écrit ceci : «…les économistes de cette institution reconnaissent que l’Afrique est bel et bien partie pour un futur aussi éclatant que le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (le BRIC)… Les économistes de l’Institut précité, tout en pointant du doigt le Nigeria et l’Egypte comme étant les pays qui allaient talonner directement le BRIC d’ici à l’an 2050, reconnaissent en même temps que ces deux pays formeront le groupe de onze pays les plus développés de l’Afrique avec la RD Congo, l’Ethiopie, le Kenya, le Maroc, l’Afrique du Sud, le Soudan, la Tanzanie, l’Ouganda et le Zimbabwe ». Ceci ne devrait pas nous surprendre, car c’est ce qui semble être le point de vue de certains experts du FMI depuis quelque temps.
Le Soft International reprend notamment les propos du Représentant-résident du FMI en RDC, Samir Jahjah, le 10 mai dernier : «En avril, tous les critères macroéconomiques ont été atteints par le pays… C’est une excellente performance ». Dans son numéro 1013 du 09 mai 2011, le Soft rapporte les propos d’un autre haut fonctionnaire de la même Institution, en charge du dossier RDC depuis une quinzaine d’années : «Jamais, je n’avais vu ça ! Jamais auparavant je n’avais vu une telle situation depuis environ quinze ans de travail sur le dossier ! C’est quelque chose inimaginable il y a quelques années suite à une situation d’inflations récurrentes…
La combinaison entre une gestion rigoureuse des finances publiques et la cohérence entre une politique budgétaire et une politique monétaire prudente a atteint le point d’ancrage ». Et il termine en disant que «la gestion macro-économique du pays se normalise et se standardise». Ce résultat est le fruit du sacrifice de tout un peuple qui a payé le lourd tribut (familles disloquées, enfants dans la rue, fonctionnaires impayés) de la discipline de l’équilibre budgétaire depuis 2001 : chose que l’Europe tout entière n’est pas capable de faire aujourd’hui. Ça aura été notre façon de dire merci à la Communauté internationale qui nous a secourus dans des moments difficiles. Une frange de notre population doit-elle s’exclure de ce résultat en le niant tout simplement de peur qu’une seule personne se l’attribue ?
C’est quoi, un pays émergent ?
On attribue à l’économiste néerlandais Antoine van Agtmael, travaillant pour la SFI (Société Financière Internationale) la paternité de l’expression « Pays émergents », qu’il a utilisée pour la première fois en 1981, en parlant de pays en développement offrant des opportunités pour les investisseurs. Depuis, chaque économiste a élaboré ses propres critères pour définir ce qu’est ‘un pays émergent’.
Le concept est tellement flou qu’il n’existe pas à ce jour une liste officielle des pays dits ‘émergents’. Cependant, il est généralement admis que les pays émergents sont ceux qui ne sont plus vraiment des pays en voie de développement, mais ne sont pas non plus encore pleinement développés. Il s’agit, en d’autres termes, des pays dont le PIB (produit intérieur brut) par tête d’habitant est inférieur à celui des pays développés, mais qui affichent une croissance économique rapide, et dont le niveau de vie des habitants ainsi que les structures économiques ressemblent à celles des pays dits développés. D’aucuns préfèrent dire « nouveaux pays industrialisés, NPI ».
A l’apparition du concept « pays émergents », les quatre dragons asiatiques ayant amorcé un important décollage industriel dans les années 60, furent les premiers à être classés dans cette catégorie : Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Hong Kong. A ce jour, aucun pays n’a été dit « émergent » sans avoir mis en place une stratégie de développement ayant conduit à l’amorce de l’industrialisation de son économie. La phase industrielle dure généralement entre 20 et 40 ans avant qu’un pays ne prétende au statut des pays émergents. On ne reste pas éternellement émergent non plus. Les quatre dragons asiatiques ont fini par « émerger » au début des années 90 pour être considérés unanimement comme étant des pays développés. En 2010, le FMI estimait à 34 700 $US le PIB de Taïwan par tête d’habitant, c’est-à-dire, supérieur à celui de la France et du Japon. Il faut faire une nette différence entre un pays émergent et une superpuissance émergente. Cette dernière expression désigne un pays ou une entité supranationale ayant le potentiel pour devenir une superpuissance dans un avenir plus ou moins lointain. C’est le cas des pays du BRIC, du Japon et de l’Union Européenne. A noter qu’aujourd’hui, il n’y a qu’une seule superpuissance, les Etats-Unis d’Amérique.
Ainsi, certains pays sont généralement classés dans la catégorie des pays émergents : le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, qui constituent le peloton dit BRIC. A ceux-ci s’ajoutent le Mexique, l’Indonésie, la Turquie, l’Afrique du Sud, l’Egypte, le Maroc, l’Argentine… Il existe des variantes à cet acronyme, dont BRICM avec l'ajout du Mexique, BRICS avec l'Afrique du Sud ou BRICI avec l'Indonésie. Depuis 1990, le hit-parade du développement ne se limite plus à la simple comparaison des PIB. Le PIB a été jugé partiel et même partial dans la mesure où il n’évalue que la production économique. La croissance n'est pas nécessairement synonyme de développement dès lors que les richesses qui en résultent ne sont pas réparties de manière équitable. Au PIB est venu donc s’ajouter l’IDH (l’indice de développement humain), créé par le PNUD en 1990, qui présente l’avantage de prendre également en compte l’espérance de vie, le taux d’analphabétisme, le niveau d’études et d’instruction, l’accès à l’eau… Bref, le bien-être individuel et collectif d’une communauté considérée.
Les monarchies du Golf et d’autres pays de l’Amérique Latine ont un PIB par habitant proche de la moyenne de celui de l’Union Européenne (c’est par exemple le cas du Koweït) sans pour autant être, toutefois, considérés comme pays émergents. L’explication se trouve dans le fait que l’émergence est un phénomène structurel et durable. Aussi longtemps que ces pays n’auront pas prouvé leur capacité à diversifier leur production pour se défaire d’une trop grande dépendance vis-à-vis des exportations primaires basées sur les hydrocarbures et les minerais, ils ne peuvent pas être classés dans la catégorie des pays émergents.
Un revenu intermédiaire (supérieur aux pays les moins avancés, inférieur aux revenus des économies de l'OCDE) est la caractéristique principale d’un pays émergent comme dit plus haut. Ce revenu provient, dans la quasi-totalité des pays émergents : des institutions stables, du strict respect du droit de la propriété privée, d’une ouverture économique sur le marché international (qui suppose l’exportation des produits finis issus de l’industrie locale et des services), de l’absence de corruption, de transformations structurelles et institutionnelles de grande ampleur, d’un grand potentiel de croissance et d’un certain niveau de développement humain impliquant des soins de santé et une éducation de qualité. On a observé également chez les pays émergents qu’après avoir atteint la souveraineté alimentaire, la part de l’agriculture dans le PNB (produit national brut) régressait progressivement au profit de l’industrie et des services. Une régression notable du chômage accompagnait généralement ces mutations.
Comment devient-on pays émergent ?
Il n’existe pas de recette précise pour émerger. Cependant, l’étude du parcours de l’émergence du BRIC et des dragons asiatiques permet d’identifier cinq piliers communs pouvant expliquer leurs prouesses :
- la réforme agraire qui engendre une classe moyenne capable de constituer une demande interne justifiant le décollage industriel ;
- l’industrialisation axée sur la promotion des exportations ;
- la diversification de la production nationale privilégiant les produits à forte valeur ajoutée (électronique, textile, électroménagers…) rendue possible grâce à l’appropriation des technologies des pays industrialisés. Cette production porte essentiellement sur des biens destinés à l’exportation après avoir satisfait à la demande intérieure. La pénétration du marché extérieur est mise sur un avantage comparatif décisif : une main-d’œuvre qualifiée, abondante et bon marché ;
- le dosage stratégique du libéralisme et de l’interventionnisme direct et actif a caractérisé l’ensemble du modèle d’émergence asiatique : l’Etat construit les infrastructures indispensables à l’industrialisation, choisit les secteurs prioritaires pour l’industrialisation, détermine l’orientation scolaire par rapport aux besoins de l’industrialisation ;
- la généralisation de la scolarisation visant l’atteinte des taux d’alphabétisation élevés.
La combinaison de tous ces facteurs a conduit un pays comme la Corée du Sud à afficher des taux de croissance annuelle supérieurs à 8% sur une période de plus de 25 ans. Sur une période identique les nouveaux pays industrialisés ont quadruplé leur revenu par habitant.
Concernant l’Afrique, Joél Munkeni (op.cit. p.488) cite A.Janneh qui identifie quatre vecteurs susceptibles de déclencher son décollage économique, lesquels ne s’écartent pas du schéma qui vient d’être présenté, bien au contraire :
- l’accélération de l’intégration régionale ;
- l’établissement d’une meilleure planification faisant pleinement intervenir le secteur privé ;
- la diversification de l’économie en termes sectoriel et géographique ;
- la mobilisation des ressources pour financer le développement.
Où se positionne la RD Congo par rapport à ces déclencheurs ?
A en croire La Revue Congo-Afrique dans l’article précité, il est dit qu’en matière d’intégration économique, selon le classement de la Commission Economique pour l’Afrique, la RDC occupe la 6ème place sur 20 pays, la 2ème place sur 14, la 2ème place sur 3 et la 4ème sur 10, pour ce qui est des efforts fournis pour l’intégration respective au sein de la SADC, du COMESA, de la CEPGL et de la CEE (Communauté Economique Européenne). Ceci est une performance pour un pays post-conflit. Mais, cette intégration ne constitue pas encore un déclencheur décisif pour la RDC dans la mesure où aucune de ces entités sous-régionales, n’a encore atteint les objectifs pour lesquels elle a été créée.
En effet, d’après le rapport de suivi de mise en œuvre de la Stratégie de Réduction de la Pauvreté (SRP), cité par Joël Munkeni, le système national de planification a connu des innovations assez louables à ce jour caractérisées notamment par la mise en place d’un cadre institutionnel de pilotage de la SCRP, le renforcement des capacités de l’Institut National de Statistiques (INS), l’Observatoire Congolais de la Pauvreté et des Inégalités (OCPI) et la Plate-forme de Gestion de l’Aide et des Investissements (PGAI)… dont les cellules et comités sont disséminés à travers tout le pays, lesquels ont permis d’ailleurs le suivi de l’avancement des déclencheurs du Point d’Achèvement de l’Initiative-Pays Pauvre Très Endettés, I-PPTE. Ces efforts restent cependant insuffisants en l’absence d’une Stratégie Nationale de Développement et d’un Organe Central de Planification du Développement.
La diversification de toute économie suppose la conjonction de trois facteurs- clés : la présence des ressources et des matières premières, l’existence des voies d’accès aux ressources et aux marchés, la présence d’une densité suffisante de la population à la fois consommatrice et main-d’œuvre qualifiée. La densité moyenne des populations en RDC est d’environ 21 hab/km2, elle ne dépasse pas 2 hab/km2 en certains endroits du pays, ce qui pose un sérieux problème de diversification géographique de son économie.
La production agricole ne couvre qu’à peine 40% des besoins alimentaires internes, le reste, soit 60%, devant être couvert par des importations qui coûtent au pays environ 300 millions de dollars américains chaque année. L’industrialisation de l’économie n’est pas l’affaire des seuls fils du pays. Le Japon a orienté l’aide reçue des Etats-Unis après la Seconde Guerre Mondiale, essentiellement à sa reconstruction et à l’éducation. De même que des réformes structurelles dans les systèmes d’enseignement ont permis aux pays émergents d’avoir une main-d’œuvre qualifiée. Un climat des affaires attractif et la présence d’une main-d’œuvre qualifiée sont à la base des investissements directs étrangers massifs, en général, et, en particulier, des délocalisations dont ils ont profité. 60% des exportations chinoises à ce jour sont constitués des produits sous licences occidentales.
Quelques chiffres-clés permettant la comparaison entre la RDC et trois pays émergents
Facteurs
RDC
Afrique du Sud
Brésil
Chine
Indice de Développement Humain (2011)*
0,233
0,597
0,699
0,663
Rang au classement mondial IDH
168
110
73
89
Revenu National Brut par Habitant (2011)
291
9812
10 607
7258
Structure du Produit Intérieur Brut, PIB
►Agriculture (primaire) %
55
3,6
10,1
13,8
►Industrie (secondaire) %
11
31
38
52,9
►Services (tertiaire) %
34
65,2
51
33,3
Espérance de vie à la naissance
48 ans
52 ans
72,9 ans
73,5 ans
Durée moyenne d’études
3,8 ans
8,2 ans
7,2 ans
7,5 ans
Taux d’analphabètes (2006-2010)
30-49%
10-29%
10,4%
9,9%
Classement Climat des affaires (doing business 2011)
175
34
127
33
*L’indice varie de 0 à 1.
Sources : IDH 2010, FMI, rapport 2010, Doing Business 2011 et Encyclopédies Wikipédia et Etats et territoires.
Ce tableau montre que l’économie de la RDC est encore essentiellement basée sur le secteur primaire, c’est-à-dire, la production et l’exportation des matières premières d’origine agricole ou minière, sans valeur ajoutée significative, contrairement à la Chine dont la production industrielle dépasse 52% de son PIB. On est surpris de constater que l’économie de l’Afrique du Sud est basée à plus de 65% sur les services, c’est-à-dire, la vente du savoir- faire. L’espérance de vie d’un Congolais à la naissance est de 48 ans contre 74 ans pour un Chinois qui vient au monde. Un Congolais justifie d’à peine quatre années d’études primaires quand un Chinois a en moyenne terminé le cycle d’orientation. Le taux d’analphabètes en RDC concerne la moitié de la population contre -10% en Chine.
Tous ces facteurs mis ensemble, on se rend compte combien le chemin qui reste à parcourir est long avant que la RD Congo puisse prétendre au statut des pays émergents.
Qu’est-ce qui a été fait sur le chemin de l’émergence au cours des dix dernières années en RDC ?
D’un Etat en banqueroute, infréquentable et ayant cessé d’honorer ses engagements vis-à-vis de la Communauté financière internationale depuis plus de dix ans, voici le bilan des réalisations sur le plan économique dressé par le Président depuis son avènement au pouvoir en 2001. Les chiffres avancés sont recoupés avec d’autres sources crédibles bien qu’un chiffre ait donné lieu à contestation de la part d’une catégorie socioprofessionnelle, la Magistrature.
- Le retour à la croissance économique : négative de moins 6,8% de 1992 à 1995, elle était passée à moins 3,9% pour les cinq années suivantes et depuis 2001, par contre, la RDC a renoué avec une croissance positive. Son taux est passé de 5,6% en 2006 à 7,2% en 2010.
- Le PIB, qui se situait à 4,3 milliards de dollars en 2000, a atteint le seuil de 12,5 milliards de dollars en 2009, soit trois fois plus, en moins d’une décennie.
- Le taux d’inflation qui était de 9000% en 1996, a été ramené à 9,89% à la fin de l’année 2010.
- La RDC a été admise au Point d’Achèvement en juillet 2010, au terme de sept ans d’importantes réformes institutionnelles et structurelles et de sacrifices louables de notre peuple.
