Selon un confrère kinois, « le sénateur Jean-Pierre Bemba » serait « plus que jamais proche de la sortie des geôles de la Cour pénale internationale de la Haye ». Citant des « proches » du président du MLC non-autrement identifiés, notre confrère de préciser qu’ »une bonne partie » des « effets personnels » de Bemba « ont déjà été évacués de sa cellule de la CPI ». De même, « un autre signe qui annonce l’imminence de la libération du patron du MLC, c’est la forte délégation des cadres de son parti et des proches qui s’apprêtent à effectuer le voyage de la Haye. Proche parmi les poches, le député Fidèle Babala, sera du voyage ».
Joint au téléphone, mercredi soir, à Kinshasa, par l’auteur de ces lignes, Fidèle Babala Wandu, un des secrétaires généraux adjoints du MLC (Mouvement de libération du Congo), n’a pas trouvé des mots assez durs pour fustiger ce qu’il considère comme une « élucubration de journaliste ». Pour lui, cette « nouvelle » est tout simplement « du n’importe quoi ».
Sept ans de « détention préventive »
Arrêté en mai 2008 à Bruxelles et transféré à la CPI à La Haye au mois de juillet, Jean-Pierre Bemba Gombo va totaliser sept années de « détention préventive » dans une prison d’un pays occidental. Une situation bien surprenante dans la mesure où le système romano-germanique tient la liberté pour la règle. La détention, l’exception. Pire, au moment de son arrestation, Bemba résidait à Bruxelles où vit toute sa famille. Ses enfants sont scolarisés en Belgique.
On le sait, le leader du MLC est accusé d’avoir, à partir de Gbadolite, exercé « son autorité hiérarchique » sur les 1500 combattants du MLC envoyés à Bangui à la rescousse du président centrafricain d’alors Ange-Félix Patassé. Celui-ci faisait face à une rébellion conduite par le général François Bozizé.
Dans une interview accordée à Congo Indépendant, fin novembre 2013, Aimé Kilolo-Musamba, membre de l’équipe de défense du sénateur Bemba, confiait que les arguments soulevés par celle-ci ont été confirmés par un expert militaire français accrédité à la CPI. Il s’agit du général Jacques Serra. Cet officier a pu démontrer qu’il faut « disposer d’un état-major général pour commander à peu près 1.500 hommes ». Selon lui, « un homme seul ne peut pas le faire ». L’expert français d’expliquer que le commandement des opérations implique la gestion préalable des renseignements militaires sur le territoire concerné. « Il fallait également, selon lui, disposer d’une cellule chargée d’analyser et de recouper les informations reçues avant d’extraire ce que les spécialistes appellent le renseignement militaire ». Pour cet officier, « le plan des opérations ne peut être élaboré qu’après ce processus ». De même, « la coordination de toutes ces opérations devait être assurée par une autorité présente sur le terrain et non pas à un millier de kilomètres ».
L’année dernière, l’accusation a prononcé son réquisitoire, suivi par la plaidoirie des avocats de la défense. Ceux-ci ont pu démontrer que les troupes du MLC déployées en Centrafrique étaient placées sous le commandement de l’état-major de l’armée centrafricaine. Depuis l’ouverture du procès en 2010, aucun responsable du régime Patassé n’a été auditionné ne serait-ce qu’au titre de témoin. L’ex-procureur Luis Moreno Ocampo avait, pour une raison qui lui est propre, absout Patassé. Et pourtant, l’ancien président centrafricain était présenté comme étant l’accusé principal dans l’acte d’accusation transmis à cette juridiction internationale par la Cour de cassation de Bangui.
De nombreux observateurs d’estimer, dès lors, que Bemba – sans être exempt de tout reproche – est un « parfait bouc émissaire ». Et que son procès est plus une affaire politique que judiciaire. Avocat au barreau de Gand, Me Jean Flamme n’en pensera pas moins. Chargé de la défense de Me Jean-Jacques Kabongo Mangenda, il a eu ces mots dans un entretien avec Congo Indépendant : « A mon avis, l’affaire Bemba est une affaire politique. La grande majorité des affaires traitées à la Cour pénale internationale est politique ».
