(journal du cameroun 01/07/2011)
C’est le constat issu d’une étude réalisée par l’observatoire camerounais des droits de l’homme en collaboration avec une organisation non gouvernementale française
Profil bas sur les droits de l’homme
Entre 2008 et 2010, les droits de l’Homme auraient connu un recul au Cameroun. Cette affirmation a été faite à l’issue de la cérémonie de présentation du rapport sur la situation des droits de l’homme dans ce pays, le 27 juin dernier à Paris en France. L’étude qui a bénéficié du soutien de l’organisation française CCFD-Terre Solidaire, est une production de l’observatoire camerounais des droits de l’Homme. Ce rapport de 35 pages porte sur quatre axes d’analyse. Dans un premier temps, il revient sur la crise sociale de 2008, pour dénoncer un usage excessif de la force et des atteintes à la vie des populations non armées, des exécutions arbitraires, des arrestations et détentions arbitraires ciblées, des cas de tortures et traitements ou châtiments cruels inhumains ou dégradants, des cas de violations des droits à la liberté d’expression, d’opinion et d’information. Le rapport relève aussi que les causes du soulèvement de cette période n’ont pas connu une réelle évolution. La situation n’a pas toujours évolué dans le sens des revendications des acteurs sociaux de cette crise, fait connaitre le rapport.
La deuxième thématique traitée par ce rapport est relative aux conditions de détention dans les prisons camerounaises. Elles sont limitées en qualité et en quantité, fait remarquer le rapport. Les prisons camerounaises sont vétustes, exiguës et dans un état de délabrement avancé. Leur capacité d’accueil globale de près de 14 965 places a doublé et le Cameroun compte aujourd’hui 23 196 détenus explique le rapport. Une situation qui réduirait considérablement la qualité du niveau de vie dans les prisons de ce pays. Plus grave, la présomption d’innocence semble complètement ignorée dans ce contexte. Sur l’ensemble des détenus au Cameroun, seulement un peu plus de 35% seraient effectivement condamnés. Le reste en attente d’un interminable jugement. Une situation à mettre à l’actif des lenteurs judiciaires tant décriées. Le troisième axe d’étude du rapport aborde la question de la torture. Dans sa forme la plus brutale, elle aurait diminué.
Mais on apprend quand même que certaines formes de torture demeurent ou alors sont rarement punies. Le rapport aborde enfin la question électorale, en dénonçant un ensemble de violations, qui partent de la non crédibilité de l’instance en charge d’organiser les élections au Cameroun (ELECAM), jusqu’à la critique même du bien fondé de cette structure. Une particularité du rapport, il offre un ensemble de propositions et de recommandations à l’endroit des divers acteurs impliqués dans le processus des droits de l’Homme. Cela concerne le gouvernement, la société civile et les organisations internationales.
Un rapport à élargir à d’autre segments des droits fondamentaux
Pourtant aussi pertinent que soit ce rapport, il semble incomplet. Un oubli qui tient à la compréhension qu’on se fait généralement des droits de l’Homme. Très souvent même chez les experts, on semble croire que la question des droits de l’Homme oppose les pouvoirs publics aux personnes privées.
Un regard sur la constitution camerounaise permet de voir qu’il existe bien plus de droits garantis par la législation camerounaise, bien que n’étant pas respecté. Ainsi, on fera le constat que le rapport mets l’accent sur des droits en rapport avec des questions politiques (répressions, institutions carcérales, torture et élections). Il existe pourtant de nombreux autres droits, notamment économiques et sociaux, qui font l’objet de grosses violations au Cameroun, au nom de l’objectif de développement. De nombreuses personnes continuent encore de travailler pour des employeurs qui n’ont aucun respect pour leurs statuts.
On assiste tous les jours à des licenciements abusifs, des retards important de salaire, ou encore des fermetures sans paiement des droits des entreprises. Un autre exemple de violation des droits non abordé, est celui du droit des enfants. Avec les grandes vacances, plusieurs d’entre eux se retrouvent dans les carrefours des grandes villes camerounaise, vendant au risque de leur vie, des produit issus de grandes industries locale, devant l’œil complice d’une population, et au mépris complet du respect du droit des enfants, valeurs auxquelles adhère l’Etat du Cameroun.
D’un autre côté, l’évolution de la mondialisation va de paire avec l’apparition de nouveaux droits. Parmi les plus importants, le droit au développement durable, à la transparence dans le cadre des énergies extractives et aussi la redistribution équitable des fruits de la croissance. Or on remarquera que plusieurs personnes vivent encore en dessous du seuil de pauvreté (40% selon l’institut nationale de la statistique). Autre exemple, aujourd’hui encore et malgré son fort potentiel, les populations de la région de l’Est du Cameroun, figurent encore parmi les plus pauvres et les moins insérés professionnellement dans le pays.
Une situation qui marque clairement la violation des droits reconnus aux communautés autochtones, garanties par la constitution. Dans le même sens, malgré de nombreuses initiatives des autorités, de nombreuses minorités sociales continuent soit d’être stigmatisées, soit d’être en marge des prises de décision dans l’évolution du pays. Les seuls intérêts qu’on leurs porte sont parfois lors de l’approche d’échéances électorales.
Leur ignorance des intérêts politiques et leurs connaissances très limitées des enjeux d’un vote, en font des instruments parfaits de victoires électorales. Toutes ces violations ne sont pas que le fait du pouvoir en place, mais aussi des individus et des entreprises. De nombreux observateurs estiment à ce propos, qu’un rapport sur les droits de l’Homme ne devrait plus être perçu que sur un segment politique. Un accent devrait aussi être mis sur la protection des droits économiques et sociaux.
Par Idriss Linge - 30/06/2011
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