- Le stock nominal de la dette extérieure du pays a été ramené de 13,7 milliards de dollars à seulement 3,5 milliards, soit une réduction de 74%, ce qui rend la charge actuelle de notre dette soutenable, le stock résiduel ne représentant plus que 26% du PIB, contre 134% auparavant.
- Le confort du niveau des réserves internationales est passé de 78,55 millions de dollars au 31 décembre 2008 à 1,002 milliard en 2009, avant d’atteindre 1,395 milliards en 2010.
- Le budget de l’Etat est passé de 721 millions 814 mille Franc Congolais (FC) en 2006 à 6.746 milliards 324 millions de FC en 2011. Plus de 4 milliards de dollars du budget 2011 proviennent des ressources internes du pays, soit quatre fois plus qu’en 2006.
- Le salaire de l’huissier, qui était de 865 FC en 2005, est aujourd’hui de 35.000 FC.
- Le salaire des médecins est passé de 150 dollars en 2006 à 200 dollars en 2007, puis à 500 dollars en 2008, pour atteindre 700 dollars en 2009.
- Le salaire des magistrats est passé de 704 dollars en 2006, à 1.414 dollars en 2007, puis à 1.450 dollars en 2008, avant d’atteindre 1.600 dollars en 2009.
- Le salaire des professeurs d’université est passé de 8 dollars en 1997 à 200$ en 1998, à 300$ en 2006, puis à 500$ en 2009, à 1500$ en 2010 et à 2.200$ en 2011.
- De décembre 2006 à mai 2011, sur un réseau national de 58.129 km, 5.961,44 km ont été totalement réhabilités sur l’ensemble du pays. Les travaux se poursuivent sur 12.023 autres km.
- Plus de 1.294 km de voirie urbaine sur un total de 7.400 km ont été réhabilités et revêtus à travers le pays.
- Un pont, long de 444 m a été construit sur la Rivière Loange et un autre sur la Nationale n° 1 à l’entrée de Matadi.
- Des ponts mobiles, bacs, vedettes et bateaux de transport sont en cours de déploiement à travers le pays.
- la réhabilitation des ports de Matadi, de Mbandaka, de Kalemie, de Kisangani, de Kalundu et d’Ilebo, ainsi que celle, en vue de leur modernisation, des aéroports de N’Djili, de Goma, de la Luano, de Kisangani, de Moanda, de Kolwezi et de Kavumu ont démarré ou vont bientôt l’être.
- La relance des activités ferroviaires à la SNCC est une réalité ainsi que la réhabilitation de plusieurs unités flottantes de la Société Nationale des Transports et des Ports, ex-ONATRA.
- L’acquisition du matériel de génie civil sur fonds propres par l’OVD et l’Office des Routes va permettre de porter de 1.000 à 3.000 kms la longueur des routes en terre ouvertes ou réhabilitées par an.
- La mise en place du Foner avec une capacité de mobilisation de 60 millions USD par an permet déjà d’assurer l’entretien des routes récemment réhabilitées.
- De 2009 à 2011, 3.000 tracteurs avec accessoires ont été distribués à travers les provinces permettant une forte croissance de la production agricole de nos 11 provinces qui, d’à peine 1% en 2007, a atteint 7,7% en 2010. La contribution du secteur agricole au produit intérieur brut s’en ressent également. Quasi nulle de 2001 à 2005, cette contribution n’a cessé de croître, au point de représenter 26%, pour les quatre années suivantes.
- Des bâtiments universitaires ont été construits à Kindu, Bukavu et Butembo. A Kindu et Bukavu sont les premières universités construites à 100% par l’Etat congolais depuis l’indépendance du pays.
- D’autres bâtiments universitaires datant des années 50 et 60 ont été réhabilités et modernisés, notamment sur les sites de l’Institut des Bâtiments et des Travaux Publics de Kinshasa, de l’Université de Lubumbashi, de l’Université de Kinshasa, de l’Université de Kisangani et de l’Université Pédagogique Nationale.
- De même, 24 ISP et 3 ISPT ont également été réhabilités et modernisés.
- La mise en application progressive, depuis septembre 2010, du principe de la gratuité de l’enseignement primaire.
- 5 écoles techniques-pilotes ont été construites à travers le pays et dotées d’équipements ultramodernes.
- La construction, la réhabilitation et l’équipement de plus de 1.500 autres écoles et centres de formation.
- Plus de 120.000 enseignants supplémentaires ont été mécanisés depuis 2007 faisant ainsi passer l’effectif des enseignants de 185.000 en1985 à 220.000 en 2007, puis à 350.000 en 2011. Soit un triplement des effectifs.
- La suppression des zones salariales a eu pour effet d’améliorer la qualité de l’enseignement et de réduire très sensiblement les mouvements migratoires des enseignants jadis attirés vers les zones où les salaires paraissaient meilleurs.
- 416 Centres de santé, 58 hôpitaux et 15 Instituts supérieurs des techniques médicales ont été réhabilités, tandis que la fourniture en équipements médicaux a concerné 105 hôpitaux et 592 Centres de santé.
- Les travaux de réhabilitation des hôpitaux de référence se poursuivent à plusieurs endroits du pays dont Gemena et Mbandaka.
- L’Hôpital du Cinquantenaire est un ouvrage unique en son genre dans toute la sous-région de l’Afrique centrale.
- L’amélioration de la desserte en eau : 33 ateliers de forage sont en cours de livraison à travers le pays.
- Dans le domaine de l’électricité, le taux global de desserte est passé de 6 à 9%.
- La construction de la centrale électrique de Kakobola d’une puissance de 9,3 MW, de la centrale de Katende d’une puissance de 64 MW et de la centrale de Zongo II avec 140 MW. A ce jour, 6 millions d’habitants ont l’électricité dans leur maison.
Le Chef de l’Etat conclut ce bilan par ces paroles : « Le défi reste immense, mais la volonté de le relever est évidente.»
Ce qui n’a pas été fait
Le Congo ne peut encore se targuer d’avoir une quelconque politique en matière de répartition équitable des richesses entre ses fils. Le Président n’est pas à l’aise sur cette question et il l’avoue : « Le pouvoir d’achat de la plupart de nos frères et sœurs demeurant en deçà des attentes, nous nous sommes jusque-là abstenus de rendre compte de ce qui a été accompli à cet égard ». Il en est de même du secteur de l’éducation censé pourvoir le pays en une main-d’œuvre qualifiée attractive pour des investissements et des délocalisations profitables.
En effet, dans son discours de Kingakati, le Chef de l’Etat mentionne les apports matériels à nos écoles, mais élude la question de la qualité de nos diplômes dont la réputation à l’extérieur n’a pas évolué depuis qu’il est au pouvoir. Mais, ce problème ne concerne pas que le Président de la République. Eut égard aux efforts fournis en matière d’augmentation des salaires et d’autres avantages aux professeurs, il y a lieu d’interroger la conscience de ces derniers, quant à la contrepartie qu’en tirent les contribuables congolais, qui sont en même temps des parents, en termes de la ‘qualité de notre enseignement’. On n’assiste pas aux débrayages pour des motifs autres que le salaire et les avantages personnels. Le salaire est-il le seul facteur du redressement de notre système d’enseignement ? Cette question vaut son pesant d’or, car on constate souvent que les projets de budget introduits ça et là par la majorité de nos institutions d’enseignement, tous degrés confondus, ne comportent qu’une seule rubrique : les rémunérations et les avantages qui sont parfois pudiquement appelés « frais de fonctionnement » !
Corruption et tracasserie fiscale en tête de liste
Non classable hier, notre pays est passé timidement de la dernière place à la 179ème en 2009 et puis cette année à la 175ème place au classement Doing business. Les causes principales de l’absence d’une progression marquante sur ce classement restent malheureusement les mêmes : la corruption et les tracasseries fiscales contre lesquelles les stratégies effectives de lutte marquent toujours les pas et le non-respect des engagements pris avec les investisseurs (le syndrome du perpétuel recommencement dont parlait le Président).
En février 2008, le Centre D’études Juridiques Appliquées, CEJA, de l’Université Catholique du Graben au Nord-Kivu, a publié sur Internet, une étude révélant que dans la ville de Butembo, sur un échantillon de quarante et une (41) catégories d’impôts exigés et recouvrés, dans le secteur du commerce extérieur, trente-deux (32) n’avaient pas de fondement juridique.
Par ailleurs, dans le secteur du transport, sur vingt (20) impôts et taxes, cinq (5) étaient illégaux. L’une de ces taxes illégales, s’appelait « taxe de dépotage », son coût variait entre 10 et 20$ par container. C’est une même taxe, mais qui porte 14 appellations différentes selon l’autorité qui la prélève ou sa destination, en violation flagrante du sacro-saint principe de l’impôt « NON BIS IN IDEM » : 1) Ofida/Butembo dépotage, 2) Taxe Occ/Butembo dépotage, 3) Taxe, Auditorat dépotage, 4) Taxe Anti-fraude dépotage, 5) Taxe Province dépotage, 6) Taxe Crime économique dépotage, 7) Taxe de Commerce extérieur dépotage, 8) Taxe Service économique dépotage, 9) Taxe Police Nationale Congolaise dépotage, 10) Taxe Militaire dépotage, 11) Taxe Hydrocarbure dépotage, 12) Taxe Parquet au dépotage,Taxe Hygiène au dépotage, 13) Taxe Energie dépotage, 14) Taxe F.P culturel au dépotage.
Que l’on se rappelle qu’en 1997, M’Zee Laurent-Désiré Kabila a trouvé dans ce pays 1090 taxes décentralisées recensées par PRAIGEFI (Banque Mondiale). En juillet 1998, il prendra le décret-loi n°089 ramenant ces taxes à 71. Où en est-on en 2011, soit 13 ans après ?
Lors du Conseil des Ministres du 20 mai de cette année, le Gouvernement instruisait le Ministre des Finances de procéder à la suppression de 46 taxes illicites frappant l’entrée des marchandises en RDC. Et le Ministre lui-même signalait dernièrement, selon le Soft, l’existence de 112 taxes, impôts et redevances en RDC contre une dizaine chez nos voisins. Donc, on en est toujours à se lamenter, rien ne presse !
Notons que, selon une étude menée conjointement par la BAD et l’OCDE sur la politique fiscale de 50 pays africains, publiée en mai dernier, les prélèvements fiscaux en RDC n’atteignent pas 15% de son PIB. Ce pourcentage minimal est pourtant considéré comme le seuil de viabilité fiscale d’un pays. Le Gabon est au-dessus de 35%. Le Congo collecte 11 $US d’impôt par habitant contre 4865 en Guinée Equatoriale, selon cette même étude.
Le schéma Kabila pour gagner le pari de l’émergence du Congo
Dans son discours, le Président Joseph Kabila reconnaît que gagner le pari de l’émergence est une tâche ambitieuse dont le plan de mise en œuvre sera communiqué au Peuple dans les jours à venir. Dans ce discours, il se contente d’en présenter les objectifs stratégiques, tout en précisant, d’entrée de jeu, la nécessité de poursuivre et d’approfondir les transformations déjà engagées dans divers secteurs de la vie nationale. L’examen de ces objectifs par rapport au schéma théorique d’émergence tel qu’exposé ci-haut nous permettra d’apprécier la pertinence scientifique de la démarche du Chef de l’Etat. Et nous n’estimons pas nécessaire de commenter ces propos, laissant ainsi le soin à tout esprit objectif de se faire son propre jugement.
A propos de la généralisation de la scolarisation visant l’atteinte des taux d’alphabétisation élevés
« Pour tout pays, le capital humain est l’atout majeur pour l’émergence; la classe moyenne, le moteur de la croissance; le patriotisme et la moralité, des gages de bonne gouvernance. C’est pourquoi, au cours du mandat qui vient et au-delà, nous entendons faire de l’éducation et de la formation à la citoyenneté, la première de nos priorités. Convaincu que pour être un facteur de modernisation, l’éducation doit être reformatée en fonction de nos réalités, ainsi que des besoins et des ambitions du Congo». Il y a lieu d’espérer que cette éducation civique réservera une place de choix au respect de la propriété privée, qu’elle soit d’origine congolaise ou étrangère. Le pays doit, en effet, prendre un engagement solennel que plus jamais les biens d’autrui ne seront ni zaïrianisés, ni pillés, car se sont justement ces faits-là qui ont stoppé l’industrialisation naissance de ce pays.
Au sujet de la réforme agraire qui engendre une classe moyenne, laquelle à son tour constitue une demande interne qui justifie le décollage industriel
« Pour son émergence, notre pays doit s’imposer de devenir un véritable grenier agricole. Aussi, la Révolution de la Modernité fixe-t-elle à 2020, l’horizon pour l’accession de la République Démocratique du Congo au statut de puissance agricole. C’est à la fois un préalable à sa puissance industrielle et le fer de lance d’une lutte efficace contre la pauvreté. Le choix de cette option se justifie amplement, vu l’immense potentiel agricole non exploité du pays. Sur 80 millions d’hectares arables disponibles, 11 millions seulement sont aujourd’hui mis en valeur, dans un contexte marqué par des conflits fonciers récurrents, l’absence de financement, et le délabrement des routes de desserte agricole. Priorité sera accordée à la solution de ces trois problèmes. Par-delà l’augmentation de la production agricole, la modernisation du monde rural sera un objectif spécifique… La deuxième démarche aura pour objet, des actions spécifiques à l’intention des quatre groupes cibles: la jeunesse, la fonction publique nationale et provinciale, les acteurs de l’économie informelle et les exploitants agricoles. Une des actions-phare, à l’intention de tous ces groupes, sera la création, en leur sein, d’incubateurs d’excellence…l’organisation d’un meilleur accès au crédit, à la propriété foncière et immobilière, pour stimuler la consommation et créer l’émulation. »
Concernant l’industrialisation axée sur la promotion des exportations et la diversification de la production nationale privilégiant les produits à forte valeur ajoutée
« L’ambition d’un Congo émergent passe aussi et nécessairement par l’industrialisation.
A cette fin : nous chercherons la maximisation de la plus-value par la transformation sur place des matières premières et le recours à la fiscalité pour décourager l’exportation des produits à l’état brut. »
A propos du dosage du libéralisme et de l’interventionnisme caractérisés par la construction des infrastructures, l’orientation scolaire par rapport aux besoins de l’industrialisation
« Il nous a fallu, ensuite, et toujours en urgence, créer un environnement propice au développement des investissements et du secteur privé, à la création des emplois et à l’amélioration de la qualité des services publics, particulièrement la desserte en eau et en électricité, l’éducation et la santé. D’où, le lancement du vaste programme des Cinq Chantiers de la République qui, en plus des secteurs cités ci-haut, concerne aussi les infrastructures, le logement et l’emploi. »
- L’accélération de l’intégration régionale
« La localisation de ces bassins sédimentaires met en évidence la vocation de la RDC à favoriser l’intégration économique africaine et la nécessité de créer des zones d’intérêts communs avec les pays frontaliers, pour une exploitation en commun des blocs pétroliers, tout en retirant une part équitable des bénéfices pour notre propre pays. »
- La planification de l’économie
« Gage du développement de notre pays, nos ressources naturelles seront, à travers des structures appropriées, répertoriées, explorées, évaluées et sécurisées pour un financement optimal du programme de développement et un bénéfice maximal pour la nation. La priorité sera accordée à la voie nationale, pour l’évacuation de la production minière, agricole et manufacturière de toutes les provinces, afin de profiter des économies d’échelle, réduire les coûts de transport et améliorer la compétitivité internationale de nos exportations.»