Affaires Bemba I et Bemba II
Depuis fin décembre 2013, il y a deux affaires Bemba. La première concerne les exactions imputées, à tort ou à raison, aux troupes du MLC déployées en Centrafrique. La seconde est relative à l’accusation de « subornation de témoins » formulée par la procureure Fatou Bensouda. Cette magistrate d’origine gambienne accuse les avocats du leader du MLC d’avoir non seulement « soudoyé » les témoins mais aussi d’avoir « falsifié » des documents. « Faux », répondent les proches de Bemba arguant qu’ils étaient, au contraire, sur le point de saisir la Cour au sujet des tentatives de subornation des témoins par …le bureau de la procureure. Bénéficiant de l’écoute – illégale – des conversations de ses adversaires, la procureure a réussi à décapiter l’équipe de défense de Bemba en ordonnant l’arrestation des avocats Aimé Kilolo-Musamba, Jean-Jacques Kabongo Mangenda et Narcisse Arido. Proche parmi les proches du « chairman », le député national Fidèle Babala sera appréhendé vers 2h00 à matin à son domicile kinois avant d’être transféré à La Haye, menottes aux poignets tel un malfrat. Depuis octobre 2014, les membres du groupe bénéficient d’une « libération provisoire ».
Après onze mois passés dans une cellule à La Haye, Babala a été libéré le 21 octobre 2014. Il regagné Kinshasa 48 heures plus tard.
Dans une interview accordée à Congo Indépendant, début janvier dernier à Paris, « Fidèle » n’excluait pas que son président de parti retrouve la liberté au cours du premier semestre de l’année en cours. Comme pour garder toute sa lucidité, il ajoutera : « Si la décision à rendre était fondée uniquement sur les règles du droit, je ne doute pas que ’Jean Pierre’ sera acquitté ». Avait-il « suborner » des témoins? « Lors de la première audience, j’ai pris connaissance des faits qui m’étaient reprochés. J’ai pu lire : subornation des témoins ; corruption ; production de faux documents et production de faux témoignages. Une question m’est aussitôt venue à l’esprit : c’est quoi ça encore ? ». Et d’ajouter : « Comment pourrais-je corrompre des personnes que je ne connais pas et que je n’ai jamais rencontrées ? Des personnes, par ailleurs, qui témoignent sous l’anonymat. Pour soudoyer un témoin, il faut non seulement le connaître mais aussi les thèmes pour lesquels il va déposer ». Et les faux documents ? « Pour falsifier des documents dans une procédure judiciaire, il faut être partie au procès. Ce qui est loin d’être mon cas ».
Au cours de cet entretien, Babala dira : « J’ai été privé de liberté pendant onze mois. Je n’ai toujours pas compris pourquoi. Comme vous le savez, j’ai assumé les fonctions de directeur de cabinet de Jean-Pierre Bemba tant au niveau du parti que lorsqu’il est devenu un des vice-présidents de la République. Nonobstant son transfert à La Haye, j’ai gardé un contact permanent avec lui. Je lui fournissais diverses informations tant sur la vie nationale qu’internationale. De même, je lui rendais quelques « menus services ». Chaque jour, il me téléphonait. Inutile de vous dire que nous avons un long ’vécu commun’ au point que nous nous comprenons à demi-mot. Nos entretiens se passaient généralement en français et en lingala. Le téléphone au Pays-Bas n’étant pas gratuit, je lui faisais des envois d’argent par Western Union via l’administration pénitentiaire. De l’argent qu’il pouvait utiliser pour ses besoins d’alimentation et de confort. (…). Lorsque l’équipe de défense est arrivée au stade où elle devait présenter les témoins à décharge, j’ai coordonné la contribution financière de la famille Bemba, du parti et de moi-même pour cette équipe. L’équipe de défense devait mener trois actions. Primo : trouver les témoins. Secundo : les auditionner. Enfin : les présenter ». Pour la procureure, Fidèle Babala était le gestionnaire des biens de Bemba. Des biens placés sous séquestre.
A la lumière de ces rappels, on ne peut qu’imaginer que notre confrère kinois a été abusé dans sa bonne foi par quelques « bembistes » trop enthousiastes. « Ce n’est pas la première fois qu’on annonce la libération du sénateur Jean-Pierre Bemba, conclut Fidèle Babala. L’information officielle est celle qui sera diffusée sur le site Internet de la CPI ».
B.A.W
© Congoindépendant 2003-2015
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