Au Congo-Kinshasa, Martin Kobler s'en va. Après
deux ans passés à la tête de la Mission des Nations unies dans ce pays,
le diplomate allemand quitte ses fonctions d'ici la fin octobre 2015.
C'est donc l'heure du bilan. En ligne de Kinshasa, le chef de la Monusco
- la plus importante mission de maintien de la paix dans le monde -
répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Au train où vont les choses, est-ce qu’il
est encore possible que la présidentielle et les législatives se
tiennent avant la fin 2016 ?Martin Kobler : Je suis très confiant. On a 14 mois, jusqu’au mois de novembre 2016, je ne vois aucune raison pourquoi ce ne serait pas possible, parce que nous sommes au mois de septembre 2015. Il faut prendre les dispositions techniques pour arranger les élections mais je crois que 14 mois c’est suffisamment de temps, si on la volonté politique de le faire.
Oui mais Monsieur Kobler, il est prévu sept élections locales avant la tenue de ces élections nationales ?
Non, ce n’est pas encore clair parce que le calendrier électoral ne peut pas être mis en avant maintenant. Les locales sont au mois d’octobre 2015, maintenant c’est après-demain. C’est très clair pour tout le monde qu’on ne peut pas arranger les élections locales dans 15 jours. C’est pourquoi, tout ceux qui sont impliqués, discutent maintenant un nouveau calendrier électoral. Nous nous focalisons sur les élections présidentielles et législatives au mois de novembre 2016. Si c’est possible de faire d’autres élections avant, alors pourquoi pas.
Mais si les autorités congolaises refusent de changer quoi que ce soit dans le calendrier électoral et si elles s’obstinent à vouloir organiser toutes les élections locales avant la présidentielle et les législatives, est-ce qu’on ne va pas dans le mur ?
Ce sont beaucoup de « si ». Maintenant, je n’ai aucune raison de croire que novembre 2016 est en danger.
Vous dites que ça fait beaucoup de « si » mais jusqu’à présent le président Kabila a toujours insisté sur la nécessité de faire les élections locales avant les élections nationales ?
Le président Kabila a aussi dit, 'il faut avoir un dialogue politique avec l’opposition, avec la société civile pour déterminer les questions qui sont sur la table'.Les discutions sont en cours et on va voir.
Mais pour l’instant, le calendrier fixé par les autorités congolaises, démarre par les élections locales et il se termine par les élections nationales. Qu’est-ce qui vous garantit que les autorités congolaises vont accepter de changer l’ordre des priorités ?
L’objectif du dialogue politique, c’est de discuter ces choses. C’est le calendrier électoral, c’est le budget, c’est la sécurité électorale.
Le mois dernier, vous avez vivement protesté contre l’interdiction au Congo du film L’Homme qui répare les femmes consacré au Docteur Mukwege. Est-ce que vous êtes d’accord avec ce médecin gynécologue quand il dit que la situation des droits de l’homme se dégrade et que l’espace des libertés fondamentales se rétrécit ?
Ce que je peux constater, c’est un film qui ne peut pas être montré. Alors c’est contre la liberté d’expression et nous constatons vraiment une dégradation des libertés civiles par rapport aux élections.
Vous avez donc reçu la mission du Conseil de sécurité de veiller à ce que le processus électoral soit crédible. Voilà seulement deux ans que vous êtes en poste à Kinshasa, est-ce qu’aujourd’hui vous partez parce que peut-être vous sentez que vous n’allez pas pouvoir atteindre l’objectif que vous a assigné le Conseil de sécurité ?
Non, je pars avec un sentiment de profonde satisfaction. Notre tâche n’est pas seulement les élections, nous sommes une opération de maintien de la paix à l’est. 96% de nos troupes sont à l’est du pays avec la tâche de combattre les groupes armés. Nous avons la brigade d’intervention, on a, avec la chute des M23, développé une dynamique extraordinaire qui persiste jusqu’à aujourd’hui. Vous ne pouvez pas reconnaître Goma au mois d’août 2013 et au mois de septembre 2015, vous avez des vols commerciaux d’Addis-Abeba à Goma, vous avez les routes asphaltées, il reste beaucoup à faire mais la situation est beaucoup mieux. C’est pourquoi je pars, ici, avec un sentiment de fierté, je dois dire, de combattre les groupes armés. Dans les derniers mois, nous avons neutralisé presque 50% des FRPI, un groupe en Ituri et tout le monde le reconnait. Maintenant à l’est, pas seulement à Goma, mais aussi dans d’autres villes, les gens remercient les troupes de la Monusco, l’image de la Monusco a changé. C’est pourquoi, je pars vraiment avec un sentiment de satisfaction parce que mon premier séjour au mois d’août 2013 à Goma, les gens ont jeté des pierres sur ma voiture, maintenant ils sont plein de gratitude.
L’échec du désarmement des rebelles hutus rwandais, des FDLR, est-ce que ce n’est pas un point négatif dans votre bilan ?
Tout à fait. C’est un problème qui continue. Je ne parle jamais d’échec parce qu’un échec c’est final. Non, on n’a pas abandonné, on continue. On a terminé les M23, on a substantiellement réduit au Nord-Kivu les ADF. Si vous allez aujourd’hui à Kamango, près de la frontière, il y a un an c’était une ville fantôme, maintenant 80 000 réfugiés sont rentrés à Kamango. Mais il reste beaucoup à faire, le combat contre les FDLR, ça continue mais cela dépend de la coopération avec le gouvernement. C’est pourquoi, aussi, je pars avec un sentiment de frustration qu’il reste beaucoup à faire. Ici, il faut avoir la volonté politique de combattre les FDLR.
Est-ce qu’on peut dire succès à l’est, échec à l’ouest ?
Non pas du tout. Je vois aussi beaucoup de progrès à l’ouest du pays. Si vous comparez les dates économiques du pays à l’ouest, il ne faut pas limiter ça seulement sur les élections maintenant, on se focalise sur les élections...
... Mais c’est normal, non ?
Oui, tout à fait, mais les autres choses, c’est le développement de l’économie.
rfi.fr
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