- La mobilisation des ressources pour financer le développement.
« Nous privilégierons la mise à contribution de nos ressources naturelles pour mobiliser les financements nécessaires à l’industrialisation, de manière à éviter le piège du surendettement bancaire et la perte de notre souveraineté. Nous entendons faire de la République Démocratique du Congo une puissance énergétique et environnementale, en phase avec les préoccupations de développement durable, et acquise à un modèle de croissance économique respectueux des écosystèmes et de l’environnement. Cet important potentiel d’énergie renouvelable et non-polluante présente également de grandes opportunités de financement carbone dans le cadre du Mécanisme de Développement Propre…La puissance énergétique de la RDC sera aussi développée à partir de son potentiel en hydrocarbures. »
A propos de la stabilité des institutions sans laquelle aucun développement n’est possible
« Ce développement ne sera cependant possible que si la paix et la stabilité règnent à l’intérieur de nos frontières, autant que dans la région des Grands-Lacs…Nous devons donc parfaire ce qui a déjà été réalisé pour donner à notre pays une armée nationale républicaine puissante, dissuasive, professionnelle, motivée, et bien équipée pour la défense du territoire national. En appui à la puissance militaire, nous développerons une diplomatie à la hauteur des enjeux.»
De cette analyse, une seule conclusion s’impose : il ne peut être reproché au Chef de l’Etat d’avoir abordé la question de l’émergence du Congo avec légèreté. On est même agréablement surpris de voir que le Président est allé jusqu’à se poser la question de savoir : quand nous parlons du développement de notre pays, de quel développement s’agit-il exactement ? Voici sa réponse : « Le danger, que l’émission inconsidérée de gaz à effet de serre fait courir à l’humanité, a non seulement remis en cause le modèle classique de développement…Pour ce faire, nous entendons faire de la République Démocratique du Congo une puissance énergétique et environnementale, et acquise à un modèle de croissance économique respectueux des écosystèmes et de l’environnement. » Le problème posé ici par le Chef de l’Etat, et nous devrions tous en être dès lors et déjà conscients, est celui qui consiste à prendre en compte le fait que notre planète n’a pas assez de ressources pour garantir à chacun d’entre nous le mode de vie de l’Américain d’aujourd’hui dont l’empreinte écologique, selon les estimations de WWF, équivaut à 9,4 hectares. En d’autres termes, pour couvrir tous les besoins des Occidentaux et se débarrasser des déchets issus de leur mode de vie, il faut en moyenne 9,4 hectares de la superficie de notre planète pour chacun d’entre eux. De telle sorte que si tous les habitants de la terre adoptaient le même mode de vie occidental, il faudrait alors disposer de plusieurs planètes comme la Terre pour y faire face ! Le développement de demain sera peut-être mesuré par rapport au bonheur et à la joie de vivre des peuples : un peuple qui possède, mais qui en même temps bat tous les records de suicide, est-il développé ou non ?
De même, le souci de la précision est frappant quand on considère les dates avancées dans ce discours quant à l’atteinte des objectifs qu’il se fixe. Sous cet angle, on constate que l’année 2030 où le Chef de l’Etat voit le passage du Congo au statut des pays émergents, n’est pas le fait du hasard non plus. En effet, une étude de Pricewaterhouse Coopers publiée en janvier 2010 situe ce qu’elle appelle le "Switching Wealth" ("le basculement de la richesse") en 2030, en précisant que c’est autour de cette année-là justement que, pour la première fois, l’économie chinoise dépasserait celle des Etats-Unis au classement mondial. On comprend dès lors que c’est en ayant un regard fixé sur cette date que d’ores et déjà le Congo a décidé de marcher la main dans la main avec la Chine ! Le Congo peut se permettre de planifier son émergence sur 20 ans au lieu de 30 à 40 comme les autres, car la miniaturisation de l’industrialisation permet aujourd’hui d’aller plus vite. Hier, toutes les grumes coupées en Province Orientale, dans le Bandundu et à l’Equateur devaient être acheminées à Kinshasa pour y être sciées. Aujourd’hui, on peut transporter la scierie au pied de l’arbre abattu !
Nous devons garder à l’esprit que le pays continuera à enregistrer d’énormes manques à gagner aussi longtemps qu’il se contentera d’exporter les matières premières en l’état brut. Illustrons cela par deux exemples. Si le Congo exporte une tonne de minerai de cuivre brut d’une teneur de 5%, il la vendra au prix de $ US 400. S’il exporte une tonne de cuivre raffinée, la tonne sera vendue à $ US + 8000 (devenu possible aujourd’hui grâce à l’intransigeance du Gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi qui, dès son entrée en fonction, s’est opposé farouchement à toute exportation des hétérogénéites), tandis que le Congo achètera au prix d’environ $ US 19000 une tonne de câble électrique en cuivre (soit 5 km de câble de 25,5mm2). Il en sera de même d’un diamant de 5 carats que le Congo exportera brut au prix de $ US 1875. Ce même diamant taillé à Anvers ou à Tel-Aviv coûtera presque $ US 7000 ! Voilà comment un pays qui se contente d’exporter ses matières à l’état brut se prive de la valeur ajoutée de sa production et contribue ainsi au développement des autres tout en se maintenant soi-même dans le sous-développement ! C’est ce que nous faisons depuis plus d’un siècle déjà ! Ces matières ne sont pourtant pas inépuisables.
Faire du Congo une puissance émergente n’est pas une « ambition trop grande, vu la dotation qu’il a reçue du Créateur », dit le Chef de l’Etat.
Par Frédéric Kabasele
Expert Comptable
Membre de l’Institut des Réviseurs Comptables, IRC (rdc)
fkabaselet@yahoo.fr
http://www.dia-afrique.org/index.php?option=com_content&view=article&id=788:rd-congo--pays-emergent-&catid=31:general&Itemid=46
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lundi 31 octobre 2011
RD Congo : qu’attendre des élections du 28 novembre ?
(Le Monde 31/10/2011)
Les élections en République démocratique du Congo sont prévues le 28 novembre prochain. Si les délais sont tenus, il s'agira d'un tour de force en matière d'organisation. Le pays compte 400 partis politiques. 11 candidats à la présidentielle seront en lice et 18 000 pour les législatives. Le duel va principalement opposer le PPRD de Joseph Kabila et l'UDPS d'Etienne Tshisekedi. Les risques de débordements post-électoraux ne sont pas exclus.
1. DE GRANDES DIFFICULTÉS LOGISTIQUES
[%Pixel%]Répondant aux doutes nombreux exprimés par les partis politiques et les chancelleries étrangères, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) vient de confirmer que la campagne électorale sera ouverte à compter du 28 octobre et que les élections générales se tiendront le 28 novembre. Le doute était permis tant les difficultés d'organisation sont considérables dans cet immense – 5 fois la superficie de la France – avec de nombreux territoires enclavés faute d'infrastructures routières. La logistique représente le premier défi des élections. Sans les moyens considérables mis en place par la Mission des Nations Unies de maintien de la paix (Monusco), forte d'un contingent de 20 000 casques bleus et d'un parc d'aéronefs (plus de 50) qui en fait la troisième compagnie aérienne d'Afrique, les élections ne pourraient pas se tenir. Cet appui est indispensable pour aider à l'enregistrement des 32 millions d'électeurs, puis au transport du matériel électoral dans les 62 000 bureaux de vote et enfin pour le contrôle du scrutin. Le nombre très élevé des candidats aux législatives, arrêté à 18 000 et à 11 pour les présidentielles, crée un autre défi pour l'impression et la distribution des bulletins de vote.
Le scepticisme reposait aussi sur les capacités opérationnelles de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), dirigée par le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, proche de Joseph Kabila. Depuis six mois, elle a été l'objet de nombreuses critiques. L'enrôlement des électeurs prévu pour le 28 Février dernier a été reporté au mois de juin. La publication tardive des annexes de la loi électorale, qui déterminent le nombre de sièges parlementaires par circonscription, a retardé la révision et la validation des électeurs inscrits sur le fichier électoral. Des centaines de milliers de doublons ont été trouvées dans le fichier électoral. Les partis d'opposition ont trouvé de nombreux motifs pour attaquer la CENI.
2. KABILA SEUL CONTRE TOUS
Joseph Kabila, au pouvoir depuis dix ans (nommé en 2001 à la mort de son père assassiné, puis élu en 2011 contre Jean-Pierre Bemba), est candidat à sa propre succession. Il se présente comme candidat indépendant, mais personne n'est dupe. Il bénéficie des relais de l'administration, son parti contrôlant les postes de gouverneurs dans les onze Province. Certes, il n'a pas de fief régional, et les provinces qui lui étaient favorables (Katanga, Maniema, Nord et Sud Kivu ne le sont probablement plus) mais il peut gagner avec la dispersion de l'opposition car le scrutin est à un seul tour.
En janvier 2011, le pouvoir est parvenu à faire voter en force, mais dans le respect de la légalité constitutionnelle, une réforme du scrutin présidentiel, le faisant passer de deux à un tour. L'opposition s'est brutalement trouvée contrainte d'adopter une stratégie d'union dès le premier tour, et donc d'empêcher l'expression des diverses sensibilités que ses partis et ses personnalités représentent. Les grandes manœuvres ont commencé très tôt. Au cœur du maelstrom quelques personnalités dominent le jeu électoral. Ils forment le "triangle nucléaire". Etienne Tshisekedi, le "sphinx de Limete", revendique le statut d'opposant historique et respecté, celui qui fut maintes fois embastillé sous Mobutu avant d'être brièvement son Premier ministre. Son audience est forte dans la capitale et sa base est dans le Kasaï. Deuxième opposant de taille, le jeune et bouillant Vital Kamerhe, originaire du Sud-Kivu, l'ancien fidèle de Joseph Kabila qui le fit président de l'Assemblée nationale avant de tomber en disgrâce en 2009, mais devenu pour cette raison encore plus ambitieux. Léon Kengo wa Dondo, plusieurs fois Premier ministre de Mobutu, président très respecté du Sénat, prudent à l'extrême, adopte une posture gaullienne, depuis qu'il s'est déclaré candidat, avançant que l'intérêt supérieur de la nation est en jeu. Kengo a la stature d'un homme d'Etat mais son assise partisane est modeste. Jean-Pierre Bemba, accusé en mai 2008 par la Cour pénale internationale de crimes contre l'humanité commis par ses troupes en Centrafrique, embourbé dans son procès au Tribunal de la Haye, est hors-jeu, mais, contrôlant le deuxième parti du pays, le MLC, il tente de peser dans le jeu des alliances.
3. UN SCRUTIN À HAUTS RISQUES
L'opposition acceptera-elle le verdict des urnes s'il lui est défavorable ? Rien n'est moins certain. Le lendemain du scrutin, la situation risque d'être très difficile. La victoire de Joseph Kabila pourrait laisser place à une vague de contestation qui sera difficile à contenir. Toutes les régions sont susceptibles de connaître des remous post-électoraux, tout particulièrement les provinces les plus sensibles : les deux Kivu en raison de la persistance du conflit, le Katanga la Province frondeuse, la Province orientale caractérisée par une forte insécurité et Kinshasa, la poudrière sociale. L'opposition congolaise a déjà fait montre de sa capacité mobilisatrice notamment à Kinshasa et Lubumbashi. Goma, Bukavu, Mbuji-Mayi et Kananga ne manqueront pas de soutenir une manifestation politique de l'opposition. Elle se préparerait déjà à contester les résultats. Sa stratégie est simple : dénoncer toutes les tentatives de tricheries et toutes les maladresses du pouvoir et de la CENI, multiplier les manifestations de rue et pousser le pouvoir à la faute en vue de le discréditer aux yeux de la population comme de l'étranger.
D'aucuns craignent que le Congo replonge dans la situation du début des années 1990 quand Mobutu au pouvoir, était placé dans l'incapacité de gouverner au point qu'il avait choisi d'aller vivre à Kawele loin des débordements politiques de l'opposition. Mobutu avait le contrôle de toute l'armée zaïroise. Ce qui n'est plus le cas avec le pouvoir actuel qui n'a pas le contrôle sur toutes les unités des forces de sécurité, dont certaines sont formées d'anciens groupes rebelles encore mal intégrés.
4. UN GOUVERNEMENT INTROUVABLE
Un Président sera élu, mal car avec probablement un score inférieur à 50%. Il devra alors hercher sa vraie légitimité dans une majorité parlementaire qui sera difficile à former. En effet, les législatives sont encore au scrutin proportionnel. Ce fut une victoire des députés contre le gouvernement qui tenta de réformer le code électoral en établissant un scrutin majoritaire et forcer ainsi le jeu politique à s'organiser autour de deux pôles. Le résultat des législatives se traduira certainement par l'émiettement du parlement dans divers courants, incapables de s'accorder sur un programme minimal de gouvernement. Il faudra au Président élu des semaines avant de former un gouvernement.
Les élections générales, provinciales, puis locales, qui devraient normalement, si les délais constitutionnels sont respectés, s'étaler de novembre 2011 à début 2013, peuvent-elles être l'occasion pour l'élite congolaise d'une prise de conscience des vrais défis politiques du pays et d'un engagement à "servir avant de se servir", pour paraphraser Mobutu ? Pour la population, avec une dose de dépit, elles devraient être le moment de mesurer le fossé entre les promesses entendues lors des élections de 2006 et les réelles avancées enregistrées dans la reconstruction du pays.
Point de vue
par Pierre Jacquemot, chercheur associé à l’IRIS
| IRIS | 31.10.11 | 09h37
© Copyright Le Monde
Les élections en République démocratique du Congo sont prévues le 28 novembre prochain. Si les délais sont tenus, il s'agira d'un tour de force en matière d'organisation. Le pays compte 400 partis politiques. 11 candidats à la présidentielle seront en lice et 18 000 pour les législatives. Le duel va principalement opposer le PPRD de Joseph Kabila et l'UDPS d'Etienne Tshisekedi. Les risques de débordements post-électoraux ne sont pas exclus.
1. DE GRANDES DIFFICULTÉS LOGISTIQUES
[%Pixel%]Répondant aux doutes nombreux exprimés par les partis politiques et les chancelleries étrangères, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) vient de confirmer que la campagne électorale sera ouverte à compter du 28 octobre et que les élections générales se tiendront le 28 novembre. Le doute était permis tant les difficultés d'organisation sont considérables dans cet immense – 5 fois la superficie de la France – avec de nombreux territoires enclavés faute d'infrastructures routières. La logistique représente le premier défi des élections. Sans les moyens considérables mis en place par la Mission des Nations Unies de maintien de la paix (Monusco), forte d'un contingent de 20 000 casques bleus et d'un parc d'aéronefs (plus de 50) qui en fait la troisième compagnie aérienne d'Afrique, les élections ne pourraient pas se tenir. Cet appui est indispensable pour aider à l'enregistrement des 32 millions d'électeurs, puis au transport du matériel électoral dans les 62 000 bureaux de vote et enfin pour le contrôle du scrutin. Le nombre très élevé des candidats aux législatives, arrêté à 18 000 et à 11 pour les présidentielles, crée un autre défi pour l'impression et la distribution des bulletins de vote.
