jeudi 28 mars 2013

Centrafrique - Le Premier ministre centrafricain confirmé par Michel Djotodia

(Liberation 28/03/2013) L’avocat centrafricain Nicolas Tiangaye a été reconduit mercredi dans ses fonctions de Premier ministre par le nouvel homme fort de la Centrafrique, Michel Djotodia, trois jours après le renversement par la rébellion du président François Bozizé.«J’ai été reconduit Premier ministre, le décret a été signé», a annoncé à l’AFP Nicolas Tiangaye. Il a promis qu’il composerait un nouveau gouvernement représentant toutes les tendances, «sur la base des accords politiques de Libreville». L’avocat et ancien opposant dirigeait un gouvernement d’union nationale depuis seulement deux mois à Bangui, en application de l’accord de paix signé le 11 janvier à Libreville, entre le camp du président Bozizé, la rébellion et l’opposition.
Arguant du non-respect de cet accord, les rebelles du Séléka («alliance» en langue sango) avaient lancé en fin de semaine dernière une nouvelle offensive éclair victorieuse, poussant le président au pouvoir depuis dix ans à fuir vers le Cameroun voisin.
Dès dimanche, le chef rebelle Michel Djotodia s’était posé en nouveau maître du pays. Cet ancien fonctionnaire ayant basculé en 2005 dans la rébellion a déclaré lundi qu’il comptait diriger la Centrafrique pendant «trois ans», jusqu’à l’organisation d’élections. Annonçant la suspension de la Constitution et la dissolution de l’Assemblée nationale, il a précisé qu’il allait à présent «légiférer par ordonnances».
Mercredi, le Premier ministre a lui-même a justifié cette situation, en jugeant «juridiquement impossible» le maintien de la Constitution «avec la situation actuelle». «Bien entendu, il faudra y revenir dans trois ans», a-t-il dit. Me Tiangaye a plaidé pour que la communauté internationale, qui a condamné le coup de force, continue d’aider son pays, parmi les plus pauvres du monde malgré les richesses de son sous-sol encore inexploitées : «Sans la communauté internationale, nous ne pouvons pas nous en sortir».
Mardi, Washington avait dénoncé «l’auto-proclamation comme président» de Djotodia et qualifié «d’inacceptables» les nombreux pillages dans le pays. Les Etats-Unis ont prévenu qu’ils pourraient geler près de 2,2 millions de dollars d’aide américaine, finançant notamment l’entraînement de militaires centrafricains ou des programmes de lutte contre des trafics. L’aide humanitaire de 22 millions de dollars ne serait, en revanche, pas affectée.
La Centrafrique a aussi été évoquée mercredi au Vatican: le nouveau pape François a appelé à «un arrêt immédiat des violences et pillages», mentionnant un conflit spécifique pour la première fois depuis son élection.
Priorité à «la sécurisation de Bangui»
Mercredi, à Bangui, l’électricité avait été rétablie et l’activité économique redémarrait lentement, même si les habitants s’impatientaient devant les pénuries. Les taxis sont réapparus et la radio nationale a recommencé à émettre.
Les rebelles du Séléka, parmi lesquels des «enfants-soldats», patrouillaient toujours, mercredi, en ville avec des membres de la Force multinationale d’Afrique centrale (Fomac). «Nous sommes en train de procéder au casernement des gens du Séléka», a annoncé Nicolas Tiangaye. «Beaucoup de gens, des faux Séléka, circulent dans la ville terrorisant la population et puis les bandits s’y sont mêlés et donc, ça ne fait qu’aggraver la situation», a-t-il assuré.
«Tous les hommes en armes ont jusqu’à 18 heures pour se faire identifier», a ensuite annoncé le porte-parole du Séléka, Christophe Gazam Betty. «Tous ceux qui ne l’ont pas fait enfreindront la loi. Une loi qui sera appliquée sans ménagement», a-t-il menacé, à la radio nationale. Le bilan des violences n’a pu être établi depuis le coup de force. La Croix-Rouge a évoqué «un nombre important de blessés et de morts».
François Bozizé, était lui-même arrivé au pouvoir par les armes en 2003. Le président déchu est actuellement logé dans un grand hôtel de Yaoundé mais les autorités camerounaises souhaitent qu’il «parte le plus rapidement possible vers un autre pays». Le reste de sa famille a été accueillie en République démocratique du Congo, «dans le cadre de l’hospitalité africaine», a fait valoir mercredi à l’AFP le Premier ministre congolais Augustin Matata Ponyo. Parmi ces 28 personnes figurent deux des trois épouses du président déchu, la troisième étant partie avec lui.
La Centrafrique, ancienne colonie française, n’a connu depuis son indépendance en 1960 qu’une série de coups d’Etat, scrutins contestés, rébellions et mutineries. Ce pays potentiellement riche (agriculture, forêt, uranium, diamants...), dont les cinq millions d’habitants restent globalement très pauvres, est au 180ème rang sur 186, au classement des pays suivant l’Indice de développement humain défini par les Nations unies.

Par AFP

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