jeudi 17 juin 2010

Centrafrique - INJONCTION D’ARRESTATION CONTRE LE BATONNIER DE CENTRAFRIQUE: Bozizé met les godasses dans les plats

(Le Pays 17/06/2010)
Le président centrafricain François Bozizé avait-il vraiment besoin de se rendre au palais de justice de Bangui comme il l’a fait le 10 juin dernier pour intimer l’ordre d’arrêter sans délai les auteurs de l’incendie d’un supermarché intervenu la veille ? Pour n’avoir pas mis la manière, il a provoqué une grève des avocats de son pays dont le bâtonnier de l’Ordre, Me Symphorien Balemby, est activement recherché dans le cadre de cette affaire.
Outre la grève, Bozizé a aussi suscité la controverse sur le peu de cas qu’il fait de la séparation des pouvoirs même s’il est le premier magistrat du pays, le garant de l’indépendance de la justice, de l’immunité des avocats et, pour tout dire, de la présomption d’innocence . Au regard de ces agissements que l’on ne voit finalement qu’en république bananière – l’humoriste Mamane parlerait de république très très démocratique du Gondwana – il n’est pas certain que le bâtonnier qui a échappé à l’arrestation, sorte de la clandestinité dans laquelle il est entré depuis lors, mais de laquelle on veut le faire sans doute émerger avec l’arrestation du personnel de son cabinet et de celui du Conseil de l’Ordre opérée par la gendarmerie au cours de sa descente sur les lieux. En tout cas, le bâtonnier et tous ceux que le "juge procureur" François Bozizé a dans sa ligne de mire, sont prévenus qu’ils sont déjà condamnés par avance.
Au pays de Bozizé, la justice c’est Bozizé à l’image de feu Lansana Conté qui avait déclaré qu’en Guinée la justice c’est lui, après s’être rendu personnellement en prison pour libérer son ami et homme d’affaires Mamadou Sylla. Mais qu’est-ce qui a bien pu pousser Bozizé pour qu’il se mettre en colère au point de planter ses godasses dans le plat de la justice en débarquant au palais pour exiger l’arrestation des auteurs de l’incendie du supermarché dont il a désigné des coupables ? Certes, il se dit que le supermarché en question appartiendrait à un de ses proches, Libanais de son état. Mais cela l’autorise-t-il vraiment à outrepasser ses droits et prérogatives régaliens. A moins qu’il n’en soit le vrai propriétaire ou qu’il en ait des actions. Si jamais c’est le cas, le chef de l’Etat aura usé de sa position pour défendre ses intérêts particuliers. Ce qui ne serait pas à son honneur parce qu’il a été élu par les Centrafricains pour défendre leurs intérêts et non les siens propres. On aurait un peu compris l’attitude du n°1 centrafricain – mais sans la tolérer – s’il s’était agi d’une menace contre son pouvoir.
Le rebelle Charles Massi n’a-t-il pas simplement été liquidé pour avoir voulu renverser Bozizé par les armes ? Mais dans le cas de l’incendie du supermarché, on n’est pas dans une telle situation, sous réserve que Bozizé considère le bâtonnier comme un opposant ou proche d’un opposant et suffisamment dangereux au point de l’amener à tout mettre en œuvre pour le casser à tout prix. Auquel cas le chef de l’Etat userait vraiment de moyens disproportionnés.
Les opposants attitrés ou ceux taxés comme tels s’en tirent finalement à bon compte par rapport à la méthode utilisée contre le bâtonnier de l’Ordre. Certains d’entre eux comme l’ancien Premier ministre Martin Ziguélé ou le défenseur des droits humains, Me Nicolas Tangaye, sont soit interdits de sortir du territoire national sans explication, soit se font confisquer leur passeport, de retour de voyage. Dans l’ensemble, la météo semble mauvaise pour les opposants et tous ceux que Bozizé ne veut pas voir, même en peinture.
Séni DABO
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