Le scepticisme reposait aussi sur les capacités opérationnelles de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), dirigée par le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, proche de Joseph Kabila. Depuis six mois, elle a été l'objet de nombreuses critiques. L'enrôlement des électeurs prévu pour le 28 Février dernier a été reporté au mois de juin. La publication tardive des annexes de la loi électorale, qui déterminent le nombre de sièges parlementaires par circonscription, a retardé la révision et la validation des électeurs inscrits sur le fichier électoral. Des centaines de milliers de doublons ont été trouvées dans le fichier électoral. Les partis d'opposition ont trouvé de nombreux motifs pour attaquer la CENI.
2. KABILA SEUL CONTRE TOUS
Joseph Kabila, au pouvoir depuis dix ans (nommé en 2001 à la mort de son père assassiné, puis élu en 2011 contre Jean-Pierre Bemba), est candidat à sa propre succession. Il se présente comme candidat indépendant, mais personne n'est dupe. Il bénéficie des relais de l'administration, son parti contrôlant les postes de gouverneurs dans les onze Province. Certes, il n'a pas de fief régional, et les provinces qui lui étaient favorables (Katanga, Maniema, Nord et Sud Kivu ne le sont probablement plus) mais il peut gagner avec la dispersion de l'opposition car le scrutin est à un seul tour.
En janvier 2011, le pouvoir est parvenu à faire voter en force, mais dans le respect de la légalité constitutionnelle, une réforme du scrutin présidentiel, le faisant passer de deux à un tour. L'opposition s'est brutalement trouvée contrainte d'adopter une stratégie d'union dès le premier tour, et donc d'empêcher l'expression des diverses sensibilités que ses partis et ses personnalités représentent. Les grandes manœuvres ont commencé très tôt. Au cœur du maelstrom quelques personnalités dominent le jeu électoral. Ils forment le "triangle nucléaire". Etienne Tshisekedi, le "sphinx de Limete", revendique le statut d'opposant historique et respecté, celui qui fut maintes fois embastillé sous Mobutu avant d'être brièvement son Premier ministre. Son audience est forte dans la capitale et sa base est dans le Kasaï. Deuxième opposant de taille, le jeune et bouillant Vital Kamerhe, originaire du Sud-Kivu, l'ancien fidèle de Joseph Kabila qui le fit président de l'Assemblée nationale avant de tomber en disgrâce en 2009, mais devenu pour cette raison encore plus ambitieux. Léon Kengo wa Dondo, plusieurs fois Premier ministre de Mobutu, président très respecté du Sénat, prudent à l'extrême, adopte une posture gaullienne, depuis qu'il s'est déclaré candidat, avançant que l'intérêt supérieur de la nation est en jeu. Kengo a la stature d'un homme d'Etat mais son assise partisane est modeste. Jean-Pierre Bemba, accusé en mai 2008 par la Cour pénale internationale de crimes contre l'humanité commis par ses troupes en Centrafrique, embourbé dans son procès au Tribunal de la Haye, est hors-jeu, mais, contrôlant le deuxième parti du pays, le MLC, il tente de peser dans le jeu des alliances.
3. UN SCRUTIN À HAUTS RISQUES
L'opposition acceptera-elle le verdict des urnes s'il lui est défavorable ? Rien n'est moins certain. Le lendemain du scrutin, la situation risque d'être très difficile. La victoire de Joseph Kabila pourrait laisser place à une vague de contestation qui sera difficile à contenir. Toutes les régions sont susceptibles de connaître des remous post-électoraux, tout particulièrement les provinces les plus sensibles : les deux Kivu en raison de la persistance du conflit, le Katanga la Province frondeuse, la Province orientale caractérisée par une forte insécurité et Kinshasa, la poudrière sociale. L'opposition congolaise a déjà fait montre de sa capacité mobilisatrice notamment à Kinshasa et Lubumbashi. Goma, Bukavu, Mbuji-Mayi et Kananga ne manqueront pas de soutenir une manifestation politique de l'opposition. Elle se préparerait déjà à contester les résultats. Sa stratégie est simple : dénoncer toutes les tentatives de tricheries et toutes les maladresses du pouvoir et de la CENI, multiplier les manifestations de rue et pousser le pouvoir à la faute en vue de le discréditer aux yeux de la population comme de l'étranger.
D'aucuns craignent que le Congo replonge dans la situation du début des années 1990 quand Mobutu au pouvoir, était placé dans l'incapacité de gouverner au point qu'il avait choisi d'aller vivre à Kawele loin des débordements politiques de l'opposition. Mobutu avait le contrôle de toute l'armée zaïroise. Ce qui n'est plus le cas avec le pouvoir actuel qui n'a pas le contrôle sur toutes les unités des forces de sécurité, dont certaines sont formées d'anciens groupes rebelles encore mal intégrés.
4. UN GOUVERNEMENT INTROUVABLE
Un Président sera élu, mal car avec probablement un score inférieur à 50%. Il devra alors hercher sa vraie légitimité dans une majorité parlementaire qui sera difficile à former. En effet, les législatives sont encore au scrutin proportionnel. Ce fut une victoire des députés contre le gouvernement qui tenta de réformer le code électoral en établissant un scrutin majoritaire et forcer ainsi le jeu politique à s'organiser autour de deux pôles. Le résultat des législatives se traduira certainement par l'émiettement du parlement dans divers courants, incapables de s'accorder sur un programme minimal de gouvernement. Il faudra au Président élu des semaines avant de former un gouvernement.
Les élections générales, provinciales, puis locales, qui devraient normalement, si les délais constitutionnels sont respectés, s'étaler de novembre 2011 à début 2013, peuvent-elles être l'occasion pour l'élite congolaise d'une prise de conscience des vrais défis politiques du pays et d'un engagement à "servir avant de se servir", pour paraphraser Mobutu ? Pour la population, avec une dose de dépit, elles devraient être le moment de mesurer le fossé entre les promesses entendues lors des élections de 2006 et les réelles avancées enregistrées dans la reconstruction du pays.
Point de vue
par Pierre Jacquemot, chercheur associé à l’IRIS
| IRIS | 31.10.11 | 09h37
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Zimbabwe - Les députés de la chambre basse votent la nationalisation des mines de diamant de Marange
(Xinhuanet 31/10/2011)
HARARE -- Les membres de la Chambre de l'Assemblée du Zimbabwe (chambre basse) ont adopté une motion prévoyant la nationalisation de toutes les mines de diamant de Marange, malgré la forte résistance des députés du Zanu PF, parti du président Robert Mugabe, a annoncé jeudi la radio publique.
La chambre a adopté cette motion déposée par le député Eddie Cross, du MDC (parti du Premier ministre Morgan Tsvangirai), après un débat houleux entre les parlementaires du Zanu PF, opposés à la motion, et ceux des formations du MDC qui la défendaient.
Les députés du Zanu PF ont fait valoir que la nationalisation de Marange pourrait tourner au chaos, dénonçant de l'hypocrisie de la part des formations du MDC qui prônent par ailleurs depuis longtemps la privatisation d'institutions publiques et assimilées.
Cependant, les députés du MDC ont fait passer cette mesure sur la nationalisation des gisements de Marange, obtenant la majorité face à leurs homologues du Zanu PF dont un certain nombre de députés avaient quitté la chambre prématurément.
Après l'adoption de la motion par la chambre, elle doit être transmise au cabinet pour délibération avant d'être soumise à l' assentiment du président.
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HARARE -- Les membres de la Chambre de l'Assemblée du Zimbabwe (chambre basse) ont adopté une motion prévoyant la nationalisation de toutes les mines de diamant de Marange, malgré la forte résistance des députés du Zanu PF, parti du président Robert Mugabe, a annoncé jeudi la radio publique.
La chambre a adopté cette motion déposée par le député Eddie Cross, du MDC (parti du Premier ministre Morgan Tsvangirai), après un débat houleux entre les parlementaires du Zanu PF, opposés à la motion, et ceux des formations du MDC qui la défendaient.
Les députés du Zanu PF ont fait valoir que la nationalisation de Marange pourrait tourner au chaos, dénonçant de l'hypocrisie de la part des formations du MDC qui prônent par ailleurs depuis longtemps la privatisation d'institutions publiques et assimilées.
Cependant, les députés du MDC ont fait passer cette mesure sur la nationalisation des gisements de Marange, obtenant la majorité face à leurs homologues du Zanu PF dont un certain nombre de députés avaient quitté la chambre prématurément.
Après l'adoption de la motion par la chambre, elle doit être transmise au cabinet pour délibération avant d'être soumise à l' assentiment du président.
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Gabon: Le coup d’Etat avorté de « La Griffe » était imaginaire
(Le Post.fr 31/10/2011) La Griffe et Le Scribouillard, journaux que contrôlent Jean-Pierre Lemboumba Lepandou et Jean-Pierre Oyiba, deux proches d’Ali Ben Bongo Ondimba les présentaient comme les commanditaires d’un coup d’Etat avorté : André Mba Obame, Mgr Basile Mvé Engone, Louis Gaston Mayila, Pierre Claver Maganga Moussavou, Zacharie Myboto, Paulette Oyane Ondo et Marc Ona Essangui. Au Gabon, une telle accusation conduit les auteurs de ces crimes devant la Cour de Sûreté de l’Etat, un tribunal d’exception qui a condamné récemment le général Ntumpa Lebani à de lourdes peines.
Le Scribouillard écrit : « des premiers éléments d’interrogatoire, on apprend que les conjurés devaient bénéficier de solides complicités à l’intérieur comme à l’extérieur du territoire national. Déjà, il se dit que ces complicités se recruteraient aussi bien au sein des forces de sécurité et de défense que dans le gouvernement en place (eh oui), dans l’opposition et dans les rangs de la société civile politisée. »
Sans aucun élément pouvant constituer la preuve de l’implication de ces personnalités, le journal publie à la une leurs photos. L’homme – le mercenaire – chargé d’exécuter la besogne, selon l’hebdomadaire, a pour nom Alexandre Bescos, un citoyen espagnol exploitant forestier bien connu à Lambaréné et ami personnel du défunt Georges Rawiri. Son père qui a séjourné au Gabon pendant plus de trente ans a dû regagner l’Espagne après la mort tragique d’un de ses fils par accident d’avion en l’an 2000.
Mais voilà, l’enquête menée par les agents de la Direction générale de la contre ingérence de la sécurité militaire vient de livrer ses conclusions. Aucun coup d’Etat n’a été envisagé, et encore moins l’idée d’abattre M. Ali Ben Bongo Ondimba comme l’annonçait La Griffe. Détail important, aucune des armes ou munitions publiées par le journal ne figure au dossier. Apparemment les armes de guerre et les munitions qui illustrent l’article ont été recueillis dans un catalogue sur internet. Il s’agit donc d’un grossier montage destiné à créer la psychose et la peur au sein de l’opposition et la société civile à l’heure où on clame haut et fort que « Pas de biométrie, pas d’élection ».
Les autorités militaires et judiciaires ne retiennent d’Alexandre Bescos que trois charges : défaut de carte de séjour, faux et usage de faux, détention illégale d’armes (sept pistolets et cinq fusils de chasse). Les magistrats du parquet de Libreville n’en reviennent pas, eux qui croyaient, après avoir parcouru Le Scribouillard et La Griffe, voir dans les éléments du dossier 3000 munitions de tous calibres, des centaines d’armes dont les armes de poing, des armes lourdes, bref une jolie quincaillerie digne des saigneurs de guerre du Libéria, pour reprendre la formule du Scribouillard. Simple affabulation ou grossière manipulation ? En tout cas les responsables des deux organes de presse devront répondre de leurs actes très prochainement devant les tribunaux.
Voilà où peut conduire l’arme de l’intox utilisée par de piètres communicateurs.
Wait and see.
par François ONDO EDOU
31/10/2011 à 13h04
© Copyright Le Post.fr
Le Scribouillard écrit : « des premiers éléments d’interrogatoire, on apprend que les conjurés devaient bénéficier de solides complicités à l’intérieur comme à l’extérieur du territoire national. Déjà, il se dit que ces complicités se recruteraient aussi bien au sein des forces de sécurité et de défense que dans le gouvernement en place (eh oui), dans l’opposition et dans les rangs de la société civile politisée. »
Sans aucun élément pouvant constituer la preuve de l’implication de ces personnalités, le journal publie à la une leurs photos. L’homme – le mercenaire – chargé d’exécuter la besogne, selon l’hebdomadaire, a pour nom Alexandre Bescos, un citoyen espagnol exploitant forestier bien connu à Lambaréné et ami personnel du défunt Georges Rawiri. Son père qui a séjourné au Gabon pendant plus de trente ans a dû regagner l’Espagne après la mort tragique d’un de ses fils par accident d’avion en l’an 2000.
Mais voilà, l’enquête menée par les agents de la Direction générale de la contre ingérence de la sécurité militaire vient de livrer ses conclusions. Aucun coup d’Etat n’a été envisagé, et encore moins l’idée d’abattre M. Ali Ben Bongo Ondimba comme l’annonçait La Griffe. Détail important, aucune des armes ou munitions publiées par le journal ne figure au dossier. Apparemment les armes de guerre et les munitions qui illustrent l’article ont été recueillis dans un catalogue sur internet. Il s’agit donc d’un grossier montage destiné à créer la psychose et la peur au sein de l’opposition et la société civile à l’heure où on clame haut et fort que « Pas de biométrie, pas d’élection ».
Les autorités militaires et judiciaires ne retiennent d’Alexandre Bescos que trois charges : défaut de carte de séjour, faux et usage de faux, détention illégale d’armes (sept pistolets et cinq fusils de chasse). Les magistrats du parquet de Libreville n’en reviennent pas, eux qui croyaient, après avoir parcouru Le Scribouillard et La Griffe, voir dans les éléments du dossier 3000 munitions de tous calibres, des centaines d’armes dont les armes de poing, des armes lourdes, bref une jolie quincaillerie digne des saigneurs de guerre du Libéria, pour reprendre la formule du Scribouillard. Simple affabulation ou grossière manipulation ? En tout cas les responsables des deux organes de presse devront répondre de leurs actes très prochainement devant les tribunaux.
Voilà où peut conduire l’arme de l’intox utilisée par de piètres communicateurs.
Wait and see.
par François ONDO EDOU
31/10/2011 à 13h04
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Rwanda - Santé : le succès rwandais
(La Libre 31/10/2011)
La politique, innovante, de Kigali en matière de santé publique est une réussite. Bruno Meessen (Institut de médecine tropicale d’Anvers) nous dit pourquoi.
Bruno Meessen, chercheur à l’Institut de médecine tropicale d’Anvers, a coordonné un supplément(1) de la revue médicale internationale "Health Policy and Planning" d’octobre, financé par l’Unicef et consacré aux politiques de gratuité des soins de santé menées dans les pays pauvres ou à moyen revenu. M. Meessen, qui travaille depuis quelques années sur ce thème, a accepté de répondre aux questions de "La Libre Belgique", orientées plus spécifiquement sur le Rwanda et le Burundi, deux des quatorze sujets traités dans le supplément.
Bruno Meessen souligne tout d’abord qu’il existe dans ces pays un débat qui reproduit, en gros, celui des pays européens, entre ceux qui sont pour la gratuité des soins (système britannique, où l’Etat est propriétaire de toutes les infrastructures, mais qui se montre, ces dernières années, incapable de soigner tout le monde dans des délais raisonnables) et ceux qui préfèrent l’établissement de mutuelles (système continental d’assurance santé).
" Au cours des dernières années, on a vu que la Grande-Bretagne pousse ses partenaires du tiers-monde à reproduire son système, tandis que la Belgique, la France ou le Bureau international du Travail poussent au système des mutuelles", explique le chercheur.
" C’est l’Ouganda qui avait lancé la gratuité des soins en Afrique, en 2001. Mais cette politique revient très cher. Et on arrive au paradoxe que se soigner est finalement plus cher qu’auparavant pour les Ougandais parce qu’en raison du coût, pour l’Etat, de cette gratuité des soins, il y a de nombreuses ruptures de stocks de médicaments, ce qui oblige les patients à acquérir leurs médicaments dans le privé, où c’est bien plus cher."
Depuis, l’exemple ougandais a été suivi dans d’autres pays, "souvent dans la chaleur d’une campagne électorale ; les techniciens sont placés devant le fait accompli - comme ce fut le cas, en 2006, au Burundi", après la décision du président Nkurunziza, nouvellement élu, de l’imposer. Un des articles du supplément coordonné par M. Meessen rapporte les difficultés d’un directeur d’hôpital en la matière.
" Depuis lors", note Bruno Meessen, et après une initiale déstabilisation de son système de santé, " le Burundi a quelque peu corrigé la ligne". En général, limiter la gratuité, comme le fait Bujumbura (aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 5 ans), donne de meilleurs résultats. En outre, explique M. Meessen, les autorités burundaises se sont inspirées de l’exemple rwandais voisin, couronné de succès, en un de ses éléments : le paiement sur base de la performance des établissements de santé. "Les soins donnés à chaque patient gratuit sont payés par le ministère des Finances, au moyen de forfaits, avec vérification du nombre d’actes médicaux annoncés ." Les malades non gratuits, eux, paient leurs soins. Mais le nombre d’entre eux qui ont effectivement accès aux soins est peu élevé en raison de l’absence d’un système d’assurance santé.
Le Rwanda fait figure de pionnier en Afrique avec son système de mutuelles "parce que le gouvernement en a fait son programme phare ", au contraire d’autres pays où elles comptent peu de membres et ne constituent donc pas une bonne stratégie pour accroître la couverture médicale de la population, explique Bruno Meessen.
"Au Rwanda, cela résulte d’une politique du pouvoir et cette stratégie rencontre un grand succès puisqu’une très forte proportion de la population utilise aujourd’hui les services de santé : consultations, accouchements assistés, planning familial, moustiquaires imprégnées En quelques années, les indicateurs de santé sont presque tous passés au vert, même pour les plus pauvres. Et grâce à ces mutuelles, les gens paient moins, pour être soignés, qu’en 2000. C’est un succès clair, net et incontestable."
Selon Bruno Meessen, cette politique résulte d’une expérience pilote menée en 2001-2002, "qui a consisté à changer le mode de rémunération des prestataires de soins pour rémunérer à l’acte médical - un peu comme on le fait en Belgique. On a donc intégré des incitants dans le secteur public. Certains critiquent cette voie parce qu’elle tend à privilégier la quantité d’actes médicaux. C’est vrai - mais les résultats au Rwanda montrent que c’est un succès."
(1) Voir http://heapol.oxfordjournals.org/content/26/suppl 2. toc.
MFC
Mis en ligne le 31/10/2011
© Copyright La Libre
La politique, innovante, de Kigali en matière de santé publique est une réussite. Bruno Meessen (Institut de médecine tropicale d’Anvers) nous dit pourquoi.
Bruno Meessen, chercheur à l’Institut de médecine tropicale d’Anvers, a coordonné un supplément(1) de la revue médicale internationale "Health Policy and Planning" d’octobre, financé par l’Unicef et consacré aux politiques de gratuité des soins de santé menées dans les pays pauvres ou à moyen revenu. M. Meessen, qui travaille depuis quelques années sur ce thème, a accepté de répondre aux questions de "La Libre Belgique", orientées plus spécifiquement sur le Rwanda et le Burundi, deux des quatorze sujets traités dans le supplément.
Bruno Meessen souligne tout d’abord qu’il existe dans ces pays un débat qui reproduit, en gros, celui des pays européens, entre ceux qui sont pour la gratuité des soins (système britannique, où l’Etat est propriétaire de toutes les infrastructures, mais qui se montre, ces dernières années, incapable de soigner tout le monde dans des délais raisonnables) et ceux qui préfèrent l’établissement de mutuelles (système continental d’assurance santé).
" Au cours des dernières années, on a vu que la Grande-Bretagne pousse ses partenaires du tiers-monde à reproduire son système, tandis que la Belgique, la France ou le Bureau international du Travail poussent au système des mutuelles", explique le chercheur.
" C’est l’Ouganda qui avait lancé la gratuité des soins en Afrique, en 2001. Mais cette politique revient très cher. Et on arrive au paradoxe que se soigner est finalement plus cher qu’auparavant pour les Ougandais parce qu’en raison du coût, pour l’Etat, de cette gratuité des soins, il y a de nombreuses ruptures de stocks de médicaments, ce qui oblige les patients à acquérir leurs médicaments dans le privé, où c’est bien plus cher."
Depuis, l’exemple ougandais a été suivi dans d’autres pays, "souvent dans la chaleur d’une campagne électorale ; les techniciens sont placés devant le fait accompli - comme ce fut le cas, en 2006, au Burundi", après la décision du président Nkurunziza, nouvellement élu, de l’imposer. Un des articles du supplément coordonné par M. Meessen rapporte les difficultés d’un directeur d’hôpital en la matière.
" Depuis lors", note Bruno Meessen, et après une initiale déstabilisation de son système de santé, " le Burundi a quelque peu corrigé la ligne". En général, limiter la gratuité, comme le fait Bujumbura (aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 5 ans), donne de meilleurs résultats. En outre, explique M. Meessen, les autorités burundaises se sont inspirées de l’exemple rwandais voisin, couronné de succès, en un de ses éléments : le paiement sur base de la performance des établissements de santé. "Les soins donnés à chaque patient gratuit sont payés par le ministère des Finances, au moyen de forfaits, avec vérification du nombre d’actes médicaux annoncés ." Les malades non gratuits, eux, paient leurs soins. Mais le nombre d’entre eux qui ont effectivement accès aux soins est peu élevé en raison de l’absence d’un système d’assurance santé.
Le Rwanda fait figure de pionnier en Afrique avec son système de mutuelles "parce que le gouvernement en a fait son programme phare ", au contraire d’autres pays où elles comptent peu de membres et ne constituent donc pas une bonne stratégie pour accroître la couverture médicale de la population, explique Bruno Meessen.
"Au Rwanda, cela résulte d’une politique du pouvoir et cette stratégie rencontre un grand succès puisqu’une très forte proportion de la population utilise aujourd’hui les services de santé : consultations, accouchements assistés, planning familial, moustiquaires imprégnées En quelques années, les indicateurs de santé sont presque tous passés au vert, même pour les plus pauvres. Et grâce à ces mutuelles, les gens paient moins, pour être soignés, qu’en 2000. C’est un succès clair, net et incontestable."
Selon Bruno Meessen, cette politique résulte d’une expérience pilote menée en 2001-2002, "qui a consisté à changer le mode de rémunération des prestataires de soins pour rémunérer à l’acte médical - un peu comme on le fait en Belgique. On a donc intégré des incitants dans le secteur public. Certains critiquent cette voie parce qu’elle tend à privilégier la quantité d’actes médicaux. C’est vrai - mais les résultats au Rwanda montrent que c’est un succès."
(1) Voir http://heapol.oxfordjournals.org/content/26/suppl 2. toc.
MFC
Mis en ligne le 31/10/2011
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Liberia - Démission du président de la Commission électorale nationale
(Xinhuanet 31/10/2011)
MONROVIA -- Le président de la Commission électorale nationale (NEC) du Liberia, James Fromayan, a annoncé dimanche sa démssion dans l'intérêt de la paix et pour assurer l'intégrité du processus électoral.La démission de M. Fromayan, l'une des demandes posées par l'opposition, intervient 19 jours après le premier tour de l'élection présidentielle, dans lequel la présidente sortante Ellen Johnson-Sirleaf et le candidat du Congrès pour le changement démocratique (CDC) Winston A. Tubman ont gagné respectivement 43,9% et 32,7% des voix exprimées.
Un deuxième tour, prévu le 8 novembre, opposera Mme Sirleaf à M. Tubman.
La NEC avait fait une erreur en affirmant, dans une lettre adressée au CDC, que ce dernier avait reçu le plus de voix dans le premier tour, tandis que les résultats finaux de la commission montraient que la présidente Sirleaf était en tête.
Selon la Constitution du Liberia, le président de la NEC doit être approuvé par le Sénat. Mais il est peu probable qu'un nouveau président soit désigné avant la tenue du deuxième tour de la présidentielle du fait que le mandat du Sénat a déjà expiré.
© Copyright Xinhuanet
MONROVIA -- Le président de la Commission électorale nationale (NEC) du Liberia, James Fromayan, a annoncé dimanche sa démssion dans l'intérêt de la paix et pour assurer l'intégrité du processus électoral.La démission de M. Fromayan, l'une des demandes posées par l'opposition, intervient 19 jours après le premier tour de l'élection présidentielle, dans lequel la présidente sortante Ellen Johnson-Sirleaf et le candidat du Congrès pour le changement démocratique (CDC) Winston A. Tubman ont gagné respectivement 43,9% et 32,7% des voix exprimées.
Un deuxième tour, prévu le 8 novembre, opposera Mme Sirleaf à M. Tubman.
La NEC avait fait une erreur en affirmant, dans une lettre adressée au CDC, que ce dernier avait reçu le plus de voix dans le premier tour, tandis que les résultats finaux de la commission montraient que la présidente Sirleaf était en tête.
Selon la Constitution du Liberia, le président de la NEC doit être approuvé par le Sénat. Mais il est peu probable qu'un nouveau président soit désigné avant la tenue du deuxième tour de la présidentielle du fait que le mandat du Sénat a déjà expiré.
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Afrique du Sud - La marche des frustrations
(La Libre 31/10/2011)
Le turbulent chef des jeunes de l’ANC cristallise les mécontentements. Et cette fois, il est opposé au président Jacob Zuma, dont il avait aidé à la victoire Environ 5 000 personnes ont manifesté jeudi et vendredi derniers, à Johannesbourg et Pretoria, à l’appel de Julius Malema et de la Ligue de la Jeunesse du Congrès national africain (ANC) qu’il préside.
" Ceci est une longue marche vers la liberté économique ". Perché sur la plate-forme d’un camion aménagé, un micro à la main, Julius Malema harangue la foule. Ils sont environ 5 000, des jeunes pour la plupart, à participer à cette marche de deux jours, à Johannesbourg et Pretoria, pour réclamer des emplois et une meilleure répartition des richesses. Un succès relativement mitigé. Après tout, ce n’est pas beaucoup de monde dans un pays de 50 millions d’habitants.
Mais cette marche est l’expression d’un malaise qui ronge la jeunesse sud-africaine, dont Malema se veut le porte-parole. Elle rappelle que le modèle de la "Nation arc-en-ciel", acclamé à l’étranger, n’a jamais vraiment existé. La formidable personnalité de Nelson Mandela et sa volonté de réconcilier les différentes communautés du pays avaient fini par faire oublier que l’Afrique du Sud post-apartheid est encore un pays convalescent.
Celle-ci demeure un des Etats les plus inégalitaires au monde : 83 % des capitaux placés à la Bourse de Johannesbourg sont encore détenus par des Blancs, tout comme la grande majorité des terres. Le pays est aussi gangrené par le chômage, dont les chiffres officiels plafonnent à 25 %. Selon une étude de l’Institut sud-africain des Relations raciales, la moitié des 25-34 ans ne trouvera sans doute jamais de travail.
Le cortège s’ébranle, rythmé de danses et de chants révolutionnaires. "Il y aura du sang sur le sol si nos demandes ne sont pas écoutées", lance Julius Malema. Parmi celles-ci, une redistribution des terres et une nationalisation des mines "sans compensation".
Certes, Julius Malema est un populiste, adepte de la provocation et des sorties "anti-Blancs". Mais il exprime les frustrations d’une large partie de la population qui se sent laissée pour compte.
A son arrivée sur la scène politique, en 2008, les journalistes ont dépeint le trublion de l’ANC comme un clown, une marionnette stupide du gouvernement. L’avenir leur a donné tort. "Juju" est un habile politicien. Et ils sont de plus en plus nombreux, y compris parmi la classe d’affaires noire, à penser qu’il affirme tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.
Cette marche s’inscrit également dans la perspective de la future Conférence de l’ANC qui doit se tenir à la fin de 2012. Les élections générales ne sont prévues qu’en 2014, mais c’est l’an prochain que l’ANC, parti au pouvoir et largement majoritaire depuis la fin de l’apartheid, choisira son candidat. Autrefois chaud partisan de Jacob Zuma - qui l’a emporté sur son rival Thabo Mbeki -, le chef de la Ligue de la Jeunesse veut désormais l’empêcher d’obtenir un second mandat.
Julius Malema est actuellement visé par une procédure disciplinaire interne à l’ANC. " S’il est exclu du parti, il pourrait se retrouver isolé. Mais si ce n’est pas le cas, il faudra sans aucun doute compter sur sa présence au premier plan de la scène politique sud-africaine dans les prochaines années" , affirme l’analyste politique Aubrey Matshiqi. " Malema jouit de pas mal de soutien au sein de l’ANC et même si la décision (qui doit être rendue le mois prochain, NdlR) lui est défavorable, il pourrait certainement multiplier les recours jusqu’à la Conférence de 2012."
Correspondante en Afrique du Sud
Patricia Huon
Mis en ligne le 31/10/2011
© Copyright La Libre
Le turbulent chef des jeunes de l’ANC cristallise les mécontentements. Et cette fois, il est opposé au président Jacob Zuma, dont il avait aidé à la victoire Environ 5 000 personnes ont manifesté jeudi et vendredi derniers, à Johannesbourg et Pretoria, à l’appel de Julius Malema et de la Ligue de la Jeunesse du Congrès national africain (ANC) qu’il préside.
" Ceci est une longue marche vers la liberté économique ". Perché sur la plate-forme d’un camion aménagé, un micro à la main, Julius Malema harangue la foule. Ils sont environ 5 000, des jeunes pour la plupart, à participer à cette marche de deux jours, à Johannesbourg et Pretoria, pour réclamer des emplois et une meilleure répartition des richesses. Un succès relativement mitigé. Après tout, ce n’est pas beaucoup de monde dans un pays de 50 millions d’habitants.
Mais cette marche est l’expression d’un malaise qui ronge la jeunesse sud-africaine, dont Malema se veut le porte-parole. Elle rappelle que le modèle de la "Nation arc-en-ciel", acclamé à l’étranger, n’a jamais vraiment existé. La formidable personnalité de Nelson Mandela et sa volonté de réconcilier les différentes communautés du pays avaient fini par faire oublier que l’Afrique du Sud post-apartheid est encore un pays convalescent.
Celle-ci demeure un des Etats les plus inégalitaires au monde : 83 % des capitaux placés à la Bourse de Johannesbourg sont encore détenus par des Blancs, tout comme la grande majorité des terres. Le pays est aussi gangrené par le chômage, dont les chiffres officiels plafonnent à 25 %. Selon une étude de l’Institut sud-africain des Relations raciales, la moitié des 25-34 ans ne trouvera sans doute jamais de travail.
Le cortège s’ébranle, rythmé de danses et de chants révolutionnaires. "Il y aura du sang sur le sol si nos demandes ne sont pas écoutées", lance Julius Malema. Parmi celles-ci, une redistribution des terres et une nationalisation des mines "sans compensation".
Certes, Julius Malema est un populiste, adepte de la provocation et des sorties "anti-Blancs". Mais il exprime les frustrations d’une large partie de la population qui se sent laissée pour compte.
A son arrivée sur la scène politique, en 2008, les journalistes ont dépeint le trublion de l’ANC comme un clown, une marionnette stupide du gouvernement. L’avenir leur a donné tort. "Juju" est un habile politicien. Et ils sont de plus en plus nombreux, y compris parmi la classe d’affaires noire, à penser qu’il affirme tout haut ce que beaucoup pensent tout bas.
Cette marche s’inscrit également dans la perspective de la future Conférence de l’ANC qui doit se tenir à la fin de 2012. Les élections générales ne sont prévues qu’en 2014, mais c’est l’an prochain que l’ANC, parti au pouvoir et largement majoritaire depuis la fin de l’apartheid, choisira son candidat. Autrefois chaud partisan de Jacob Zuma - qui l’a emporté sur son rival Thabo Mbeki -, le chef de la Ligue de la Jeunesse veut désormais l’empêcher d’obtenir un second mandat.
Julius Malema est actuellement visé par une procédure disciplinaire interne à l’ANC. " S’il est exclu du parti, il pourrait se retrouver isolé. Mais si ce n’est pas le cas, il faudra sans aucun doute compter sur sa présence au premier plan de la scène politique sud-africaine dans les prochaines années" , affirme l’analyste politique Aubrey Matshiqi. " Malema jouit de pas mal de soutien au sein de l’ANC et même si la décision (qui doit être rendue le mois prochain, NdlR) lui est défavorable, il pourrait certainement multiplier les recours jusqu’à la Conférence de 2012."
Correspondante en Afrique du Sud
Patricia Huon
Mis en ligne le 31/10/2011
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dimanche 30 octobre 2011
RD Congo : qu’attendre des élections du 28 novembre ?
(Affaires Stratégiques 29/10/2011) Les élections en République démocratique du Congo sont prévues le 28 novembre prochain. Si les délais sont tenus, il s’agira d’un tour de force en matière d’organisation. Le pays compte 400 partis politiques. 11 candidats à la présidentielle seront en lice et 18 000 pour les législatives. Le duel va principalement opposer le PPRD de Joseph Kabila et l’UDPS d’Etienne Tshisekedi. Les risques de débordements post-électoraux ne sont pas exclus.
1. De grandes difficultés logistiques
Répondant aux doutes nombreux exprimés par les partis politiques et les chancelleries étrangères, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) vient de confirmer que la campagne électorale sera ouverte à compter du 28 octobre et que les élections générales se tiendront le 28 novembre. Le doute était permis tant les difficultés d’organisation sont considérables dans cet immense – 5 fois la superficie de la France – avec de nombreux territoires enclavés faute d’infrastructures routières. La logistique représente le premier défi des élections. Sans les moyens considérables mis en place par la Mission des Nations Unies de maintien de la paix (Monusco), forte d’un contingent de 20 000 casques bleus et d’un parc d’aéronefs (plus de 50) qui en fait la troisième compagnie aérienne d’Afrique, les élections ne pourraient pas se tenir. Cet appui est indispensable pour aider à l’enregistrement des 32 millions d’électeurs, puis au transport du matériel électoral dans les 62 000 bureaux de vote et enfin pour le contrôle du scrutin. Le nombre très élevé des candidats aux législatives, arrêté à 18 000 et à 11 pour les présidentielles, crée un autre défi pour l’impression et la distribution des bulletins de vote.
Le scepticisme reposait aussi sur les capacités opérationnelles de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), dirigée par le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, proche de Joseph Kabila. Depuis six mois, elle a été l’objet de nombreuses critiques. L’enrôlement des électeurs prévu pour le 28 Février dernier a été reporté au mois de juin. La publication tardive des annexes de la loi électorale, qui déterminent le nombre de sièges parlementaires par circonscription, a retardé la révision et la validation des électeurs inscrits sur le fichier électoral. Des centaines de milliers de doublons ont été trouvées dans le fichier électoral. Les partis d’opposition ont trouvé de nombreux motifs pour attaquer la CENI.
2. Kabila seul contre tous
Joseph Kabila, au pouvoir depuis dix ans (nommé en 2001 à la mort de son père assassiné, puis élu en 2011 contre Jean-Pierre Bemba), est candidat à sa propre succession. Il se présente comme candidat indépendant, mais personne n’est dupe. Il bénéficie des relais de l’administration, son parti contrôlant les postes de gouverneurs dans les onze Province. Certes, il n’a pas de fief régional, et les provinces qui lui étaient favorables (Katanga, Maniema, Nord et Sud Kivu ne le sont probablement plus) mais il peut gagner avec la dispersion de l’opposition car le scrutin est à un seul tour.
En janvier 2011, le pouvoir est parvenu à faire voter en force, mais dans le respect de la légalité constitutionnelle, une réforme du scrutin présidentiel, le faisant passer de deux à un tour. L’opposition s’est brutalement trouvée contrainte d’adopter une stratégie d’union dès le premier tour, et donc d’empêcher l’expression des diverses sensibilités que ses partis et ses personnalités représentent. Les grandes manœuvres ont commencé très tôt. Au cœur du maelstrom quelques personnalités dominent le jeu électoral. Ils forment le « triangle nucléaire ». Etienne Tshisekedi, le « sphinx de Limete », revendique le statut d’opposant historique et respecté, celui qui fut maintes fois embastillé sous Mobutu avant d’être brièvement son Premier ministre. Son audience est forte dans la capitale et sa base est dans le Kasaï. Deuxième opposant de taille, le jeune et bouillant Vital Kamerhe, originaire du Sud-Kivu, l’ancien fidèle de Joseph Kabila qui le fit président de l’Assemblée nationale avant de tomber en disgrâce en 2009, mais devenu pour cette raison encore plus ambitieux. Léon Kengo wa Dondo, plusieurs fois Premier ministre de Mobutu, président très respecté du Sénat, prudent à l’extrême, adopte une posture gaullienne, depuis qu’il s’est déclaré candidat, avançant que l’intérêt supérieur de la nation est en jeu. Kengo a la stature d’un homme d’Etat mais son assise partisane est modeste. Jean-Pierre Bemba, accusé en mai 2008 par la Cour pénale internationale de crimes contre l’humanité commis par ses troupes en Centrafrique, embourbé dans son procès au Tribunal de la Haye, est hors-jeu, mais, contrôlant le deuxième parti du pays, le MLC, il tente de peser dans le jeu des alliances.
3. Un scrutin à hauts risques
L’opposition acceptera-elle le verdict des urnes s’il lui est défavorable ? Rien n’est moins certain. Le lendemain du scrutin, la situation risque d’être très difficile. La victoire de Joseph Kabila pourrait laisser place à une vague de contestation qui sera difficile à contenir. Toutes les régions sont susceptibles de connaître des remous post-électoraux, tout particulièrement les provinces les plus sensibles : les deux Kivu en raison de la persistance du conflit, le Katanga la Province frondeuse, la Province orientale caractérisée par une forte insécurité et Kinshasa, la poudrière sociale. L’opposition congolaise a déjà fait montre de sa capacité mobilisatrice notamment à Kinshasa et Lubumbashi. Goma, Bukavu, Mbuji-Mayi et Kananga ne manqueront pas de soutenir une manifestation politique de l’opposition. Elle se préparerait déjà à contester les résultats. Sa stratégie est simple : dénoncer toutes les tentatives de tricheries et toutes les maladresses du pouvoir et de la CENI, multiplier les manifestations de rue et pousser le pouvoir à la faute en vue de le discréditer aux yeux de la population comme de l’étranger.
D’aucuns craignent que le Congo replonge dans la situation du début des années 1990 quand Mobutu au pouvoir, était placé dans l’incapacité de gouverner au point qu’il avait choisi d’aller vivre à Kawele loin des débordements politiques de l’opposition. Mobutu avait le contrôle de toute l’armée zaïroise. Ce qui n’est plus le cas avec le pouvoir actuel qui n’a pas le contrôle sur toutes les unités des forces de sécurité, dont certaines sont formées d’anciens groupes rebelles encore mal intégrés.
4. Un gouvernement introuvable
Un Président sera élu, mal car avec probablement un score inférieur à 50%. Il devra alors hercher sa vraie légitimité dans une majorité parlementaire qui sera difficile à former. En effet, les législatives sont encore au scrutin proportionnel. Ce fut une victoire des députés contre le gouvernement qui tenta de réformer le code électoral en établissant un scrutin majoritaire et forcer ainsi le jeu politique à s’organiser autour de deux pôles. Le résultat des législatives se traduira certainement par l’émiettement du parlement dans divers courants, incapables de s’accorder sur un programme minimal de gouvernement. Il faudra au Président élu des semaines avant de former un gouvernement.
Les élections générales, provinciales, puis locales, qui devraient normalement, si les délais constitutionnels sont respectés, s’étaler de novembre 2011 à début 2013, peuvent-elles être l’occasion pour l’élite congolaise d’une prise de conscience des vrais défis politiques du pays et d’un engagement à « servir avant de se servir », pour paraphraser Mobutu ? Pour la population, avec une dose de dépit, elles devraient être le moment de mesurer le fossé entre les promesses entendues lors des élections de 2006 et les réelles avancées enregistrées dans la reconstruction du pays.
Par Pierre Jacquemot, chercheur associé à l’IRIS
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1. De grandes difficultés logistiques
Répondant aux doutes nombreux exprimés par les partis politiques et les chancelleries étrangères, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) vient de confirmer que la campagne électorale sera ouverte à compter du 28 octobre et que les élections générales se tiendront le 28 novembre. Le doute était permis tant les difficultés d’organisation sont considérables dans cet immense – 5 fois la superficie de la France – avec de nombreux territoires enclavés faute d’infrastructures routières. La logistique représente le premier défi des élections. Sans les moyens considérables mis en place par la Mission des Nations Unies de maintien de la paix (Monusco), forte d’un contingent de 20 000 casques bleus et d’un parc d’aéronefs (plus de 50) qui en fait la troisième compagnie aérienne d’Afrique, les élections ne pourraient pas se tenir. Cet appui est indispensable pour aider à l’enregistrement des 32 millions d’électeurs, puis au transport du matériel électoral dans les 62 000 bureaux de vote et enfin pour le contrôle du scrutin. Le nombre très élevé des candidats aux législatives, arrêté à 18 000 et à 11 pour les présidentielles, crée un autre défi pour l’impression et la distribution des bulletins de vote.
Le scepticisme reposait aussi sur les capacités opérationnelles de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), dirigée par le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, proche de Joseph Kabila. Depuis six mois, elle a été l’objet de nombreuses critiques. L’enrôlement des électeurs prévu pour le 28 Février dernier a été reporté au mois de juin. La publication tardive des annexes de la loi électorale, qui déterminent le nombre de sièges parlementaires par circonscription, a retardé la révision et la validation des électeurs inscrits sur le fichier électoral. Des centaines de milliers de doublons ont été trouvées dans le fichier électoral. Les partis d’opposition ont trouvé de nombreux motifs pour attaquer la CENI.
2. Kabila seul contre tous
Joseph Kabila, au pouvoir depuis dix ans (nommé en 2001 à la mort de son père assassiné, puis élu en 2011 contre Jean-Pierre Bemba), est candidat à sa propre succession. Il se présente comme candidat indépendant, mais personne n’est dupe. Il bénéficie des relais de l’administration, son parti contrôlant les postes de gouverneurs dans les onze Province. Certes, il n’a pas de fief régional, et les provinces qui lui étaient favorables (Katanga, Maniema, Nord et Sud Kivu ne le sont probablement plus) mais il peut gagner avec la dispersion de l’opposition car le scrutin est à un seul tour.
En janvier 2011, le pouvoir est parvenu à faire voter en force, mais dans le respect de la légalité constitutionnelle, une réforme du scrutin présidentiel, le faisant passer de deux à un tour. L’opposition s’est brutalement trouvée contrainte d’adopter une stratégie d’union dès le premier tour, et donc d’empêcher l’expression des diverses sensibilités que ses partis et ses personnalités représentent. Les grandes manœuvres ont commencé très tôt. Au cœur du maelstrom quelques personnalités dominent le jeu électoral. Ils forment le « triangle nucléaire ». Etienne Tshisekedi, le « sphinx de Limete », revendique le statut d’opposant historique et respecté, celui qui fut maintes fois embastillé sous Mobutu avant d’être brièvement son Premier ministre. Son audience est forte dans la capitale et sa base est dans le Kasaï. Deuxième opposant de taille, le jeune et bouillant Vital Kamerhe, originaire du Sud-Kivu, l’ancien fidèle de Joseph Kabila qui le fit président de l’Assemblée nationale avant de tomber en disgrâce en 2009, mais devenu pour cette raison encore plus ambitieux. Léon Kengo wa Dondo, plusieurs fois Premier ministre de Mobutu, président très respecté du Sénat, prudent à l’extrême, adopte une posture gaullienne, depuis qu’il s’est déclaré candidat, avançant que l’intérêt supérieur de la nation est en jeu. Kengo a la stature d’un homme d’Etat mais son assise partisane est modeste. Jean-Pierre Bemba, accusé en mai 2008 par la Cour pénale internationale de crimes contre l’humanité commis par ses troupes en Centrafrique, embourbé dans son procès au Tribunal de la Haye, est hors-jeu, mais, contrôlant le deuxième parti du pays, le MLC, il tente de peser dans le jeu des alliances.
3. Un scrutin à hauts risques
L’opposition acceptera-elle le verdict des urnes s’il lui est défavorable ? Rien n’est moins certain. Le lendemain du scrutin, la situation risque d’être très difficile. La victoire de Joseph Kabila pourrait laisser place à une vague de contestation qui sera difficile à contenir. Toutes les régions sont susceptibles de connaître des remous post-électoraux, tout particulièrement les provinces les plus sensibles : les deux Kivu en raison de la persistance du conflit, le Katanga la Province frondeuse, la Province orientale caractérisée par une forte insécurité et Kinshasa, la poudrière sociale. L’opposition congolaise a déjà fait montre de sa capacité mobilisatrice notamment à Kinshasa et Lubumbashi. Goma, Bukavu, Mbuji-Mayi et Kananga ne manqueront pas de soutenir une manifestation politique de l’opposition. Elle se préparerait déjà à contester les résultats. Sa stratégie est simple : dénoncer toutes les tentatives de tricheries et toutes les maladresses du pouvoir et de la CENI, multiplier les manifestations de rue et pousser le pouvoir à la faute en vue de le discréditer aux yeux de la population comme de l’étranger.
D’aucuns craignent que le Congo replonge dans la situation du début des années 1990 quand Mobutu au pouvoir, était placé dans l’incapacité de gouverner au point qu’il avait choisi d’aller vivre à Kawele loin des débordements politiques de l’opposition. Mobutu avait le contrôle de toute l’armée zaïroise. Ce qui n’est plus le cas avec le pouvoir actuel qui n’a pas le contrôle sur toutes les unités des forces de sécurité, dont certaines sont formées d’anciens groupes rebelles encore mal intégrés.
4. Un gouvernement introuvable
Un Président sera élu, mal car avec probablement un score inférieur à 50%. Il devra alors hercher sa vraie légitimité dans une majorité parlementaire qui sera difficile à former. En effet, les législatives sont encore au scrutin proportionnel. Ce fut une victoire des députés contre le gouvernement qui tenta de réformer le code électoral en établissant un scrutin majoritaire et forcer ainsi le jeu politique à s’organiser autour de deux pôles. Le résultat des législatives se traduira certainement par l’émiettement du parlement dans divers courants, incapables de s’accorder sur un programme minimal de gouvernement. Il faudra au Président élu des semaines avant de former un gouvernement.
Les élections générales, provinciales, puis locales, qui devraient normalement, si les délais constitutionnels sont respectés, s’étaler de novembre 2011 à début 2013, peuvent-elles être l’occasion pour l’élite congolaise d’une prise de conscience des vrais défis politiques du pays et d’un engagement à « servir avant de se servir », pour paraphraser Mobutu ? Pour la population, avec une dose de dépit, elles devraient être le moment de mesurer le fossé entre les promesses entendues lors des élections de 2006 et les réelles avancées enregistrées dans la reconstruction du pays.
Par Pierre Jacquemot, chercheur associé à l’IRIS
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Gabon : Nestlé pour relancer la filière cacao
(Le Griot 29/10/2011) Dans le souci de redynamiser sa filière cacao qui semble fonctionner désormais au ralenti, le Gabon s’est tourné vers le numéro un mondial de l’agroalimentaire, le géant groupe Nestlé. En effet c’est le président gabonais, Ali Bongo Ondimba en personne qui s’est entretenu avec le PDG de Nestlé, Paul Bulcke en vue d’établir un partenariat entre Nestlé et le gouvernement gabonais pour relancer la filière cacao du pays. Présent au Gabon depuis plus de 40 ans, et bénéficiant de sa notoriété de numéro un mondial de l’agroalimentaire, Nestlé est le candidat idéal pour faire profiter de son expertise au développement de la filière cacao. Cet appel du pied, pourra permettre également à la société de Paul Bulcke d’acheter une partie de la production de cacao du Gabon.
Malgré une production triplée depuis 2009 grâce à l’adoption d’une politique agricole nationale destinée à régénérer l’industrie du cacao et du café, le Gabon n’arrive pas encore à exploiter à bon escient tout le potentiel de sa filière cacao pour soutenir le niveau de son économie. En effet en 2009, le pays ne produisait que 300 tonnes par an de café et de cacao, et exportait vers l’Espagne, la France, les Pays-Bas et les USA, mais en juin 2011, la production est passée à 1000 tonnes, sans toutefois apporter un changement économique significatif. Ainsi en mars dernier, le président gabonais avait annoncé la relance de la culture du cacao dans différentes provinces du pays lors d’un conseil des ministres. Les espoirs de la relance de la filière cacao du Gabon reposent ainsi sur Nestlé.
Écrit par Mimouna Hafidh
© Copyright Le Griot
Malgré une production triplée depuis 2009 grâce à l’adoption d’une politique agricole nationale destinée à régénérer l’industrie du cacao et du café, le Gabon n’arrive pas encore à exploiter à bon escient tout le potentiel de sa filière cacao pour soutenir le niveau de son économie. En effet en 2009, le pays ne produisait que 300 tonnes par an de café et de cacao, et exportait vers l’Espagne, la France, les Pays-Bas et les USA, mais en juin 2011, la production est passée à 1000 tonnes, sans toutefois apporter un changement économique significatif. Ainsi en mars dernier, le président gabonais avait annoncé la relance de la culture du cacao dans différentes provinces du pays lors d’un conseil des ministres. Les espoirs de la relance de la filière cacao du Gabon reposent ainsi sur Nestlé.
Écrit par Mimouna Hafidh
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Le Cameroun de Biya noyauté par les sociétés secrètes
(Le Figaro 29/10/2011)
De multiples sectes étendent leur influence sur la vie politique du pays, au grand dam de l'Église catholique.
Avec la réélection du président camerounais Paul Biya pour un sixième mandat, qui a finalement été reconnue jeudi par son principal rival, John Fru Ndi, une autre constante de la politique locale ne devrait pas changer: le pouvoir des sectes. Partout en Afrique, les forces de l'invisible participent au pouvoir. Mais nulle part autant qu'au Cameroun. «Que ce soit dans l'administration, la haute fonction publique, la politique, l'Université, 95% des nominations se font en tenant compte de l'appartenance à une secte» , estime le professeur de sciences politiques Magellan Omballa. Lui-même s'est vu proposer l'entrée dans un ordre par un ministre dont il était le conseiller. «Il m'a dit: “Tu n'es pas des nôtres, il faut nous rejoindre”. J'ai refusé. Le ministre m'a alors déclaré clairement que ma promotion serait bloquée», raconte le professeur.
Goût pour la magie
Particularité locale, des sociétés secrètes originaires d'Europe occupent une place prépondérante. Parmi elles, l'«Ancien et mystique ordre de la Rose-Croix», cercle ésotérique «qui fait remonter ses origines traditionnelles aux écoles de Mystères de l'Ancienne Égypte» et se dit «dépositaire d'une connaissance ésotérique hors du commun», d'après le site français de ce mouvement international. Les plus hautes autorités de l'État camerounais sont supposées y avoir appartenu ou en être toujours membres: ministres, généraux, directeurs de sociétés parapubliques… «La Rose-Croix a été très puissante au Cameroun, explique Magellan Omballa. Elle a ensuite connu une éclipse au profit de la franc-maçonnerie, mais dernièrement elle semble revenir en force.»
goût africain pour la magie et les secrets n'explique pas tout. «L'impossibilité de se fier à son mérite et à ses compétences pour avoir un poste de responsabilité, ou tout simplement pour “réussir” socialement, oblige à imaginer d'autres voies et logiques», écrit Fanny Pigeaud dans Au Cameroun de Paul Biya (éditions Karthala).
L'Église catholique s'en alarme. «Les prêtres reçoivent souvent des fidèles qui leur confient leur douleur de devoir entrer dans une secte pour obtenir un travail, dit le père Sébastien Mongo, porte-parole de l'archevêché. Certains demandent en fait à l'Église une sorte d'autorisation.» Mais celle-ci ne peut être accordée. «Nous sommes obligés de rappeler ce que dit l'Église», ajoute le père Sébastien. La puissance des sectes est souvent évoquée dans la réflexion théologique de l'Église camerounaise. Mais elle a affaire à forte partie. «L'idée, pour beaucoup de gens c'est: «la Rose-croix protège, on peut devenir riche, avoir de l'influence», dit le prêtre.
Le politologue Mathias Owana Nguini approuve: «Dans l'élite, on est convaincu que l'on ne peut pas faire carrière sans cette béquille.» Démarche purement utilitaire? «Pas complètement, répond le professeur. Les cérémonies, le côté secret aussi, trouvent un terrain fertile au Cameroun. Elles rappellent aux Camerounais leurs propres sociétés initiatiques.»
La magie traditionnelle est présente dans la vie de tous les jours. La semaine dernière, au cours d'un déjeuner offert par le ministre de la Communication, un cadre camerounais, observateur du scrutin, explique tranquillement: «Chez nous, on utilise les morts. Des personnes décédées sont rappelées à la vie et deviennent l'esclave de quelqu'un.» Le ministre, originaire du Nord musulman, secoue la tête: «Moi, je ne crois pas à ces choses-là.» L'observateur s'insurge: «C'est prouvé! L'autre jour, j'ai vu la tombe d'un mort récent, et il n'y était plus.»
Dans le même sermon, l'archevêque s'est emporté contre une habitude encore plus surprenante: «Pour un poste de travail, une entrée dans une grande école, on contraint nos jeunes à l'homosexualité.» Le problème a été mis sur la place publique en 2006, quand des journaux ont publié des «listes d'homosexuels» appartenant à l'élite, accusation grave dans un pays où l'homosexualité est criminalisée. «Il s'agissait en fait d'une lutte pour le pouvoir, explique un observateur. Ceux qui ont dénoncé cherchaient à éliminer des concurrents.» Cette pratique n'a rien à voir avec une sexualité consentie. «Il s'agit, dans le cadre d'un rituel, de soumettre ceux qui cherchent des postes, pour ensuite mieux les contrôler», ajoute cet observateur.
Dans le même sermon, l'archevêque s'est emporté contre une habitude encore plus surprenante: «Pour un poste de travail, une entrée dans une grande école, on contraint nos jeunes à l'homosexualité.» Le problème a été mis sur la place publique en 2006, quand des journaux ont publié des «listes d'homosexuels» appartenant à l'élite, accusation grave dans un pays où l'homosexualité est criminalisée. «Il s'agissait en fait d'une lutte pour le pouvoir, explique un observateur. Ceux qui ont dénoncé cherchaient à éliminer des concurrents.» Cette pratique n'a rien à voir avec une sexualité consentie. «Il s'agit, dans le cadre d'un rituel, de soumettre ceux qui cherchent des postes, pour ensuite mieux les contrôler», ajoute cet observateur.
© Copyright Le Figaro
De multiples sectes étendent leur influence sur la vie politique du pays, au grand dam de l'Église catholique.
Avec la réélection du président camerounais Paul Biya pour un sixième mandat, qui a finalement été reconnue jeudi par son principal rival, John Fru Ndi, une autre constante de la politique locale ne devrait pas changer: le pouvoir des sectes. Partout en Afrique, les forces de l'invisible participent au pouvoir. Mais nulle part autant qu'au Cameroun. «Que ce soit dans l'administration, la haute fonction publique, la politique, l'Université, 95% des nominations se font en tenant compte de l'appartenance à une secte» , estime le professeur de sciences politiques Magellan Omballa. Lui-même s'est vu proposer l'entrée dans un ordre par un ministre dont il était le conseiller. «Il m'a dit: “Tu n'es pas des nôtres, il faut nous rejoindre”. J'ai refusé. Le ministre m'a alors déclaré clairement que ma promotion serait bloquée», raconte le professeur.
Goût pour la magie
Particularité locale, des sociétés secrètes originaires d'Europe occupent une place prépondérante. Parmi elles, l'«Ancien et mystique ordre de la Rose-Croix», cercle ésotérique «qui fait remonter ses origines traditionnelles aux écoles de Mystères de l'Ancienne Égypte» et se dit «dépositaire d'une connaissance ésotérique hors du commun», d'après le site français de ce mouvement international. Les plus hautes autorités de l'État camerounais sont supposées y avoir appartenu ou en être toujours membres: ministres, généraux, directeurs de sociétés parapubliques… «La Rose-Croix a été très puissante au Cameroun, explique Magellan Omballa. Elle a ensuite connu une éclipse au profit de la franc-maçonnerie, mais dernièrement elle semble revenir en force.»
goût africain pour la magie et les secrets n'explique pas tout. «L'impossibilité de se fier à son mérite et à ses compétences pour avoir un poste de responsabilité, ou tout simplement pour “réussir” socialement, oblige à imaginer d'autres voies et logiques», écrit Fanny Pigeaud dans Au Cameroun de Paul Biya (éditions Karthala).
L'Église catholique s'en alarme. «Les prêtres reçoivent souvent des fidèles qui leur confient leur douleur de devoir entrer dans une secte pour obtenir un travail, dit le père Sébastien Mongo, porte-parole de l'archevêché. Certains demandent en fait à l'Église une sorte d'autorisation.» Mais celle-ci ne peut être accordée. «Nous sommes obligés de rappeler ce que dit l'Église», ajoute le père Sébastien. La puissance des sectes est souvent évoquée dans la réflexion théologique de l'Église camerounaise. Mais elle a affaire à forte partie. «L'idée, pour beaucoup de gens c'est: «la Rose-croix protège, on peut devenir riche, avoir de l'influence», dit le prêtre.
Le politologue Mathias Owana Nguini approuve: «Dans l'élite, on est convaincu que l'on ne peut pas faire carrière sans cette béquille.» Démarche purement utilitaire? «Pas complètement, répond le professeur. Les cérémonies, le côté secret aussi, trouvent un terrain fertile au Cameroun. Elles rappellent aux Camerounais leurs propres sociétés initiatiques.»
La magie traditionnelle est présente dans la vie de tous les jours. La semaine dernière, au cours d'un déjeuner offert par le ministre de la Communication, un cadre camerounais, observateur du scrutin, explique tranquillement: «Chez nous, on utilise les morts. Des personnes décédées sont rappelées à la vie et deviennent l'esclave de quelqu'un.» Le ministre, originaire du Nord musulman, secoue la tête: «Moi, je ne crois pas à ces choses-là.» L'observateur s'insurge: «C'est prouvé! L'autre jour, j'ai vu la tombe d'un mort récent, et il n'y était plus.»
Dans le même sermon, l'archevêque s'est emporté contre une habitude encore plus surprenante: «Pour un poste de travail, une entrée dans une grande école, on contraint nos jeunes à l'homosexualité.» Le problème a été mis sur la place publique en 2006, quand des journaux ont publié des «listes d'homosexuels» appartenant à l'élite, accusation grave dans un pays où l'homosexualité est criminalisée. «Il s'agissait en fait d'une lutte pour le pouvoir, explique un observateur. Ceux qui ont dénoncé cherchaient à éliminer des concurrents.» Cette pratique n'a rien à voir avec une sexualité consentie. «Il s'agit, dans le cadre d'un rituel, de soumettre ceux qui cherchent des postes, pour ensuite mieux les contrôler», ajoute cet observateur.
Dans le même sermon, l'archevêque s'est emporté contre une habitude encore plus surprenante: «Pour un poste de travail, une entrée dans une grande école, on contraint nos jeunes à l'homosexualité.» Le problème a été mis sur la place publique en 2006, quand des journaux ont publié des «listes d'homosexuels» appartenant à l'élite, accusation grave dans un pays où l'homosexualité est criminalisée. «Il s'agissait en fait d'une lutte pour le pouvoir, explique un observateur. Ceux qui ont dénoncé cherchaient à éliminer des concurrents.» Cette pratique n'a rien à voir avec une sexualité consentie. «Il s'agit, dans le cadre d'un rituel, de soumettre ceux qui cherchent des postes, pour ensuite mieux les contrôler», ajoute cet observateur.
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Rwanda, Sénégal - Hissène Habré : A quand le procès ?
(Afrik.com 29/10/2011) La Belgique a réclamé à nouveau aux juridictions sénégalaises l’extradition d’Hissène Habré, l’ex-dirigeant tchadien, accusé de crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Alors que les victimes de son régime se battent depuis 20 ans pour qu’il soit jugé, le Sénégal n’a toujours pas rendu sa décision.Le feuilleton politico-judiciaire se poursuit. La Belgique a à nouveau demandé aux juridictions sénégalaises l’extradition d’Hissène Habré, l’ex-dirigeant tchadien, afin qu’il réponde des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par son régime entre 1982 et 1990, rapporte RFI. Elle avait déjà effectué une première demande en septembre 2005, lorsque que les juridictions Sénégalaises ont déclaré leur incompétence pour le juger. Ces dernières qui font la sourde oreille, n’ont à ce jour toujours pas répondu à la requête. Les victimes de l’ex-chef d’Etat se battent depuis 20 ans pour qu’il soit traduit en justice. Celles vivants en Belgique ont été nombreuses à avoir porté plainte contre lui.
« Il n’est plus question de retarder l’organisation de ce procès »
Pour l’avocate tchadienne Jacqueline Moudeina, « il n’est plus question de retarder l’organisation de ce procès ». Et selon elle, le Rwanda, qui a assuré en août être prêt à accueillir le procès d’Hissène Habré, « n’est pas la bonne solution. » Présidente de l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme (ATPDH), Jacqueline Moudeina se bat depuis 10 ans auprès des victimes. Lorsque le Président sénégalais Abdoulaye Wade a décidé le 10 juillet d’expulser l’ancien dirigeant au Tchad avant de se rétracter, elle a indiqué sur RFI qu’elle a des « raisons de craindre un procès au Tchad ». Après Bruxelles, le gouvernement tchadien a également demandé le 22 juillet au Sénégal de procéder rapidement à l’extradition de l’ex-dirigeant tchadien vers la Belgique. Pour Jacqueline Moudeina, « son extradition vers la Belgique est la solution la plus tangible, car le magistrat instructeur belge a eu à travailler sur les plaintes déposées par les Tchadiens devant les juridictions belges en vertu de sa loi sur la compétence universelle. »
par Assanatou Baldé
© Copyright Afrik.com
« Il n’est plus question de retarder l’organisation de ce procès »
Pour l’avocate tchadienne Jacqueline Moudeina, « il n’est plus question de retarder l’organisation de ce procès ». Et selon elle, le Rwanda, qui a assuré en août être prêt à accueillir le procès d’Hissène Habré, « n’est pas la bonne solution. » Présidente de l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme (ATPDH), Jacqueline Moudeina se bat depuis 10 ans auprès des victimes. Lorsque le Président sénégalais Abdoulaye Wade a décidé le 10 juillet d’expulser l’ancien dirigeant au Tchad avant de se rétracter, elle a indiqué sur RFI qu’elle a des « raisons de craindre un procès au Tchad ». Après Bruxelles, le gouvernement tchadien a également demandé le 22 juillet au Sénégal de procéder rapidement à l’extradition de l’ex-dirigeant tchadien vers la Belgique. Pour Jacqueline Moudeina, « son extradition vers la Belgique est la solution la plus tangible, car le magistrat instructeur belge a eu à travailler sur les plaintes déposées par les Tchadiens devant les juridictions belges en vertu de sa loi sur la compétence universelle. »
par Assanatou Baldé
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R.D.C. - A un mois des élections, «les Congolais considèrent que les jeux sont faits»
(Liberation 29/10/2011) La campagne pour l'élection présidentielle qui se doit se dérouler le 28 novembre (en même temps que les législatives) a été officiellement lancée ce vendredi en République démocratique du Congo – élection à laquelle se représente le président sortant Joseh Kabila. Et déjà quatre personnes d'un parti d'opposition, le Parti travailliste, ont été tuées le même jour par la police, selon la mission de l'ONU, la Monusco.Pour Thierry Vircoulon, directeur du programme Afrique centrale d'International crisis group – qui a appelé aujourd'hui avec 40 autres ONG à des élections «transparentes» – ce n'est «pas très surprenant». Selon lui, il faut s'attendre à des violences tout le long du processus électoral.
A quel type de campagne électorale peut-on s'attendre?
On s'attend à une campagne qui risque d'être un peu agitée à Kinshasa, car il y a déjà eu des violences pré-électorales dans la capitale début septembre. Des tentatives de manifester de l'UDPS, le principal parti d'opposition, ont été contrées par une volonté du pouvoir de leur interdire le droit de descendre dans la rue.
L'autre point chaud potentiel est Lubumbashi, au sud-est du pays, à cause de l'antagonisme traditionnel entres les Kasaïens et les Katangais, deux ethnies de la région. Il y a aussi des luttes de baron du parti au pouvoir dans la deuxième ville du pays qui ont entraîné des troubles ces derniers mois.
Le pays peut-il être déstabilisé?
Il y a deux types d'enjeux. Le premier est celui des violences post-électorales mais aussi celui de la stabilité du régime à moyen terme. En 2006, Kabila avait été obligé de faire un gouvernement de coalition. Si on est dans une configuration différente cette fois-ci, avec un gouvernement composé essentiellement de membres de son Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), il peut y avoir des problèmes de stabilité à moyen terme.
Les quatre morts dans la ville de Mbuji Mayi annoncés ce vendredi par la Monusco, ce n'est pas très surprenant, même s'il faut avoir encore les détails pour connaître les circonstances exactes. La Police nationale congolaise, à part dans la capitale, n'est pas formée pour le maintien de l'ordre.
Certains craignent que les élections ne se déroulent pas à la date prévue.
Le timing est serré, les retards se sont accumulés. Pour le moment, le matériel électoral (ndlr: urnes ou bulletins de vote par exemple), qui doit venir de Chine ou d'Afrique du Sud, n'est pas encore là. Les capacités aériennes de la mission de l'ONU, la Monusco, ne seront peut-être pas non plus suffisantes pour distribuer ce matériel électoral dans tout le pays.
Il y a trois scénarios pour le moment. Soit les élections législatives et présidentielle se tiendront bien le 28 novembre, soit elles sont toutes les deux reportées. Troisième possibilité: on ne reporte que les élections législatives, ce qui pourrait entraîner une crise politique et des troubles.
L'opposition a-t-elle une chance de se faire entendre?
Dans la région, les oppositions n'ont pas une grande tradition de remporter les scrutins électoraux. Pour le moment, l'opposition n'a pas été capable d'avoir un candidat unique, donc cela les handicape beaucoup pour la présidentielle. Cependant, pour les législatives, il n'est pas impossible que tous ensemble ils approchent la majorité au Parlement.
On pourrait potentiellement se retrouver avec une situation de cohabitation. Mathématiquement, c'est un scénario probable, après, dans la réalité, on sait que c'est impossible. Pas dans ce pays.
Quel est le profil du principal opposant Etienne Tshisekedi, le leader de l'UDPS?
C'est quelqu'un issu du mobutisme, il a été premier ministre de Mobutu dans les années 70, il a rompu dans les années 80, il a été banni, et a subi une traversée du désert. Au début des années 90, lors de la période de démocratisation, il est revenu et a pris la tête des démocrates, mais cela a raté. C'est l'opposant historique, mais c'est aussi l'éternel perdant. Il a cependant une vraie popularité en RDC.
Les Congolais attendent-ils quelque chose de cette élection?
Contrairement à 2006 lors de la dernière présidentielle, il y a un désenchantement assez fort, notamment chez les électeurs de Kabila. Ceux du Kivu, à l'est du pays, à qui on avait promis que la paix serait restaurée, n'y croient plus. Et l'ouest du pays continue de rester assez opposé au président.
Pour cette élection, il n'y a du coup pas beaucoup d'attente de renouveau. Seuls les militants de l'UDPS pensent que leur candidat a des chances. Les autres considèrent que les jeux sont un peu faits.
Kabila est maintenant au pouvoir depuis dix ans, quel bilan peut-on tirer de son action?
C'est un peu la question que se pose les électeurs. En 2006, il avait fait des promesses très simples dont rétablir la paix dans l'Est et développer le pays: c'était les «5 chantiers». Ces chantiers n'ont eu qu'un début de commencement, assez récent. Il n'y a pas eu un travail d'une grande constance avant.
Sur la corruption par exemple, si on regarde l'index de Transparency international, on voit qu'il n'y a pas vraiment eu de changements. Il y a des paroles, mais il n'y a pas d'actes.
Les pays limitrophes sont souvent déstabilisateurs. Quelles sont leurs positions pour cette élection?
Je n'ai pas le sentiment qu'ils aient une position tranchée. Tout le monde est plutôt attentiste. Ce qui est évident cependant c'est que la période électorale coïncide avec celle des tensions avec Brazaville. Le voisin protège en ce moment le général Munene, qui a été accusé de vouloir comploter contre Kinshasa. Il a déjà été jugé par contumace, la RDC réclame son extradition mais le président Sassou-Nguesso a dit qu'il ne le rendrait pas.
Et, il y a quinze jours, des hommes ont été arrêtés par l'armée congolaise venant du Congo Brazaville. Ils ont déclaré qu'ils venaient destabiliser le régime en place, donc il y a eu à nouveau des tensions diplomatiques.
Du côté du Rwanda, il y a une alliance claire et nette entre Kinshasa et Kigali. En Ouganda, on est ni pour, ni contre.
Recueilli par Quentin Girard © Copyright Liberation
A quel type de campagne électorale peut-on s'attendre?
On s'attend à une campagne qui risque d'être un peu agitée à Kinshasa, car il y a déjà eu des violences pré-électorales dans la capitale début septembre. Des tentatives de manifester de l'UDPS, le principal parti d'opposition, ont été contrées par une volonté du pouvoir de leur interdire le droit de descendre dans la rue.
L'autre point chaud potentiel est Lubumbashi, au sud-est du pays, à cause de l'antagonisme traditionnel entres les Kasaïens et les Katangais, deux ethnies de la région. Il y a aussi des luttes de baron du parti au pouvoir dans la deuxième ville du pays qui ont entraîné des troubles ces derniers mois.
Le pays peut-il être déstabilisé?
Il y a deux types d'enjeux. Le premier est celui des violences post-électorales mais aussi celui de la stabilité du régime à moyen terme. En 2006, Kabila avait été obligé de faire un gouvernement de coalition. Si on est dans une configuration différente cette fois-ci, avec un gouvernement composé essentiellement de membres de son Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), il peut y avoir des problèmes de stabilité à moyen terme.
Les quatre morts dans la ville de Mbuji Mayi annoncés ce vendredi par la Monusco, ce n'est pas très surprenant, même s'il faut avoir encore les détails pour connaître les circonstances exactes. La Police nationale congolaise, à part dans la capitale, n'est pas formée pour le maintien de l'ordre.
Certains craignent que les élections ne se déroulent pas à la date prévue.
Le timing est serré, les retards se sont accumulés. Pour le moment, le matériel électoral (ndlr: urnes ou bulletins de vote par exemple), qui doit venir de Chine ou d'Afrique du Sud, n'est pas encore là. Les capacités aériennes de la mission de l'ONU, la Monusco, ne seront peut-être pas non plus suffisantes pour distribuer ce matériel électoral dans tout le pays.
Il y a trois scénarios pour le moment. Soit les élections législatives et présidentielle se tiendront bien le 28 novembre, soit elles sont toutes les deux reportées. Troisième possibilité: on ne reporte que les élections législatives, ce qui pourrait entraîner une crise politique et des troubles.
L'opposition a-t-elle une chance de se faire entendre?
Dans la région, les oppositions n'ont pas une grande tradition de remporter les scrutins électoraux. Pour le moment, l'opposition n'a pas été capable d'avoir un candidat unique, donc cela les handicape beaucoup pour la présidentielle. Cependant, pour les législatives, il n'est pas impossible que tous ensemble ils approchent la majorité au Parlement.
On pourrait potentiellement se retrouver avec une situation de cohabitation. Mathématiquement, c'est un scénario probable, après, dans la réalité, on sait que c'est impossible. Pas dans ce pays.
Quel est le profil du principal opposant Etienne Tshisekedi, le leader de l'UDPS?
C'est quelqu'un issu du mobutisme, il a été premier ministre de Mobutu dans les années 70, il a rompu dans les années 80, il a été banni, et a subi une traversée du désert. Au début des années 90, lors de la période de démocratisation, il est revenu et a pris la tête des démocrates, mais cela a raté. C'est l'opposant historique, mais c'est aussi l'éternel perdant. Il a cependant une vraie popularité en RDC.
Les Congolais attendent-ils quelque chose de cette élection?
Contrairement à 2006 lors de la dernière présidentielle, il y a un désenchantement assez fort, notamment chez les électeurs de Kabila. Ceux du Kivu, à l'est du pays, à qui on avait promis que la paix serait restaurée, n'y croient plus. Et l'ouest du pays continue de rester assez opposé au président.
Pour cette élection, il n'y a du coup pas beaucoup d'attente de renouveau. Seuls les militants de l'UDPS pensent que leur candidat a des chances. Les autres considèrent que les jeux sont un peu faits.
Kabila est maintenant au pouvoir depuis dix ans, quel bilan peut-on tirer de son action?
C'est un peu la question que se pose les électeurs. En 2006, il avait fait des promesses très simples dont rétablir la paix dans l'Est et développer le pays: c'était les «5 chantiers». Ces chantiers n'ont eu qu'un début de commencement, assez récent. Il n'y a pas eu un travail d'une grande constance avant.
Sur la corruption par exemple, si on regarde l'index de Transparency international, on voit qu'il n'y a pas vraiment eu de changements. Il y a des paroles, mais il n'y a pas d'actes.
Les pays limitrophes sont souvent déstabilisateurs. Quelles sont leurs positions pour cette élection?
Je n'ai pas le sentiment qu'ils aient une position tranchée. Tout le monde est plutôt attentiste. Ce qui est évident cependant c'est que la période électorale coïncide avec celle des tensions avec Brazaville. Le voisin protège en ce moment le général Munene, qui a été accusé de vouloir comploter contre Kinshasa. Il a déjà été jugé par contumace, la RDC réclame son extradition mais le président Sassou-Nguesso a dit qu'il ne le rendrait pas.
Et, il y a quinze jours, des hommes ont été arrêtés par l'armée congolaise venant du Congo Brazaville. Ils ont déclaré qu'ils venaient destabiliser le régime en place, donc il y a eu à nouveau des tensions diplomatiques.
Du côté du Rwanda, il y a une alliance claire et nette entre Kinshasa et Kigali. En Ouganda, on est ni pour, ni contre.
Recueilli par Quentin Girard © Copyright Liberation
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